LA SEIPP et les protestants
Dès leur installation au château du Piple à Boissy-Saint-Léger dans le Val de Marne, Jean-Henri Hottinguer (1803-1866) et son épouse participent au projet de la SEIPP, « Société pour l’encouragement de l’instruction primaire parmi les protestants de France », association créée en 1829 par François de Jaucourt en faveur du développement des écoles et de la formation des instituteurs protestants. Il existe alors à Courbevoie une école normale protestante d’instituteurs dirigée par le pasteur Gauthey, mais il n’y a aucune structure pour former les institutrices. Faute d’écoles protestantes de filles en nombre suffisant, les jeunes protestantes sont accueillies dans les écoles catholiques ou les écoles communales où seul le catéchisme catholique est enseigné.
En 1854, Jean-Henri Hottinguer, devenu vice-président de la SEIPP, propose de lui céder des terrains et une demeure dont il finance l’entretien et la transformation en École normale d’institutrices. Cette institution est dotée d’un pensionnat de jeunes filles.
La donation, annoncée le 5 janvier 1854, est actée devant notaire le 9 mars 1857 et l’État autorise le président de la SEIPP à l’accepter en juillet 1857.
Journal des débats politiques et littéraires du 1er mai 1854 (extrait)
« Une École Normale primaire pour former des institutrices, a été fondée cette année par la charité généreuse et éclairée d’un de nos frères. Nous en sentions tous depuis longtemps le besoin et le désir ; M. Henri Hottinguer y a pourvu d’un seul coup. Il a offert et donné à la SEIPP, d’abord une excellente maison avec un grand jardin, situé à Boissy-Saint-Léger près de Paris, et très propre à recevoir une École Normale, puis il a doté cette maison d’une rente annuelle et perpétuelle de 5200 fr. Ce qui assure à jamais son avenir. (…) Les protestants de France devront ainsi à M. Hottinguer une pépinière incessamment renouvelée d’institutrices capables d’élever chrétiennement leurs filles, comme l’École Normale de Courbevoie leur fournit, pour leurs fils, des instituteurs chrétiens ».
En 1858, la SEIPP crée un poste d’Agent général et le confie au pasteur Labeille, qui gère l’inscription des élèves et tente de mobiliser les paroisses de France pour soutenir cette association essentielle pour l’enseignement des jeunes protestants filles et garçons. Ces tournées sont destinées à valoriser l’excellence de la formation des institutrices sortant de l’École de Boissy-Saint-Léger et des écoles normales de garçons.
Les débuts de l’Ecole normale de jeunes filles : 1858 - 1870
L’École Normale de Boissy accueille ses neuf premières élèves en janvier 1858, en provenance de l’établissement de la rue Neuve-Ste-Geneviève à Paris. L’aumônerie de l’École Normale fonctionne pour les élèves et les professeurs dont la plupart passent le dimanche à Boissy. La première directrice, Madame Giroud-Ferroer, secondée par une adjointe, assure tous les cours, excepté les leçons de musique. Le pasteur Elie Castel, aumônier des Diaconesses de Reuilly de 1859 à 1861, est chargé du cours hebdomadaire d’instruction religieuse. Il préside le culte dominical dans les locaux de l’École normale, ainsi que les pasteurs Gaubert et Franck Vermeil. La famille Hottinguer et Mme François Delessert, mère de Caroline Delessert, y assistent souvent. A partir de 1865, le pasteur Eugène Casalis, de la paroisse de Passy à Paris, participe à l’instruction religieuse, à l’aumônerie et aux cultes.
A cette époque, la paroisse de Boissy-Saint-Léger réunit dans un même culte les jeunes filles de l’École normale, leurs professeures, la famille Hottinguer et les protestants des communes voisines.
Les années incertaines : 1870 - 1882
En 1870, il y a vingt-cinq élèves institutrices, dont dix présentent les examens et douze élèves au petit pensionnat qui sert d’école d’application.
Dès le mois d’août, les cours sont interrompus et les sept élèves originaires de l’Alsace occupée sont transférés à Nérac (Lot et Garonne).Les locaux sont endommagés par la guerre. L’école rouvrira en novembre 1872. De 1873 à 1875 le pasteur Eugène Casalis, répond aux sollicitations de Caroline Hottinguer-Delessert qui finance les travaux de réhabilitation de l’école normale.
Mais l’activité de la SEIPP baisse car depuis la loi de 1878, l’obligation pour chaque département d’avoir une école normale d’institutrices, est un frein au développement des écoles protestantes.
Dans le cadre de la laïcité publique : 1886 - 1908
Dès 1880, la création de l’École normale supérieure de l’enseignement primaire de Fontenay-aux-Roses pour les jeunes filles par Ferdinand Buisson et le pasteur Félix Pécaut fait concurrence à l’établissement. Rodolphe Hottinguer (1835-1920) poursuit cependant l’œuvre de ses parents. Le pasteur Paul Labeille, cumule les fonctions d’agent général (basé au 4 rue de l’Oratoire du Louvre), en charge de l’aumônerie de l’École Normale de jeunes filles et de la paroisse à Boissy de 1886 à 1912. Ses rapports annuels précisent que l’Ecole normale est gouvernée par une directrice. En 1887, c’est madame Juhlin, nommée Officier d’académie en 1895. Élise Burckhardt enseigne les langues étrangères aux futures institutrices.
1912 – 1949
De 1912 à 1935, le pasteur Albert Valez, dernier agent général de la SEIPP est en charge de la communauté protestante de Boissy-Saint-Léger ; de 1935 à 1944, le pasteur Paul Schmidt, directeur de l’enseignement libre protestant, lui succède. Ce dernier est à la fois pasteur du Groupement protestant Boissy-Brévannes-Sucy et aumônier de l’École normale de Boissy. En 1944, la diaconesse sœur Marthe Juncker poursuit ce ministère pastoral. L’Ecole fermera ses portes en 1949.
Le Cours Bernard Palissy prend le relais (1951)
En 1951, le Cours Bernard Palissy, établissement privé d’enseignement primaire et secondaire protestant, créé en 1942 par France Durrleman, ouvre, en plus de son implantation originelle à Paris, une deuxième école mixte dans les locaux de l’ancienne école normale de Jeunes Filles de Boissy-Saint-Léger. Dès le début des années 1960, les classes primaires sont supprimées au profit de l’enseignement secondaire. En 1992, le Collège-Lycée Bernard Palissy regroupe l’ensemble de ses activités éducatives dans le Val de Marne. Il accueille plus de 300 élèves de la 6ème à la terminale issus de tous milieux. Sous contrat d’association avec l’Etat, il perpétue aujourd’hui la présence d’un enseignement protestant attaché depuis plus d’un siècle à ce site.
Dans les années 1990, le Collège-Lycée Bernard Palissy participe à la création du Conseil Scolaire de la Fédération Protestante de France avec quatre autres établissements protestants sous contrat : le Gymnase à Strasbourg, établissement scolaire privé : Lucie Berger (maternelle à 5ème) et Jean Sturm (4ème à terminale), l’Ecole primaire protestante d’Endoume à Marseille, l’Ecole élémentaire Marie Durand à Nîmes, l’ensemble scolaire privé Maurice Tièche à Collonges-sous-Salève (Haute-Savoie).