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Jacques Sturm (1489-1553)

Jacques Sturm est une figure majeure de la Réforme protestante à Strasbourg. Ouvert aux nouveaux courants religieux, il adhère au message de Luther, et imprime au niveau de la cité une politique autoritaire d’uniformité religieuse. Il participe à la création du Gymnase, collège humaniste de rayonnement international.

Politique et diplomate, il joue un rôle essentiel dans les affaires de l’Empire, se heurtant à la volonté de Charles Quint de rétablir le catholicisme : habile négociateur, il arrive à préserver le protestantisme dans la ville libre de Strasbourg.

Sturm au Conseil de Strasbourg

Statue de Jacques Sturm par Alfred Marzolff (1867-1936) © Wikimedia commons
Wolfgang Capiton gravure W. Markworth, 1750 ?
Wolfgang Capiton gravure W. Markworth, 1750 ? © Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg

Jacques Sturm fait partie d’une des familles nobles les plus anciennes de Strasbourg, où l’on trouve aussi bien des hommes de religion que des responsables politiques. Comme eux, Jacques Sturm remplit à plusieurs reprises les fonctions honorifiques de Stettmeister  (président du Conseil de la ville) et surtout fait partie du conseil des XV (affaires intérieures) et du conseil des XIII (affaires étrangères).

D’abord destiné à une carrière cléricale, il passe trois ans à la faculté de lettres d’Heidelberg, puis étudie la théologie à Fribourg où il côtoie Wolfgang Capiton et Matthieu Zell. De retour à Strasbourg en 1509, il fait partie d’une « sodalité » (confrérie) humaniste où il rencontre en 1514 Érasme, qui considère que la religion est une affaire de conscience personnelle. Cette rencontre, ainsi que la lecture de ses écrits, l’orientent vers un retour à la littérature antique, à la Bible, aux Pères de l’Église, à l’humanisme en général qui insiste sur l’importance des réformes pédagogiques. Il semble qu’autour des années 1520, il ait lu des écrits de Luther.

Au cours de l’année 1523, il abandonne son statut clérical au service du prévôt de la cathédrale, s’engage dans la politique et se fait élire au Conseil de la ville. En quelques années il s’impose comme le dirigeant de la ville et joue un rôle essentiel dans les affaires de l’Empire.

Sturm et la Réforme

Martin Bucer (1491-1551)
Martin Bucer (1491-1551) © S.H.P.F.
Sturm d'après le portrait peint par Tobie Stimmer et gravé en 1617 par Jacques von der Heyden
Sturm d'après le portrait peint par Tobie Stimmer et gravé en 1617 par Jacques von der Heyden

Le mouvement évangélique atteint Strasbourg au cours de l’année 1520, sous l’influence de Matthieu Zell, prêtre à la cathédrale. La célébration du culte catholique est progressivement modifiée, des clercs se marient. Dès 1524, la majorité des membres du Conseil penche du côté du mouvement évangélique, d’où des tensions étant donné l’imbrication entre piété et institutions : qui peut décider des réformes, sont-elles compatibles avec les lois de l’Empire et la condamnation de Luther à Worms en 1521, que faire de ceux qui restent fidèles aux formes traditionnelles ou au contraire veulent des réformes plus radicales ?

L’exercice du pouvoir, y compris pour les questions ecclésiales, doit être précisé. Après une période chaotique, avec fermeture des couvents, initiatives non contrôlées de certains prédicateurs évangéliques, le patricien Sturm décide que les affaires ayant trait à la religion et aux institutions, sont du ressort exclusif des autorités de la ville, et non du peuple ou des pasteurs. Fidèle aux positions conciliantes d’Érasme, il est d’abord en faveur d’un certain pluralisme religieux avec maintien de la messe pour quelque temps, mais les troubles des premières années, la lutte contre les anabaptistes, la guerre des paysans où ses tentatives de conciliation échouent, le conduisent à une position plus sévère. Pour lui, si les autorités civiles sont responsables de la ville et de son unité, le pouvoir du Conseil s’étend à l’Église et à sa doctrine. Sturm rappelle aux prédicateurs que leur rôle est de diffuser l’Évangile, et non de donner des directives au Conseil

Il préside le synode de 1533 au cours duquel le texte de Martin Bucer est adopté, qui bannit les anabaptistes et autres dissidents religieux.

Il s’intéresse au domaine de l’éducation et préside la commission scolaire jusqu’à sa mort. Les écoles élémentaires sont transformées et un collège est créé afin de former les pasteurs. Il demande à Jean Sturm (son homonyme, sans lien de parenté) de venir à Strasbourg et de devenir le recteur d’une Haute École qui devint le Gymnase, une des écoles les plus influentes d’Europe.

Sturm diplomate

Strasbourg, une ville qui accueille la Réforme
Strasbourg, une ville qui accueille la Réforme
Charles Quint autour de 1530/1540
Charles Quint autour de 1530/1540 © Musée Bode - Berlin

En 1524, Sturm épouse la fille d’un stettmeister et accroit son influence après son élection aux deux Conseils, des XIV et surtout des XIII qui gèrent les affaires extérieures, complétée par celle de stettmeister en 1526.

Sa stature d’homme d’État s’impose, il assume la plus grande partie de la politique extérieure de la ville. Il représente Strasbourg à la première diète de Spire (1526) qui accorde temporairement la liberté de religion aux princes et aux villes libres, puis à celle de 1529, où face à la pression de l’empereur  contre la Réforme, cinq princes et les représentants de quatorze villes, dont Strasbourg, élèvent une protestation solennelle contre le décret proposé par l’empereur.

Devant le risque d’une répression armée contre la confession évangélique, la nécessité de pouvoir résister par les armes impose des alliances. Celle avec les villes libres de l’empire, qui a souvent été efficace pour défendre leurs droits lors des diètes, n’est pas possible, les villes, même unies, sont trop faibles pour résister aux troupes impériales, d’autant que toutes n’ont pas adhéré à la Réforme.

Au colloque de Marbourg (1529), une alliance évangélique est forgée entre les Suisses, (Zurich, Bâle et Berne), Philippe de Hesse et Jean de Saxe et les villes de Nuremberg et d’Ulm. Mais elle reste fragile, étant donné les conceptions différentes de Luther et de Zwingli au sujet de l’Eucharistie. Les querelles avec la Saxe remettent au premier plan l’alliance avec les Suisses, dans le cadre d’un « droit de combourgeoisie chrétien » où chacun s’engage à soutenir les autres au cas il serait attaqué pour des raisons de foi.

A la diète d’Augsbourg (1530), Charles Quint s’oppose aux princes protestants du Nord de l’Allemagne et refuse la Confession d’Augsbourg, texte fondateur du luthéranisme. Strasbourg n’y adhère pas. Martin Bucer rédige une confession de foi propre à Strasbourg, la Confession tetrapolitaine.

Lors de la formation de la Ligue de Smalkalde (1531-1532), les différents théologiques avec les luthériens étant tolérés, Strasbourg est accepté dans cette Ligue qui se maintiendra pendant quinze ans. Pour Sturm, cette Ligue doit avoir pour seul but de défendre et d’étendre la foi évangélique, contrairement à Zwingli qui considère la guerre comme légitime pour établir le libre choix religieux des cantons catholiques de Suisse. De même, il s’oppose aux guerres offensives de la Ligue, au Wurtemberg et en Allemagne du Nord, d’où des difficultés avec Philippe de Hesse.

Mais le conflit avec l’Empire devient inévitable. Charles Quint écrase la Ligue à la bataille de Mühlberg en 1547. Strasbourg est menacé, l’alternative est la capitulation ou la résistance : Bucer et les prédicateurs s’opposent à la capitulation et demandent que le peuple soit consulté, ce que refuse Sturm qui plaide pour des négociations. Il cède à l’ « intérim » proclamé par Charles Quint, qui impose le retour au catholicisme, mais obtient certaines concessions (Cène, mariage des prêtres) en attendant les décisions du Concile de Trente. Sturm prête allégeance, négocie avec l’évêque, qui exige le départ de Martin Bucer, les concessions faites seront annulées dix ans après, permettant à Strasbourg de sauver la foi évangélique.

Bibliographie

  • Livres
    • LIENHARD Marc, Jacques Sturm et la ville de Strasbourg : religion et politique au XVIe siècle, Droz, 2016, Revue d'histoire du protestantisme, Tome 1, p. 149

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