Un large réseau d'influence
L’histoire « officielle » du jansénisme en France est sans doute relativement courte, si on la fait commencer en 1640 avec la traduction en français du livre de Cornelius Jansen, l’Augustinus, pour la conclure avec la condamnation prononcée par le Pape Clément XI en 1713 (bulle Unigenitus), Celle-ci, en l’occurrence, n’était plus que la confirmation de plusieurs décisions antérieures prises par Louis XIV, le Roi ayant été tout à fait hostile, dès le début de son règne personnel (1661), aux prises de position jansénistes.
Cependant, c’est une histoire de grande intensité, que l’on considère ses nombreux et influents protagonistes, la mère Angélique Arnauld (1591-1661), petite fille convertie d’un chef de guerre protestant et réformatrice du couvent de Port Royal, ses frères Antoine (1612-1694) et Robert (1589-1674) Arnauld, Blaise Pascal (1623-1662), Pierre Nicole (1625-1695), sans oublier Jean Racine, Louis-Isaac Lemaistre de Sacy (à qui l’on doit une traduction de la Bible en français), etc., que l’on considère aussi tous ceux qui s’en sont sentis proches ou très critiques, selon les circonstances, Bossuet, les frères Perrault, le peintre Philippe de Champaigne, Mademoiselle de Scudéry, Madame de Sévigné et beaucoup d’autres, tous saisis par l’importance du débat qu’ils ouvraient et ses conséquences politiques (l’homme est-il personne propre ou sujet soumis au Roi ?).
De plus, malgré les signes visibles des désapprobations et condamnations successives, la destruction de l’abbaye de Port-Royal à Paris, puis de celle de Port-Royal-des-Champs ainsi que la fermeture des Petites Écoles, il y eut des jansénistes encore actifs pendant tout le XVIIIe siècle, parmi lesquels se trouve Antoine Arouët, le frère aîné de Voltaire, qui, lui-même n’était pas resté insensible à certains thèmes jansénistes ou encore l’Abbé Grégoire, dont on sait qu’il fut favorable à la constitution civile du Clergé en 1791.
Les importants débats qui eurent lieu dans la mouvance de l’Abbaye de Port-Royal-des-Champs, le principal centre du jansénisme, sont restés longtemps très présents dans les esprits. Sainte-Beuve (1804-1869), écrivant les nombreux volumes de son Port-Royal, en a porté un témoignage passionnant.