Pierre Valdo (1140-1217)
Les vaudois tirent leur nom d’un marchand lyonnais, Valdès ou Valdo qui, vers 1170, à la suite d’une crise de conscience, décide de vendre ses biens et de consacrer sa vie à la prédication de l’Évangile à ses concitoyens. Il fait traduire le Nouveau Testament dans la langue d’usage, le Provençal, afin qu’il soit compris par le peuple. Ses idées se propagent à travers toute l’Europe. Valdo et ses disciples « les Pauvres de Lyon » sont condamnés par l’Église comme dissidents surtout parce que la prédication est assurée par des laïcs y compris des femmes. Ils sont excommuniés par le pape Lucius III en 1184.
Les « Pauvres de Lyon » continuent néanmoins à prêcher et sont contraints à vivre dans la clandestinité à cause de la répression dont ils sont l’objet. S’appuyant sur les préceptes du Sermon sur la Montagne, ils insistent sur le refus de la violence et du serment. Ils refusent également tout compromis de l’Église avec le pouvoir politique.
Le mouvement vaudois (c’est le nom qui lui sera donné par ses adversaires) réussit à se répandre durant tout le Moyen-Âge, malgré les persécutions. Au XIIIe siècle, son centre est la Lombardie, autour de Milan. Il s’étend ensuite vers l’Autriche et le sud de l’Allemagne où les contacts furent intenses avec les disciples de Jan Hus. Des communautés importantes se forment aussi dans les vallées du Piémont. Leurs prédicateurs, nommés « barbes » (oncles, expression qui les distancie des « pères » catholiques), parcourent les chemins de l’Europe pour visiter périodiquement les petits groupes de croyants clandestins.
Le XVIe siècle et le passage à la Réforme
Lorsque les idées des Réformateurs se répandent en Europe, les vaudois s’interrogent sur cette nouvelle réforme de l’Église. Ils envoient des émissaires à Berne, Bâle et Strasbourg qui discutent avec Guillaume Farel, Œcolampade et Martin Bucer. En 1532, au synode vaudois de Chanforan (dans les Vallées vaudoises en Italie), le réformateur Guillaume Farel est présent. Après plusieurs jours de discussion, les vaudois décident d’adhérer à la Réforme, dans la mouvance de Zwingli et Bucer. Ils abandonnent ainsi un certain nombre de pratiques de la clandestinité. Ils refusent désormais les pratiques catholiques, bâtissent des temples et célèbrent le culte ouvertement. Les pasteurs sont attachés à une paroisse et non plus itinérants comme les « barbes » du Moyen-Âge. Ils financent la traduction, en français cette fois, de la totalité de la Bible, la célèbre Bible d’Olivétan.
Expansion de la Réforme en Italie (1532-1559)
Après le synode de Chanforan de 1532, les vaudois participent activement à l’expansion des idées de la Réforme vers la plaine et le sud de la péninsule italienne, rejoignant ainsi des groupes italiens acquis à la Réforme.
L’évangélisation du Piémont se poursuit surtout pendant la période de l’occupation française, de 1536 à 1559 (traité de Cateau-Cambrésis qui restitue ses terres au duc de Savoie). De nombreux Piémontais vont se former à Genève et reviennent prêcher l’Évangile dans toute la Péninsule italienne. A partir de 1555, on assiste à la construction des premiers temples.
En sortant de la clandestinité, les vaudois s’exposent, comme les protestants français, à une répression qui touche d’abord les pasteurs, les libraires, les chefs de file du mouvement. De nombreux martyrs meurent sur le bûcher.
Les groupes vaudois les plus importants se trouvent dans trois régions : la Provence, la Calabre et les Alpes. Tous vont subir la persécution mais à des moments différents.
Le massacre des Vaudois du Lubéron
Aux XIVe et XVe siècles, par vagues successives, les vaudois étaient venus s’installer en Provence, venant du Dauphiné ou du Piémont. Ils contribuaient à faire revivre un pays ruiné et dépeuplé. Ils avaient été dans l’ensemble bien acceptés. En 1532, on comptait une trentaine de « barbes » dans le Lubéron. Mais à partir de leur adhésion à la Réforme, les vaudois sont victimes de persécutions menées par le célèbre inquisiteur Jean de Roma et Jean Meynier, baron d’Oppède et premier président du Parlement d’Aix. L’arrêt de Mérindol de 1540 condamne le village à être rasé. Il ne sera appliqué qu’en 1545. Mérindol est détruit et pillé par les troupes du baron Meynier d’Oppède. La majorité des habitants peuvent s’enfuir et reviennent ensuite. Le massacre s’étend à tout le Lubéron faisant plus de 2 000 victimes. 700 vaudois sont envoyés aux galères. Ce massacre des vaudois du Lubéron a indigné toute l’Europe et a marqué durablement la région.
Le groupe provençal, presque totalement exterminé, perd très rapidement sa référence au passé vaudois et s’intègre dans le protestantisme français.
Le massacre des vaudois en Calabre
La Calabre comptait de nombreux groupes de vaudois. Après le synode de Chanforan, ils se rallient au mouvement réformé et apparaissent ainsi au grand jour. Une mission de l’inquisition leur est envoyée en 1560 avec son cortège de procès et de bûchers. Deux martyrs sont restés célèbres, les pasteurs Jacques Bonello et Giovanni Luigi Pascale, tous deux envoyés par l’Église de Genève. L’un fut brûlé à Palerme en 1560, l’autre à Rome en 1560. Puis une croisade militaire ravage le pays. Les vaudois de Calabre sont décimés et ceux qui ont échappé au massacre sont contraints d’abjurer leur foi réformée.
La résistance en Piémont
Dans les Alpes cottiennes, les Vaudois habitaient les deux versants de la montagne, dans le Dauphiné et le Duché de Savoie. Dans le Dauphiné, les Vaudois s’intègrent au monde protestant français, participent aux guerres de religion et vivent ensuite à l’ombre de l’édit de Nantes mais conservent des liens constants avec leurs frères de Savoie.
Les vallées alpines sur le versant italien appartiennent au duché de Savoie mais vivent constamment sous la menace d’une invasion française. Après une première occupation française de 1536 à 1559, le duc Emmanuel Philibert, qui a récupéré ses terres au traité de Cateau-Cambrésis (1559), envoie dès 1560 une expédition militaire contre les Vaudois de la vallée de la Luserne. Sous l’influence de quelques prédicateurs, les Vaudois abandonnent leur non-violence traditionnelle et passent à la résistance armée. Cette guérilla de montagne se vit comme une guerre sainte, sur le modèle de la lutte entre David et Goliath. Chaque affrontement est précédé d’une prière et du chant des psaumes. Les pasteurs veillent à la discipline des troupes et interdisent le pillage. Les Vaudois reçoivent l’aide des Réformés dauphinois, sur l’autre versant des Alpes et tiennent tête aux armées ducales. Au bout de six mois de luttes, le duc accepte de négocier. L’accord de Cavour (1561) confirme les privilèges et franchises accordés précédemment et autorise le culte public dans les localités loin de la plaine. Par cet accord, un prince catholique tolère sur ses terres la présence de sujets dissidents, spirituellement rebelles. Mais cet accord renvoie les Vaudois dans leurs vallées de montagne et arrête l’expansion vers la plaine. L’adjectif « vaudois » n’est désormais utilisé que pour cette fraction de l’ancienne diaspora vaudoise.
Le XVIIe siècle : un siècle d'épreuves et de luttes
En 1630, les vallées vaudoises sont touchées par une épidémie de peste qui fait des ravages dans toute la population. Un tiers des habitants périssent et sur les 13 pasteurs en poste, 11 meurent. Les Vaudois font alors appel à Genève qui leur envoie des pasteurs. Les pasteurs genevois vont faire adopter les coutumes de l’Église de Genève et le français comme langue officielle de l’Église vaudoise qui le restera jusqu’au milieu du XIXe siècle.
La cour de Turin est soumise à la politique française. A partir de 1640 les incidents se multiplient contre les Vaudois. En 1655, les troupes sont logées chez les Vaudois et massacrent la population. Les terres réformées du Piémont sont reconquises au catholicisme. Ces massacres, connus sous le nom de « Pâques piémontaises » ou « Printemps de sang« , provoquent une réaction forte dans l’Angleterre de Cromwell. Le poète John Milton décrit ces massacres dans des vers restés célèbres. L’indignation gagne la Hollande et le reste de l’Europe. Mazarin intervient en personne. Pendant ce temps, la guérilla continue en Piémont avec une poignée d’irréductibles, menée par un paysan célèbre dans l’histoire vaudoise, Janavel. Sous la pression internationale, le duc de Savoie cède et reconnaît l’accord de Cavour. Les Vaudois réintègrent leurs vallées mais sont soumis à une pression de plus en plus forte de la part du pouvoir ducal.
En 1685, La Révocation de l’édit de Nantes s’étend aux possessions françaises du Piémont, Le val Plagela et le val Cluson. Un grand nombre de familles vaudoises prennent le chemin de l’exil et vont s’établir en Hesse-Cassel où ils fondent des villages vaudois.
Le duc de Savoie Victor Amédée II, neveu de Louis XIV, suit la politique de son oncle et par l’édit de Janvier 1686, bannit les pasteurs vaudois, interdit les cultes et impose aux enfants le baptême catholique. Sous l’influence du pasteur Henri Arnaud, les Vaudois se rebellent. Ils sont défaits dans un guerre éclair de trois jours au cours de laquelle beaucoup de Vaudois périssent. 8 500 vaudois sont emprisonnés. Grâce à l’intervention suisse, un certain nombre parvient à gagner Genève.
En 1688, la situation se renverse en Europe avec l’arrivée sur le trône d’Angleterre de Guillaume d’Orange qui déclenche une coalition contre Louis XIV. Des émissaires de Guillaume d’Orange prennent contact avec les Vaudois en exil en Suisse et organisent en secret leur rentrée au Piémont en 1689. Cet épisode est connu sous le nom de « Glorieuse rentrée« . Ils ne sont que 900 hommes à regagner le Piémont à marches forcées par un itinéraire peu fréquenté. Ils arrivent à Prali, dans le val Germanisca où ils célèbrent leur premier culte le 8 septembre 1689, conduit par Henri Arnaud. Par le serment de Sibaud du 11 septembre 1689, ils promettent de rester unis et de continuer la lutte avec Arnaud comme chef militaire et religieux. Ils vivent comme un miracle le fait d’échapper à l’armée française grâce au brouillard. Quelques jours plus tard, Victor Amédée rompt son alliance avec la France et s’allie avec l’Angleterre. Les Vaudois sont sauvés. Sous la pression anglaise, le duc de Savoie publie un édit qui garantit les droits des Vaudois sur leurs terres.
Le siècle des Lumières
Le pays vaudois reste une enclave protestante dans le Piémont catholique devenu Royaume de Sardaigne. L’influence française est remplacée par l’influence austro-hongroise.
Les Vaudois réussissent à subsister grâce à l’appui des Églises des pays protestants qui leur fournissent des pasteurs et des subsides pour fonder des écoles. Des bourses d’études permettent aux jeunes Vaudois d’aller étudier à Genève, Bâle, Leyde ou Heidelberg.
Les épreuves sont moins tragiques qu’au siècle précédent mais les Vaudois subissent des brimades constantes et vivent une lutte quotidienne épuisante pour le maintien de leur espace vital. Ils vivent dans un espèce de » ghetto », coupés du reste de la péninsule italienne mais rattachés au reste de l’Europe par leurs liens avec les pays protestants.
L'expérience de la liberté
Les armées révolutionnaires puis celles de Bonaparte trouvent un accueil favorable chez les Vaudois. De 1795 à 1815, les Vaudois font l’expérience de la liberté et sortent de leur « ghetto ». Mais en 1815, avec la restauration du roi de Sardaigne, les anciennes lois restreignant la liberté des Vaudois sont remises en vigueur. Le pasteur Alexis Muston, coupable d’avoir publié une thèse sur les Vaudois sans autorisation préalable, est poursuivi en procès et doit s’enfuir en France. Il devient pasteur dans la Drôme puis à Paris. Son livre, L’Israël des Alpes, histoire des Vaudois, traduit en anglais et en allemand, exerce une fascination sur les voyageurs anglais qui visitent ces vallées et deviennent les bienfaiteurs des Eglises vaudoises. W. Stephen Gilly et Charles Beckwith, entre autres, doteront les Vaudois d’un système scolaire extrêmement performant. Dans chaque village, Charles Beckwith fait ouvrir un école. On en compte 169 en 1848.
Vers 1825, le Réveil touche ces vallées grâce à une tournée d’évangélisation de Félix Neff.
Les Lettres Patentes de Charles-Albert du 17 février 1848 rendent aux Vaudois leurs droits civiques et politiques et sont accueillies avec des feux de joie. Mais l’Église vaudoise n’est que tolérée et il faudra un siècle de lutte pour qu’elle soit reconnue à égalité avec l’Église catholique. Cependant c’est le point de départ d’une grande mission d’évangélisation dans toute l’Italie qui voit la création de nombreuses communautés. La construction du temple de Turin, inauguré en 1853, symbolise la revendication du droit de prêcher en dehors des Vallées Vaudoises. Les pasteurs sont formés désormais à la Faculté de théologie vaudoise, fondée en 1855 à Torre Pellice et plus tard transférée à Rome, et apprennent l’italien. De nombreuses œuvres sont fondées : écoles, hôpitaux, maisons de retraite, centres culturels. Les éditions Claudiana diffusent la pensée vaudoise.
Au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, la misère touche les Vallées Vaudoises et provoque une forte émigration en Uruguay et Argentine. Les Vaudois y créent de nombreuses Églises de langue espagnole qui existent encore aujourd’hui.
Les vaudois dans l'Italie d'aujourd'hui
Aujourd’hui, 25 000 Italiens sont membres des Églises vaudoises et méthodistes, unifiées à partir de 1975, dont 10 000 dans les Vallées vaudoises où ils représentent 50% de la population. Les liens avec les Églises vaudoises d’Amérique latine sont étroits puisqu’ils participent au même synode. Les Églises vaudoises sont présentes, dès leur création, dans les organisations œcuméniques internationales : Conseil œcuménique des Églises, Alliance réformée mondiale et Communauté évangélique d’action apostolique (Cevaa).
La deuxième partie du XXe siècle voit la création de deux œuvres importantes grâce au pasteur Tulio Vinay : le centre Agape à Prali, dans les Vallées vaudoises, lieu à vocation internationale ouvert à la réflexion sur des thèmes religieux, politiques et sociaux ; et le centre de Riesi en Sicile, centre communautaire ayant pour but de renouveler la vie de cette petite ville.