Capitaine d’industrie
Jules Siegfried naît en 1837 à Mulhouse et meurt au Havre en 1922. Il interrompt ses études à 13 ans pour travailler comme apprenti dans la maison de commerce de son père où il se forme au négoce du coton en passant par tous les services.
En 1861 débute la Guerre de Sécession et l’Europe connaît alors la « famine du coton ». Jules part alors pour les États-Unis où il rencontre même Lincoln, puis, avec son frère Jacques, pour l’Inde, à Bombay. Là ils créent une maison de commerce du coton pour approvisionner Mulhouse. Rentrés en France, les deux frères fondent une maison de commerce à Mulhouse et au Havre, Siegfried frères, devenue en 1870 la Compagnie cotonnière. Les deux frères font fortune. Ils sont à l’origine de la création, en 1866, de l’École Supérieure de commerce de Mulhouse, qui va fermer en 1872 mais qui sert de modèle pour celles de Rouen, Lyon, Le Havre. C’est à partir de 1871 que commence la carrière politique de Jules Siegfried au Havre.
En 1869, Jules Siegfried épouse Julie Puaux, fille du pasteur de Luneray, François Puaux. Ce couple est animé par une foi profonde, tournée vers l’action au service des autres. Il partage le même idéal : améliorer la situation des classes populaires, tant sur le plan matériel que moral. Jules a écrit un ouvrage: « La Misère, son histoire, ses causes, ses remèdes » dans lequel il exprime ses idées sociales.
Jules Siegfried, un maire réformateur
A partir de 1871, Jules Siegfried est conseiller municipal du Havre, puis maire, de 1878 à 1886. En 1886, il est élu député et, sauf une brève interruption comme sénateur (il n’avait pas été réélu député à cause de ses positions dreyfusardes), il restera député de la Seine-Inférieure de 1886 à 1897, puis de 1902 à 1922.
Dès 1871, le premier champ de l’action municipale de Jules Siegfried est l’instruction. Durant son mandat, il fait construire trente écoles, laïques (avant Jules Ferry), s’intéressant aussi au recrutement des maîtres, à l’hygiène des élèves, à leur vaccination.
Il crée des bibliothèques populaires, et, en 1885, un des premiers lycées de France pour les jeunes filles. L’hygiène de la ville l’occupe aussi. Il multiplie les bains-douches et les dispensaires, crée un hôpital. Il dote la ville – et c’est une première – d’un Bureau d’hygiène municipal. Son souhait que soit créé au niveau national un ministère de la Santé publique ne sera réalisé que bien plus tard.
Les travaux qu’il lance pour l’assainissement de la ville du Havre ne sont pas poursuivis par son successeur. Le domaine auquel il laisse son nom, c’est le logement social. Au Havre, il crée une société privée pour la construction de logements bon marché, mais, devenu ministre et voulant élargir cette politique au niveau national, il comprend que l’initiative privée ne suffit pas, que les pouvoirs publics doivent intervenir financièrement. La loi Siegfried de 1894 sur les Habitations Bon Marché (HBM) pose les bases d’une politique du logement social.
Julie Siegfried, une féministe au service des femmes
Julie Puaux Siegfried naît à Luneray en 1848, au sein d’une famille protestante de la bourgeoisie normande. Le couple a six enfants, dont André Siegfried, sociologue et académicien. Tant que son mari est au Havre, Julie Siegfried s’occupe d’œuvres locales, tournées vers la protection des femmes et des enfants. Elle prend conscience des ravages de l’alcoolisme contre lequel elle luttera toute sa vie.
Quand Jules Siegfried est élu député, le couple s’installe à Paris, en 1886. Julie Siegfried s’intéresse plus particulièrement à l’accueil des jeunes femmes venant chercher du travail en ville : elle favorise la construction de foyers, de homes, de cercles, et même de maisons de vacances. Elle seconde Sarah Monod au Conseil national des femmes françaises, créé en 1901, et lui succède à la présidence, poursuivant son action en faveur du vote des femmes. Elle est également vice-présidente du Conseil international des femmes.
Comprenant que la situation des femmes ne peut s’améliorer tant qu’elles n’auront aucun poids politique, elle soutient la revendication du droit de vote. A la Chambre des députés, Jules Siegfried préside le « Groupe des droits de la femme », créé en 1918. Ferdinand Buisson et d’autres le soutiennent. Mais la France de l’après Première Guerre mondiale ne leur accorde ce droit qu’en 1944.
Pendant la Grande Guerre, Julie Siegfried est très active auprès des Belges réfugiés au Havre et auprès des Alsaciens-Lorrains « déportés » en France. Elle crée également l’Office central de l’activité féminine. En 1919, pour toutes les œuvres créées, aidées, présidées, elle est décorée de la Légion d’honneur par Marguerite Korn, syndicaliste de la Poste. Jules et Julie perdent sur le front leur fils Ernest.