Racines huguenotes
Antoine-Léon Morel est artiste peintre, dessinateur, graveur, illustrateur. Né à Rouen le 18 janvier 1810 d’une famille descendant de huguenots réfugiés dans le pays de Vaud, en Suisse, au XVIème siècle. Son père, Etienne-Louis Morel, négociant, responsable d’une maison de commission de banque qu’il a fondée, épouse Jeanne Henriette Louise Paschoud.
En 1831, il obtient par jugement sa réintégration dans la nationalité française, comme descendant de protestants ayant fui les persécutions religieuses (loi du Retour, 1790). En 1844, il adjoint à son nom celui de sa mère, Louise Pauline Fatio, issue elle aussi d’une famille suisse protestante. C’est désormais sous le nom de Morel-Fatio que la famille est connue en France.
Un navigateur autodidacte
Antoine-Léon Morel-Fatio ne reçoit pas de formation artistique classique. Durant sa jeunesse, il côtoie les milieux maritimes de la Seine, de Rouen et du Havre et voyage beaucoup.
Il se lie d’amitié avec Adolphe Couvelet, dit Couveley (1805-1867), directeur du musée du Havre, peintre lui aussi. Ils créent tous deux une œuvre importante : « Reconnaissance de nuit de Saint Jean d’Ulloa par le prince de Joinville » (Musée du Château de Versailles).
Il embarque comme pilotin (élève officier non diplômé) sur un navire de commerce anglais et, de ses premières navigations, il rapporte de nombreuses peintures et dessins. Il représente fidèlement un grand nombre de bateaux. À vingt ans, il est le témoin oculaire du bombardement d’Alger par la flotte française et le fixera sur toile. Il expose des tableaux au Salon de Paris en 1837 et obtient une médaille grâce à la « Vue d’Alger pendant l’attaque de l’amiral Duperré le 3 juillet 1830 ».
Morel-Fatio navigue au large de l’Angleterre, de la Hollande et de l’Italie. Il illustre de nombreux ouvrages traitant de sujets maritimes, en particulier « Simon le Polletais – Mœurs maritimes – Dieppe » de Chavannes de la Giraudière, ou « La Marine » de Paccini. Ses vignettes sont pleines d’exactitude. Il utilise l’estampe. En 1882, il publie à Paris les « Études de marine positive« , planches de description de bateaux, leur construction, et la vie à bord. Celles-ci sont rééditées vingt ans plus tard sous le titre « La marine française et les marines étrangères« .
Le 26 janvier 1843, Morel-Fatio épouse la fille d’un général de brigade en retraite originaire de Saumur. Ils ont deux enfants.
En 1845, il publie chez Goupil et Vibert, un recueil « La Marine française au XIXème siècle », illustré de nombreuses lithographies. Il participe aux divers salons de Paris, où il expose des marines, des vues des ports en France, en Algérie ou des images telles que « Louis Philippe chez la reine Victoria« . En 1846, l’Académie de Rouen écrit à son sujet : »Le pinceau brillant et facile de Monsieur Morel-Fatio, nous montrera nos marins rivalisant d’ardeur, de courage et de gloire avec nos armées de terre… Tout est rendu avec exactitude et fidélité. On voit que le peintre a vu de ses yeux, a partagé les travaux, les dangers qu’il sait bien représenter ».
Peintre officiel de la marine et responsable du Musée Naval
Nommé chevalier, puis officier de la Légion d’Honneur, Morel-Fatio reçoit en 1848, une médaille au Salon de Paris. En 1853, intervient sa nomination comme peintre officiel de la Marine.
À cette époque, Morel-Fatio joue un rôle important pour les collections du Musée de la Marine (alors « Musée Naval ») situé au Louvre. En 1848, il pose sa candidature pour devenir conservateur de ce musée, mais n’étant pas officier de marine, il est nommé d’abord conservateur adjoint, puis responsable en titre du Musée Naval à partir de janvier 1852. Il occupe ce poste pendant presque vingt ans. Morel-Fatio est l’un des plus remarquables conservateurs du Musée, le transformant peu à peu en musée d’art et d’histoire. Il réorganise les collections, établit un inventaire et un premier catalogue. Il engage les démarches afin d’agrandir les collections.
Cofondateur de la Société des Régates du Havre, Morel-Fatio joue un rôle important dans le développement de la voile en France. Avec les romanciers Alfonse Karr, Alexandre Dumas, et quelques peintres, il lance, en 1847, une souscription pour la construction de « l’Avenir », un yacht à clins.
En 1854, il participe, comme peintre officiel à l’expédition de Crimée dont il rapporte des dessins. Cette même année, il peint une représentation du port de Brest.
De 1858 à 1870, il est professeur de « dessin pittoresque » à l’école d’application du Génie Maritime. De 1860 à 1869, il est maire du 20ème arrondissement de Paris.
En 1865, il peint « L’escadre cuirassée anglaise à Cherbourg » que l’on peut voir au Château de Versailles.
Il meurt le 2 mars 1871 à son poste au Louvre qu’il occupe encore après la chute de l’Empire. De la terrasse du Palais du Louvre où il observe au moyen d’une longue-vue les troupes prussiennes descendant les Champs- Élysées jusqu’à la place de la Concorde, il est atteint d’une congestion cérébrale.
La mer, le ciel, les bateaux, les marins, et la vie maritime au XIXème siècle forment un univers dont Antoine -Léon Morel-Fatio a saisi un grand nombre d’images poétiques qui gardent leur caractère classique.