Historique des toiles peintes
L’impression de motifs végétaux sur toile est très ancienne. C’est aux Indes, grand producteur de cotonnades, que l’on découvre dès les premiers siècles des fibres possédant la qualité de « grand teint », et le moyen de graver en creux ou en relief sur des étoffes bon marché. Dès le Moyen-Âge, elles s’exportent à travers l’Orient, puis le Moyen-Orient et arrivent au XVIIe siècle sur les marchés européens.
Vers 1660 on en voit dans les foires des environs de Paris, connues pour leur importance commerciale. Elles plaisent pour leur légèreté, la gaîté de leurs couleurs et de leurs motifs et satisfont le goût d’exotisme des femmes après l’ambassade du Roi de Perse en France en 1686.
Mais peu de temps après, un arrêt du Conseil d’État, proclame la prohibition des toiles peintes, pour protéger les Manufactures de soie, de laine, de lin et de chanvre. Malgré l’interdiction, la fabrication clandestine s’organise, soutenue jusqu’à la cour, où Madame de Pompadour porte des indiennes et en utilise pour recouvrir le mobilier de son château de Bellevue.
Peu à peu la répression diminue ; en 1759 l’autorisation générale d’imprimer sur tissus est accordée. Beaucoup de manufactures ouvertes à la hâte périclitent, faute d’ouvriers compétents pour les faire marcher, sauf en Alsace où l’indiennage se révèle vite un marché très actif.
C’est à ce moment qu’arrive en France Christophe-Philippe Oberkampf, d’abord formé par son père à Aarau en Suisse, puis à Mulhouse chez Koechlin-Dolfuss et enfin par Mr. Cottin graveur à Paris. Il s’associe en 1762 avec Antoine de Tavannes, pour s’installer à Jouy-en-Josas au bord de la Bièvre, rivière dont les eaux ont la capacité de fixer les teintures.
Les opérations nécessaires à l'impression des toiles
L’impression sur tissu nécessite plusieurs opérations, et c’est le bon ordre et le soin avec lesquels elles se déroulent, qui assurent aux toiles sorties de la manufacture de Jouy la solidité des couleurs, qui a fait leur renommée.
Les pièces de toile sont d’abord battues, lessivées, blanchies au chlore pour perdre leur apprêt. Étendue sur une table, la toile reçoit l’application des bois gravés enduits de couleur : autant de couleurs, autant de bois qui sont déplacés régulièrement pour répéter le dessin.
Une fois séchée à l’étuve et les couleurs imprimées, la pièce de toile est abondamment rincée pour que les « mordants » de la couleur n’attaquent pas la toile, puis séchée sur les prés.
À partir de 1770, l’utilisation de la planche de cuivre, puis du rouleau gravé en creux facilite considérablement l’impression qui se fera en continu et permettra une production beaucoup plus importante.
Mais ce sont surtout la variété des motifs imprimés qui ont fait la renommée de Jouy : motifs floraux en semis ou en guirlandes, dont le dessin était fait par des dessinateurs attachés à la Manufacture, motifs à personnages, scènes galantes tirées des romans à la mode, jeux d’enfants, animaux venus des fables de La Fontaine. Ce répertoire décoratif créé par d’excellents artistes, dont certains (J.B. Huet, Chardin puis Heim et Demarne) étaient des peintres connus, ne cesse d’évoluer.
Au moment de la vogue du cachemire, les impressions reprenant ces motifs orientaux rivalisent avec les soieries trop coûteuses pour la majorité des femmes.
À la fin du siècle, des scènes contemporaines apparaissent sur les toiles : la Fête de la Fédération, la Guerre d’Indépendance américaine, le premier envol en ballon. À partir de 1797, les sujets mythologiques et antiquisants se multiplient.
Le déclin de la manufacture
Dans les années 1790, les difficultés rencontrées dans l’approvisionnement en toile blanche incitent Oberkampf à créer à Essonnes sa propre usine de filature et tissage.
L’activité de la manufacture de Jouy ne cesse de croître jusqu’en 1815, année de sa mort.
Mais pour ses héritiers et associés l’heure du déclin sonne vite. L’industrie supplante peu à peu l’artisanat, fabricant des toiles imprimées à des prix beaucoup plus bas ; le goût change, la mode aussi.
Les ateliers ferment peu à peu. Les Barbet dits « de Jouy », qui ont succédé aux Oberkampf, ferment définitivement la manufacture en 1843.
Le Musée de la Toile de Jouy se trouve au 54 rue Charles de Gaulle, 78500 Jouy-en-Josas.