L'enfance cévenole
Élie Marion est né en 1678 à Barre-des-Cévennes (Lozère) dans une famille de notables. Il a donc 7 ans au moment de la révocation de l’Édit de Nantes. Il doit fréquenter l’école tenue par le curé mais, comme il le raconte dans ses mémoires, le soir, à la maison, ses parents défont l’enseignement catholique.
Il fait ensuite des études de droit à Nîmes puis à Toulouse. À plusieurs reprises, il songe à gagner le Refuge. Mais, sa rencontre avec le prophétisme en 1702 va changer le cours de son existence.
Le prophète et camisard
Le 1er janvier 1703, Élie Marion fait une expérience mystique et prophétique. C’est alors qu’il s’engage dans la troupe du chef camisard la Valette. En 1704, il devient un des chefs camisards et est chargé du secrétariat de la troupe. Son activité prophétique est modeste.
Après la reddition de Jean Cavalier, en 1704, Élie Marion continue la lutte avec une poignée de camisards. Suite à leur échec, il négocie leur reddition avec les autorités militaires et s’exile d’abord en Suisse en 1705, puis à Londres en 1706 avec quelques compagnons.
Le fondateur des « French prophets »
C’est à Lausanne puis à Londres que le discours des prophètes camisards devient millénariste : il annonce la venue du Christ pour un règne de 1000 ans. Il rejoint ainsi le discours des puritains anglais. Aves quelques compagnons camisards, Élie Marion se met à prophétiser et attire à Londres une foule de curieux. Il devient le leader du mouvement des « enfants de Dieu » qu’on appelle aussi les « French prophets ».
Des Français recueillent par écrit les « inspirations » des prophètes, dont un écrivain Maximilien Misson qui publie en 1707 ces témoignages sous le nom de Théâtre sacré des Cévennes, aussitôt traduit en anglais. En même temps, Marion publie ses avertissements prophétiques. Ces livres rencontrent un grand succès et le mouvement attire de nombreuses personnalités anglaises.
Par contre, l’Église française de Londres condamne les prophètes et les écarte de la Cène. La polémique qui s’ensuit défraye la chronique londonienne en 1707 et 1708. Une guerre de pamphlets et de libelles est déclenchée : plus de 150 ouvrages sont publiés. Des émeutes éclatent contre les prophètes. Les avertissements prophétiques de Marion sont condamnés par un juge comme séditieux. L’affaire est relayée par la presse européenne dont les Nouvelles de la République des Lettres éditées aux Pays-Bas par Pierre Bayle.
Cette médiatisation attire de nombreux adeptes et les dons prophétiques se multiplient, accompagnés d’une certaine effervescence. On annonce même une résurrection qui n’a pas lieu et qui provoque l’éclatement du groupe. Marion essaye de le ressouder en le dotant d’une organisation et d’une hiérarchie.
La tournée européenne de Marion (1711-1713)
Les « French prophets » entreprennent des missions à l’extérieur de Londres. Les adeptes anglais vont sillonner l’Angleterre, l’Irlande et l’Écosse. Marion et quelques compagnons vont porter le « message de l’Esprit » à travers l’Europe.
Lors d’un premier voyage en Allemagne en 1711 l’accueil est favorable chez les piétistes allemands à Halle, Leipzig et Erlangen. Par contre, les clergés luthériens et calvinistes manifestent leur hostilité. Les prophètes sont expulsés ou menacés de poursuite. Lors d’un deuxième voyage (1712-1713), Marion et ses compagnons se rendent à Stockholm. C’est un échec. En traversant la Pologne, ils sont emprisonnés pendant 8 mois. En prison, Marion contracte une fièvre. Libéré mais toujours malade, Marion continue la route : Halle, La Moravie puis Constantinople. Les prophètes adressent des messages au sultan et au roi de Suède détenu à Constantinople, sans succès. Ils embarquent alors vers l’Italie pour rejoindre Rome. Mais Marion meurt en cours de route le 28 novembre 1713 à l’âge de 35 ans.