Un brillant universitaire
Charles Gide passe son enfance à Uzès où son père, protestant, est président du Tribunal civil. Son oncle, brillant juriste, est le père de l’écrivain André Gide. Charles Gide fait ses études de droit à Paris, et déjà le titre de sa thèse (1872), « le droit d’association en matière religieuse » réunit les trois idées de liberté, d’association et de religion, sur lesquelles il s’interrogea toute sa vie.
Après son agrégation, il est nommé Professeur d’Économie politique aux Facultés de Droit de Bordeaux (1874), de Montpellier (1880), puis il est nommé en 1898 à la Faculté de Droit de Paris (1898). Il enseignera également à l’École des Ponts et Chaussées et à l’École Supérieure de Guerre. Il est nommé au Collège de France en 1921.
Ses célèbres Principes d’économie politique sont un énorme succès éditorial avec vingt-six éditions en français et dix-neuf traductions en langues étrangères (dont l’une en braille). En février 1918, André Gide écrivait à son oncle : « quel profit j’ai déjà retiré de ce qui précède, et que j’aime l’honnêteté de tes expositions… ! ». Charles Gide fonde en 1887 la Revue d’économie politique.
Dirigeant du mouvement coopératif français.
A partir de 1886, il devient le théoricien de ce qu’il est convenu d’appeler l’ « École de Nîmes », mouvement coopératif français, actif surtout dans le Sud de la France et animé par des protestants (Auguste Fabre, Édouard de Boyve). L’idée est celle d’une coopération émancipatrice, structure d’apprentissage de la démocratie et de l’efficacité économique, permettant d’abolir le régime du profit sans tomber dans l’étatisme. L’idée coopérative sera vulgarisée par un premier congrès à Paris (1885) et par le mensuel (1886) l’Émancipation, présenté comme un « journal d’économie politique et sociale ». Cette idée est appliquée surtout à Nîmes : Charles Gide participe activement à une « Coopérative de consommation », s’intéressant aux problèmes concrets de gestion et de conflits que ces coopératives ont avec le commerce privé.
En 1888, l’ « association protestante pour l’étude pratique des questions sociales » est créée à Nîmes, avec le pasteur Fallot comme président et Charles Gide comme vice-président.
Ce principe de solidarité – partagé par des hommes comme Henri Marion, Émile Durkheim, Léon Bourgeois – est présenté comme la voie entre libéralisme et marxisme . Cette solidarité « n’est pas comme la liberté ou l’égalité un pur idéal : elle est un fait les mieux établis par la science et par l’histoire, l’interdépendance des hommes va tous les jours en s’accentuant davantage. »
Un des fondateurs du Christianisme social
Dans toute son action, Charles Gide met toujours en avant une forte exigence morale. Il souligne la valeur religieuse de cette « École nouvelle », fondée sur la solidarité exprimée dans les épîtres de l’Apôtre Paul. Lors de la création du Christianisme social par Tommy Fallot en 1888, il en est vice-président, puis président en 1922.
Dreyfusard, héritier du socialisme français « associationniste », il est partisan du social mais non du socialisme révolutionnaire. Il aborde les différents problèmes sociaux de la fin du XIXe siècle avec une relative modération, pour ne pas heurter le protestantisme institutionnel moins soucieux de la « question sociale », qui cependant s’affirme avec la crise économique et la montée du marxisme : il s’agit de trouver une troisième voie entre une religion aveugle vis-à-vis du problème social et un socialisme sourd à la dimension spirituelle de l’homme.
Après avoir écrit des articles fermement hostiles au bolchevisme, Charles Gide est invité en URSS à l’automne 1923 : une « organisation coopérative intégrale » lui parait ainsi possible, mais le communisme lui semble un peu « trop rouge »… Son œuvre, critiquée autant par la bourgeoisie que par la gauche, est redécouverte. Outre la notion si présente de solidarité, beaucoup de problèmes actuels y étaient déjà abordés : vieillissement de la population, problèmes de la création de la législation sociale, en particulier celle des retraites, voire même interrogations sur l’instauration d’un état d’Israël.