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Auguste Sabatier (1839-1901)

Le professeur de dogmatique

Auguste Sabatier
Auguste Sabatier © S.H.P.F.

Pasteur, puis théologien réformé, Auguste Sabatier a pu être qualifié par certains de « plus grand théologien français depuis Calvin ». L’importante notice biographique de A. Sabatier due à F. Laplanche, et publiée dans « les protestants » (A. Encrevé, 1993), peut être résumée ainsi :

La carrière de Sabatier. Né en Ardèche dans une famille de petits commerçants fortement marquée par la piété du Réveil, il fait ses études secondaires à l’Institution Olivier de Ganges (Hérault) où, avec quelques camarades, il fonde une « union chrétienne ». Il s’inscrit en 1858 à la Faculté de Théologie de Montauban. Après un voyage à Bâle, Tübingen et Heidelberg (1863-1864), il devient pasteur à Aubenas (1864-1868).

Élu en 1868 à la chaire de dogmatique réformée de la Faculté de théologie de Strasbourg, pour laquelle il avait été le candidat des orthodoxes (ou évangéliques), il en est exclu après l’annexion, puis expulsé, et il quitte Strasbourg en 1873.

À Paris, Sabatier participe activement à la création de la Faculté de théologie de Paris (décret du 27 mars 1877), où il y retrouve une chaire de dogmatique réformée, qu’il conserve jusqu’à sa mort. Il en devient le doyen en 1895. Entre-temps, il est nommé (1886) directeur d’études-adjoint à la section « Sciences religieuses » de l’École Pratique des Hautes Études, chargé d’un cours d’histoire de la littérature chrétienne.

Il a collaboré activement à de nombreuses revues et journaux et durant de longues années, et il a longtemps dirigé l’école du dimanche de l’Église réformée de l’Étoile.

Son œuvre s’attache à analyser les rapports entre théologie et culture et ce qui peut les rompre : l’écart entre la science et la foi, entre les dogmes et l’autonomie de la conscience, la contradiction entre la fixité des dogmes et l’évolution du monde. Dans la lignée de l’œuvre de Schleiermacher, Sabatier énonce que puisque le sentiment religieux donne naissance aux dogmes (et non l’inverse), puisque ce sentiment s’exprime de manière diverse selon les cultures, la dogmatique se comprend comme l’histoire de l’expression du sentiment religieux et fait ainsi partie de la science historique. La religion, considérée comme expérience spirituelle, est éclairée par la psychologie pour sa face interne et par l’histoire pour sa face externe. La théologie est ainsi assimilée à la science des religions et retrouve sa place dans la culture, sans que cette nouvelle approche soit réductrice des spécificités bibliques : en effet l’expérience spirituelle de Jésus, qui a conscience d’être fils de Dieu, a atteint un sommet de sainteté indépassable et inégalable.

La transformation de la dogmatique traditionnelle en science de l’expérience religieuse entraîne une nouvelle conception de la connaissance religieuse : elle est avant tout symbolique car, de même qu’il existe une vie des organismes et une vie du langage, il existe aussi une évolution des symboles religieux : ils se remplacent les uns les autres tout en exprimant la même expérience fondamentale, le langage biblique demeurant la norme indépassable à laquelle il faut mesurer les autres systèmes symboliques, non en vertu d’une lettre, mais parce que dans la Bible le croyant trouve Jésus-Christ vivant. Cette conception est voisine de celle de Ménégoz ; le nom de symbolo-fidéisme s’attache à l’association des deux auteurs.

L'action républicaine

Bâtiment principal de le l'Institut Protestant de Théologie
Bâtiment principal de le l'Institut Protestant de Théologie © Thibault Godin

Son rôle dans les rapports entre le protestantisme français et la République a été important. En assimilant la théologie à une histoire ou une sociologie de la religion, Sabatier légitimait la place d’une Faculté de Théologie protestante dans le système universitaire français, ainsi que la participation de théologiens protestants à la jeune section des « Sciences religieuses » de l’École Pratique des Hautes Études.

Compte tenu de l’affrontement croissant entre « laïcs » et « cléricaux », l’attachement à la « religion de l’esprit » permet à Sabatier, dans le respect envers les personnes (en particulier Léon  XIII), de distinguer avec fermeté le protestantisme du catholicisme, « religion d’autorité ». Pour Sabatier, il y a alliance objective entre le protestantisme et la République. Le transfert de la Faculté de Strasbourg à Paris, pour lequel il a beaucoup œuvré, fut ressenti par les protestants comme la reconnaissance officielle de leur patriotisme

Ardemment attaché à la personne de Jésus-Christ, Sabatier, laissant tous ses droits à la critique historique, maintient que le secret de l’existence de Jésus nous échappe et par son origine et par son terme. Concevant ce témoignage rendu à Jésus non comme celui d’un individu mais comme la confession de l’Église, Sabatier a toujours tenu à rester au-dessus des problèmes de l’Église et des querelles de parti, comme le montre sa participation aux tentatives de réconciliation après la réunion du synode national de 1872. Cette opposition au formalisme et au dogmatisme fut une constante de sa vie.

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