Une vie de militaire au service de la Couronne
Gaspard II de Châtillon, seigneur, puis comte de Coligny, est le troisième fils de Gaspard Ier de Coligny, maréchal de France, et de Marie Louise de Montmorency, la sœur du connétable Anne de Montmorency. Son frère aîné Pierre, seigneur de Châtillon meurt en 1528 ; son deuxième frère, Odet de Châtillon, cardinal en 1533, archevêque de Toulouse, se convertit au protestantisme, se marie et laisse plusieurs enfants, il meurt en Angleterre ; son frère cadet, François, seigneur d’Andelot, est son compagnon de lutte pour la cause protestante.
A la mort de leur père, en 1522, le connétable prend les enfants Coligny sous sa protection. Quand Louise de Montmorency est nommée dame d’honneur de la reine, les frères Châtillon se lient d’amitié avec les Guise. Toute la vie de Coligny reste marquée par sa relation avec les Guise.
Gaspard reçoit à la Cour une formation humaniste. Il a une jeunesse studieuse et se destine à la carrière des armes avec son frère François d’Andelot, tandis que son autre frère Odet de Châtillon reçoit le chapeau de cardinal à l’âge de 16 ans.
Dès 1542, Coligny entre dans les armes et se bat sans relâche pour le compte de François Ier , puis d’Henri II, contre les Espagnols et leurs alliés d’une part, et les Anglais d’autre part. Il montre un grand courage et il est blessé à plusieurs reprises. Il participe à la reprise de Boulogne aux Anglais et négocie avec eux la restitution de la ville, se révélant un grand diplomate.
En 1547, Coligny épouse Charlotte de Laval (1529-1568). Le couple a huit enfants.
Les guerres d’Italie opposent la France aux Habsbourg de 1494 à 1559, les terrains de batailles sont aussi bien l’Italie que le Nord de la France et les Provinces Unies : c’est un duel entre les Valois et les Habsbourg pour la suprématie en Europe.
En 1552, Henri II s’empare des trois évêchés (Metz, Toul et Verdun). Les troupes de Charles Quint assiègent Metz, Coligny commande 10 000 hommes à pied et remporte la victoire de Renty contre les Espagnols. Charles Quint lève le siège ; François de Guise, chargé de la défense de Metz, en tire toute la gloire mais Coligny est récompensé de ses actions par l’octroi de la charge et de l’état d’amiral de France. Le roi le nomme aussi gouverneur de Picardie.
Le conflit contre les Habsbourg continue, la trêve de Vaucelles de 1556 est rompue par le roi de France, et Coligny continue à combattre. Il reçoit l’ordre de défendre la ville de Saint-Quentin. Il s’y enferme mais est obligé de capituler quelques mois plus tard, en 1557. Lui et son frère François d’Andelot sont faits prisonniers. La campagne militaire est un désastre, malgré la reprise de Calais par le duc de Guise. Les belligérants sont fatigués et la guerre se solde par le traité de paix du Cateau-Cambrésis avec le roi d’Espagne, en 1559, qui consacre la fin des prétentions françaises en Italie et contraint la France à restituer les places qu’elle occupe en Flandre.
Coligny retrouve la liberté après la signature du traité de paix en échange du versement d’une rançon. Il se réfugie alors en son château de Châtillon-sur-Loing.
Coligny amiral de France
Fin 1554, Henri II demande à Coligny de préparer une expédition au Brésil pour y créer la colonie de la France antarctique. L’expédition, confiée par Coligny au vice-amiral de Villegagnon (1510-1571), est lancée en 1555. L’établissement est fondé sur une île dans la baie de Rio de Janeiro. Villegagnon y construit une citadelle qu’il nomme Fort-Coligny. Des protestants sont encouragés à rejoindre la colonie. Mais l’implantation est de courte durée car les colons sont expulsés en 1559 par les Portugais.
Après la mort d’Henri II, en 1559, Coligny garde sa charge d’amiral : il organise une flotte de secours au profit de l’Écosse. Cette mission le conduit à démissionner en 1560 de sa charge de gouverneur.
En 1562, Coligny lance une force menée par deux protestants, Jean Ribault et René de Laudonnière, pour l’établissement d’un établissement en Floride. Sous les coups des Espagnols, cet effort de colonisation n’a pas de suite.
La conversion à la Réforme
Le caractère de Gaspard de Coligny le prédispose au calvinisme. Grave et très croyant, il s’impose une discipline de vie très austère. Sensible à la parole de Calvin, il ressent des insuffisances spirituelles dans le catholicisme.
Son incarcération dans les geôles de Charles Quint de 1557 à 1559, avec la Bible pour lecture, le désespoir de la solitude et la maladie l’amènent à une crise mystique. Les exhortations de son frère d’Andelot et sa correspondance avec Calvin le convainquent de se convertir au protestantisme. Mais ce n’est que plus tard qu’il prend publiquement position pour le protestantisme.
Le chef des protestants
A la mort de Henri II en 1559, le clan des Guise prend le pouvoir et impose les mesures les plus radicales contre le protestantisme. Les martyrs sont nombreux, celui de Anne du Bourg impressionne et choque tout particulièrement Coligny. La répression sanglante qui suit la conjuration d’Amboise (1560) pousse Coligny à afficher son adhésion à la Réforme. En juillet 1560, il présente à Catherine de Médicis et au roi François II les revendications des protestants, en particulier l’ouverture de lieux de culte. Il manifeste une hostilité grandissante aux initiatives que prennent les Guise et son opposition à leur politique religieuse et à leur gouvernement.
Bientôt, Coligny est reconnu comme un des chefs du parti réformé. Il joue un rôle important au Colloque de Poissy en 1562 où il fait inviter Théodore de Bèze. Malheureusement l’idée audacieuse de Catherine de Médicis de conciliation entre catholiques et protestants et la coexistence des deux religions au sein du royaume, n’a pas de suite.
Cette tentative de coexistence ayant échoué, les guerres de religions commencent.
Les guerres de religion
En 1562, les protestants vivent dans l’inquiétude d’une répression féroce des catholiques extrémistes sous l’influence des Guise. Le massacre de Wassy, est le premier débordement, d’autant plus grave qu’il est l’œuvre de François de Guise. Les protestants ne se sentent plus en sécurité et c’est le début de la première guerre de religion (1562 à1563).
Louis de Bourbon, prince de Condé, est l’âme et le chef de l’armée protestante. Coligny, éminemment légaliste, prend les armes contre les troupes du roi après une profonde réflexion sur ses devoirs de sujet et ses convictions religieuses. Il prend la tête de la cavalerie protestante. Afin de financer les troupes qu’il a sous son commandement, il signe avec l’Angleterre d’Elizabeth 1ère le traité de Hampton Court par lequel, en échange d’une aide financière, il lui cède le port du Havre en garantie de la restitution de Calais.
Après de nombreux combats, la mort d’Antoine de Bourbon et l’assassinat du duc de Guise, la première guerre s’achève par l’édit d’Amboise (1563) qui ne satisfait personne.
Pendant des années de relative accalmie, Coligny partage son temps entre Châtillon et la cour.
En 1567, éclate la deuxième guerre de religion. Coligny y prend sa part, en commandant les avant-gardes de l’armée de Condé. Anne de Montmorency, l’ancien protecteur des frères Châtillon est tué lors du siège de Paris, à Saint-Denis. Par le traité de Longjumeau en 1568, les protestants perdent leurs places de sûreté à l’exception de La Rochelle.
Le désarmement des protestants apparait comme une manœuvre de Catherine de Médicis quand, la même année, l’édit de Longjumeau est révoqué et la chasse aux protestants est lancée. Un peu partout on tue et pille. C’est une période noire pour l’amiral, il perd sa femme, Charlotte de Laval, (1530-1568) dans l’épidémie de typhoïde qui frappe Orléans où elle s’est réfugiée, et il est contraint de s’enfuir de Châtillon. Les principaux chefs protestants vont se réfugier à La Rochelle à l’exception du cardinal, son frère, qui passe en Angleterre pour y trouver le soutien financier nécessaire à la lutte.
La troisième guerre de religion (1568-1570) voit la défaite des protestants à Jarnac (mars 1569) où Louis de Condé trouve la mort. Les troupes protestantes, maintenant sous le commandement de Coligny, sont victorieuses à la Roche-l’Abeille, mais défaites à Moncontour. La suite de la guerre comporte de nombreuses confrontations locales entraînant des massacres et des pillages atroces. Coligny s’en justifie par la nécessité de représailles aux exactions des troupes du roi. Les armées protestantes parviennent à remonter jusqu’à La Charité-sur-Loire et, de là, à menacer Paris. Le roi finit par proposer la paix, signée à Saint-Germain en août 1570. C’est une victoire du camp protestant et de Coligny en particulier.
La mort de l’amiral
Coligny, dès lors, reprend une vie plus apaisée et se remarie en 1571 avec Jacqueline de Montbel d’Entremont, veuve du comte du Bouchage et rentre en grâce à la Cour.
Il continue à œuvrer pour la cause protestante. En particulier, il prend fait et cause pour les Pays-Bas, soumis à la répression des Espagnols catholiques, et milite pour une intervention française contre les Habsbourg. Son objectif est de rapprocher catholiques et protestants face à un ennemi commun. Catherine de Médicis y voit une tentative de renforcement du protestantisme et s’y oppose fortement. Le recrutement par Coligny de troupes pour combattre aux Pays-Bas, est un geste de désobéissance fatal. C’est ce qui entraîne le Conseil du roi Charles IX à vouloir supprimer Coligny.
Le 22 août 1572 au sortir d’une partie de jeu de paume où il est entraîné par le roi, Coligny est blessé par un coup de feu tiré par le sieur de Maurevert. Ramené chez lui, rue de Béthisy (aujourd’hui rue de Rivoli), il reçoit la visite compatissante du roi. À ses amis qui le pressent de quitter Paris il oppose sa confiance dans la parole du roi, le souci de ne pas l’offenser et son refus de risquer de provoquer un retour de la guerre civile.
Dans la soirée du 23 août, le Conseil du roi décide de déclencher le massacre des chefs protestants. Ceux-ci, rassemblés à Paris pour le mariage de Marguerite de Valois et d’Henri de Navarre, sont assassinés.
Coligny est défenestré, achevé et découpé en morceaux, lesquels sont exposés en différents lieux de Paris.
« L’assassinat de Coligny d’après Agrippa d’Aubigné (Histoire Universelle) : « Besme entre dans la chambre, trouve l’Amiral, sa robe de nuit sur lui, à qui il demande : « Es-tu l’Amiral ? ». La réponse fut « Jeune homme, respecte ma vieillesse » (…) Besme lui passa l’épée au travers du corps et, la retirant, lui met le visage en deux. Le duc de Guise demandant si la besogne était faite et Besme ayant répondu que oui, on lui commanda de jeter le corps par la fenêtre, ce qu’il fit. »
Parmi les principaux chefs protestants présents à Paris, seuls Henri de Navarre et Henri de Bourbon, prince de Condé, échappent aux massacres de la Saint-Barthélemy.
Elizabeth d’Angleterre, porte le deuil de l’amiral, les princes allemands protestants s’indignent, tandis que le pape Grégoire XIII et Philippe II d’Espagne se réjouissent ouvertement. En effet le camp protestant perd avec l’amiral une personnalité qui, par sa naissance et son talent de diplomate et de guerrier, a porté haut les couleurs de la Réforme en Europe.
Le monument en souvenir de Coligny
Le beau monument en marbre blanc, au chevet du temple de l’Oratoire, rue de Rivoli à Paris, est réalisé par le sculpteur Gustave Crauk (1827-1905). Inauguré en 1889, il représente l’amiral debout devant une fenêtre en souvenir de sa défenestration.
Il porte une date de naissance erronée. Celle-ci n’a jamais été corrigée…
La dynastie régnante des Pays-Bas, les Orange-Nassau, descend de Coligny par sa fille Louise, épouse de Guillaume Ier le Taciturne, stathouder de Hollande (1544-1584). Deux souveraines des Pays-Bas, les reines Wilhelmine et Juliana, viennent devant la statue pour honorer la mémoire de leur ancêtre, respectivement en 1912 et en 1972.