Européen et humaniste
Desiderius Erasmus, né à Rotterdam en 1469, entre très jeune au monastère. Ordonné prêtre en 1492, il devient secrétaire de l’évêque de Cambrai qui finance ses études de théologie à Paris. Le pape l’ayant relevé de ses vœux en 1495, il entame une carrière d’enseignant qui le conduit en Angleterre, en France et en Italie où il obtient son doctorat en théologie en 1506.
De retour en Angleterre, Érasme publie son célèbre Éloge de la Folie (1508), œuvre satirique, témoin de sa grande indépendance d’esprit. Érasme s’y moque des diverses catégories sociales de son temps, philosophes et théologiens en tête et surtout moines.
En 1516, il publie l’Éducation du Prince qu’il dédie à Charles Quint.
Ce brillant humaniste parcourt l’Europe, changeant fréquemment de résidence : Angleterre, Italie, Pays-Bas, Bruxelles, Anvers, Gand, Louvain. En 1521, il s’établit à Bâle qu’il quitte pour Fribourg en 1529. Il revient à Bâle en 1535 pour y mourir en 1536.
Surnommé « le précepteur de l’Europe » et « le père de l’humanisme » il entretient une correspondance suivie avec tous les grands penseurs de son temps.
Retour aux sources de la Bible
Les humanistes prônent un retour aux sources (ad fontes), c’est-à-dire aux manuscrits originaux. Pendant des siècles, l’Occident ne connaît le texte de la Bible qu’à travers la Vulgate, la traduction latine achevée par saint Jérôme au début du Vème siècle.
Les manuscrits grecs de la Bible, rapportés d’Orient aux XVème et XVIème siècles, laissent apparaître des divergences importantes avec cette traduction latine. Un travail comparatif doit permettre d’établir le texte le plus fidèle.
En 1504, Érasme s’engage dans ce travail, influencé par les travaux de Lorenzo Valla, humaniste italien qui avait rédigé en 1455 ses Annotations sur le Nouveau Testament. Valla déclarait vouloir remonter à la source grecque, puisque le « ruisseau latin » était « encombré de limon et de saletés ». Erasme s’inscrit dans la lignée des savants qui cherchent à établir le meilleur « texte source », s’inspirant du théologien Origène qui, au IIIème siècle déjà, dans ses Hexaples, présentait différentes versions grecques de l’Ancien Testament et sa propre version établie après une étude comparative.
En 1516, la parution du Nouveau Testament d’Érasme connaît un grand retentissement. Elle offre en parallèle au texte grec une nouvelle traduction en latin qui corrige la Vulgate.
Le Nouveau Testament grec édité par Érasme devient le texte de référence pour les humanistes et les réformateurs.
Érasme et la Réforme
Les écrits d’Érasme et sa quête d’un humanisme chrétien inspirent Martin Luther et d’autres réformateurs. À partir du texte grec édité par Érasme, Luther effectue sa traduction allemande du Nouveau Testament et la publie en 1522.
Les travaux d’Érasme et de ses successeurs ébranlent le monopole de la Vulgate latine. Ils suscitent de nombreuses attaques et polémiques. Ses critiques vis-à-vis de l’Église et des abus du clergé rejoignent celles des réformateurs. Érasme reste néanmoins partisan de l’unité de l’Église et non de la rupture.
Certaines de ses idées se retrouvent chez Luther : le principe d’une théologie fondée sur l’Écriture, l’importance de la religion intérieure qui relativise les œuvres et les cérémonies extérieures, l’accès de tous au texte biblique en langue vernaculaire.
« Le soleil est un bien commun, offert à tout le monde. Il n’en va pas autrement avec la science du Christ… Je suis tout à fait opposé à l’avis de ceux qui ne veulent pas que les lettres divines soient traduites en langue vulgaire pour être lues par les profanes, comme si l’enseignement du Christ était si voilé que seule une poignée de théologiens pouvait le comprendre, ou bien comme si le rempart de la religion chrétienne était fait de l’ignorance où on la tiendrait. Je voudrais que toutes les plus humbles des femmes lisent les évangiles, lisent les épîtres de saint Paul.
Puissent ces livres être traduits en toutes les langues, de façon que les Écossais, les Irlandais, mais aussi les Turcs et les Sarrasins soient en mesure de les lire et de les connaître… Puisse le paysan au manche de sa charrue en chanter des passages, le tisserand à ses lisses en moduler quelque air, ou le voyageur alléger la fatigue de la route avec ses récits ». (Préface du Nouveau Testament, 1516)
Refusant de se séparer de l’Église catholique, il prend ses distances vis-à-vis de la Réforme. Luther accuse Érasme de tiédeur et de scepticisme. Une polémique s’installe entre les deux hommes. Érasme publie en 1524 son Essai sur le Libre Arbitre auquel Luther répond en 1525 par le traité Du Serf-Arbitre. Le désaccord entre les deux hommes porte sur la notion de liberté de l’homme par rapport à Dieu, sur la tradition et sur la notion de grâce et de mérites. Selon Érasme l’homme peut collaborer avec Dieu à son propre salut.