Un pasteur attentif aux débats politiques
Après des études de théologie à Lausanne où il suit les cours d’Alexandre Vinet dont il fut toute sa vie un fervent disciple, et un séjour dans plusieurs universités allemandes, il est consacré pasteur en 1847 à la chapelle Taitbout et restera toute sa vie pasteur de cette célèbre Église indépendante parisienne.
La Révolution de 1848 et la naissance de la Deuxième République sont pour lui l’occasion de se mêler quelque peu à la vie politique, se montrant alors sous les traits du « bourgeois socialiste qu’il fut toujours ». Dans une lettre du 21 mars 1848, il raconte ainsi le « peuple » de l’Hôtel de Ville : « on apprenait à connaître cette race intelligente, vive, spirituelle et bonne, car les mots de concorde sont dans toutes les bouches. On n’entendait qu’une histoire dans toutes les bouches, lamentable tableau de misère et d’asservissement, réquisitoire pacifique pour le ton, mais dont les conclusions étaient plus imposées que conseillées. J’ai été confondu du talent oratoire de nos gens en blouse » (E.G. Léonard, Histoire générale du protestantisme, t. III, p. 261). Son intelligence, son attention pour les problèmes sociaux et la vie politique, sa vivacité de plume et ses articles dans le Semeur, le feront rapidement connaître.
Un essayiste actif
Directeur de la Revue chrétienne à partir de 1854 il se révèle comme l’un des plus brillants adversaires des libéraux extrémistes et un des leaders des évangéliques. Mais sa foi n’a pas ce côté sombre et obsédé par l’horreur du péché que l’on trouve chez certains « revivalistes ». Brillant, lisant parfaitement l’allemand – donc au courant de la production théologique d’outre-Rhin – il n’est pas un théologien au vrai sens du terme, écrivant vite, et n’évitant pas toujours erreurs et négligences. Dans la Revue chrétienne, qu’il dote en 1861 d’un supplément théologique (devenu en 1870 une Revue théologique autonome), il s’efforce de renforcer la culture théologique des évangéliques et en affirme que l’on peut parfaitement être instruit et intelligent et rester partisan des doctrines traditionnelles, ce que le Lien, la Revue de Colani à Strasbourg contestait. Très actif, il rédige des livres d’histoire de l’Église (Histoire des trois premiers siècles de l’Église chrétienne) et prononce un grand nombre de conférences en France et à l’étranger. Son ouvrage Jésus-Christ. Son temps, sa vie, son œuvre (1866) est sans doute la meilleure réponse à la Vie de Jésus de Renan (1863), lui apportant de nombreuses amitiés parmi les catholiques libéraux.
Avec la libéralisation du Second Empire, il devient l’ami de Thiers. Engagé volontaire pendant la guerre de 1870 (comme ambulancier de la société internationale de secours aux blessés), il est élu député (centre gauche) en juillet 1871, et tout en restant pasteur de la chapelle Taitbout, il devient homme politique. Non réélu en 1876, il espère être choisi comme professeur à la Faculté de théologie de Paris (il soutient sa thèse de doctorat à Montauban en 1877), mais le doyen Lichtenberger s’y oppose. Élu sénateur inamovible à partir de 1883, il entre en 1890 à l'Académie des sciences morales et politiques. Edmond de Pressensé, par sa culture, l’abondance de ses publications, la diversité de ses engagements, son rôle dans la presse protestante, est l’une des principales figures du protestantisme français de la seconde moitié du XIXè siècle. Il est le père de Francis de Pressensé, lequel fut député du Rhône et surtout le premier président de la Ligue des Droits de l’Homme.