Des débuts prometteurs
La banque Hottinguer est fondée en France par Hans-Konrad Hottinger (1764-1841), une banque privée d’origine zurichoise, « Rougemont, Hottinger & Cie » en association avec Denis de Rougemont dont il se sépare en 1790. Il quitte la France en 1793, soupçonné de « menées royalistes », et se marie au Royaume Uni avec Eliza Redwood, fille d’un planteur négrier américain. De retour à Paris en 1798, après avoir séjourné aux Etats-Unis et en Angleterre, il participe à la création de la Banque de France, dont il sera nommé Régent en 1803, fonction qu’il exercera sans discontinuer jusqu’en 1828.
En 1799, Hans-Konrad adopte le prénom de Jean-Conrad et ajoute la lettre « u » à son patronyme. En 1810, il est nommé Baron d’Empire, titre transmissible au fils aîné à chaque génération.
Pendant plus de cent ans, un membre de la famille Hottinguer siège au Conseil de la gérance de la Banque de France.
De la banque de négoce à la Haute Banque
Au XIXème siècle la Banque Hottinguer est au cœur du développement industriel et bancaire en France, pays d’adoption de la famille Hottinguer, et dans le monde.
Les Hottinguer contribuent au financement des grandes entreprises dans le domaine des charbonnages, des mines, de la métallurgie, des canaux, des chemins de fer. Fidèle aux traditions familiales d’entraide, la banque finance des œuvres caritatives protestantes comme la Maison de Boissy-Saint-Léger chargée de la formation d’institutrices et la Société de secours aux blessés militaires.
En 1818, Jean-Conrad crée la Caisse d’Epargne, en partenariat avec la famille Delessert. La banque Hottinguer participe notamment à la création de la Compagnie générale des Eaux (devenue Vivendi puis Veolia), ainsi qu’à celle de la compagnie d’assurances Drouot (futur groupe AXA). Elle fait partie de ce qu’on appelle à l’époque la « Haute Banque ».
Entre 1835 et 1846, la banque Hottinguer investit massivement dans les chemins de fer, à l’instar des Rothschild et dans la sidérurgie en Belgique ; elle finance la création de la Société des Charbonnages et des hauts fourneaux d’Ougrée.
Avec la Banque Mallet, les Hottinguer créent la Société des houillères et du chemin de fer d’Epinac (Saône et Loire), transformée en société anonyme en 1850, entreprise emblématique de la haute banque protestante. Les bâtiments du puits construit entre 1872 et 1876, (inscrit monument historique en 1992) abritaient un mode d’extraction révolutionnaire : un piston se déplaçant dans un tube de 558 m de hauteur, usiné au Creusot.
Forte de ses réseaux américains, grâce à Jean-Henri Hottinguer (1803-1866), la Maison Hottinguer crée une succursale au Havre et se spécialise dans le négoce international du coton et des denrées coloniales avec les Etats-Unis.
En 1862, la Banque participe à la création de la Banque Ottomane. En 1878, la création de la Banque des chemins de fer suisses réunit des capitaux fournis par la Banque de Paris et des Pays Bas, la Banque Mallet, la Banque Hottinguer et la famille André.
Fluctuat nec mergitur : la banque d’affaires aux XXe et XXIe siècles
En 1904, la Banque Hottinguer participe, avec d’autres établissements de crédit, tels Mallet, Mirabaud, Neuflize, Demachy et Vernes, à la création de la Banque de l’Union Parisienne (1904-1973).
En 1936, un membre de la famille Hottinguer fait partie de la délégation des quatre régents qui négocient avec le ministre des Finances, Raymond Poincaré, le changement de statut de la Banque de France à l’époque du Front Populaire.
En 1940, le déménagement de la Banque Hottinguer est organisé et les intérêts des clients placés à l’abri. A la mort d’Henri (1943), son fils Rodolphe, (futur président de l’Association française des banques) prend sa succession. La famille participe à l’effort de guerre – Jean-Conrad, officier de liaison auprès de l’armée américaine, puis du Gouvernement Provisoire français, est décoré pour services rendus à la France.
En 1968, Hottinger & Compagnie est créée à Zurich, Dreikönigstrasse.
En 1981 est créé Hottinger Brothers à New York. En 1987 est créé Hottinger Capital Corp, qui gère alors le Swiss Helvetia Fund, coté à la Bourse de New York. La banque s’installe à Genève en 1988. En 1997, la banque parisienne est rachetée par le Crédit suisse, sous le nom de Crédit suisse Hottinguer.
Les différentes branches de la famille se disputent le contrôle de la banque. En 2008, la branche aînée, avec Henri Hottinguer (1934-2015) se retrouve seule aux commandes. En 2010, la banque passe du statut de société en commandite à celui de société anonyme. En 2012, le projet de fusion avec la banque Cramer de Genève échoue. Le nom Banque Hottinguer est repris par un établissement créé en 1989, la Société financière HR (devenue en 2007 Banque Jean-Philippe Hottinguer & Cie, puis en 2012 Banque Hottinguer à Paris) qui entre dans l’association des Hénokiens, regroupant des sociétés familiales bicentenaires.
Jean-Philippe, son fils Jean-Conrad et ses cousins sont les derniers à détenir une maison de banque en France. Soucieux de poursuivre l’œuvre de leurs ancêtres, ils comptent parmi les fondateurs de la Fondation du Protestantisme.