Une inépuisable source d'inspiration pour les peintres
L’Ancien et le Nouveau Testament où s’entremêlent des figures d’hommes et de femmes aux aventures riches en couleurs sur fond de paysages arides et de villes pittoresques, restent des gisements fertiles pour l’inspiration des artistes. Peu à peu des thèmes récurrents se sont dégagés comme Adam et Eve, l’arche de Noé, les dix plaies d’Egypte, David et Goliath, Judith et Holopherne, la pêche miraculeuse, la rencontre avec la Samaritaine, Marthe et Marie, la résurrection de Lazare, la Passion et l’incrédulité de Thomas, les pèlerins d’Emmaüs. Après le Concile de Nicée II (787) qui a légitimé l’usage des images par l’incarnation, ces textes ont souvent mobilisé les représentations picturales. Seule en était exclue l’image de Dieu, interdite par la Loi. Pour exprimer la présence divine, les peintres vont utiliser plusieurs symboles comme à la synagogue de Doura Europos (c. 256), celui de la main qui sort d’un nuage, dont Michel-Ange et Chagall se sont servis par la suite. Certains motifs secrètent une tradition iconographique progressivement indépendante du texte. Par exemple, le motif de Paul tombant de cheval sur le chemin de Damas (Ac 9,4 ;22,7 ;23,13), illustré par Brueghel l’ancien (1525-1569) et, plus tard par Le Caravage (1571-1610), a tellement pénétré l’imaginaire culturel que même les exégètes sont parfois surpris de voir que le récit biblique ne mentionne pas cette chute. Certaines représentations peuvent suggérer une exégèse picturale du texte en remplissant des non-dits, mettant ainsi en œuvre une théologie. Dans ce sens, Maurice Denis représentant la Pentecôte (Eglise catholique du Saint Esprit, Paris) place Marie au centre de la composition, tandis qu’Emil Nolde plus proche du texte ne montre que le groupe soudé des disciples. Les œuvres d’art inspirées des Écritures engagent une interprétation du texte, une sorte de théologie picturale. L’art contemporain a acquis sa pleine autonomie, pourtant les artistes continuent d’emprunter des thématiques à la Bible. Certains, athées, le font dans un projet de confrontation avec les grandes références culturelles sans visée religieuse. À plusieurs occasions, Pablo Picasso a travaillé sur le thème de la crucifixion de même que Francis Bacon. D’autres, croyants, comme Kandinsky, Jawlensky, Manessier, Rouault ou Arcabas nourrissent leur art et leur foi de l’Écriture.
Bible et littérature
La littérature, en dehors des mystères sacrés du Moyen Age s’est souvent inspirée de la Bible, notamment pendant l’époque romantique : Victor Hugo, Les contemplations (1856), La Légende des siècles (1859-1883) ou Chateaubriand, Le génie du christianisme (1802). Mais la littérature contemporaine n’est pas en reste : Thomas Mann, Joseph et ses frères (1933-1943), Michel Tournier dans Eléazar, la source et le buisson (1998), Sylvie Germain s’inspire du livre deutérocanonique de Tobie pour nous raconter Tobie des marais (1998). En 1988, Gerd Theissen, exégète réputé, imagine dans L’ombre du galiléen (1988).
Musique et Bible
La musique n’est pas en reste avec les chants d’églises, les chants grégoriens, les psaumes mis en musique par Goudimel (c 1560), puis les cantates et les passions de J.S. Bach selon saint Jean en 1724, puis selon saint Matthieu en 1729. Plusieurs œuvres ont pour thème les sept paroles de Jésus en croix. Il s’agit d’une compilation des paroles mise dans la bouche de Jésus dans l’un ou l’autre des évangiles, elles ont inspiré Joseph Haydn au XVIIIe siècle, Charles Gounod et César Frank au XIXe sièclepuis C. Looten au XXe siècle. Oliver Messiaen n’a cessé dans son œuvre de chanter la création, les Visions de l’Amen (1943).
Cinéma et Bible
Le cinéma explore les symboles, les mythes et les épopées bibliques. À côté de nombreux films retraçant la vie de Moïse (Les dix commandements), des disciples (L’Évangile selon st Matthieu de P. Pasolini) ou de Jésus (Fellini, Scorcese, P. Arcand), d’autres développent des histoires où se retrouvent les grands thèmes bibliques, le péché et la grâce, la force dans la faiblesse, la force et la rédemption. Par exemple la Strada (1954) de Fellini, E.T. (1982) de S. Spielberg, Le festin de Babette (1987) de G. Axel ou Matrix (1999) d’A. Wachowsky.
De la publicité aux lieux communs
Dans notre époque sécularisée, les références bibliques imprègnent encore notre culture même s’il s’agit d’une présence discrète, fragmentaire voire même inconsciente.
Ce phénomène nous touche personnellement : au hasard d’une expression nous pouvons faire émerger une parole ou un symbole issus du vieux fond biblique. Si certaines sont plus littéraires, le bras armé d’Abraham (Gn22,1-19) ou pauvre comme Job (Jb),ou historiques, vieux comme Mathusalem (Gn 5,27), la marque de Caïn (Gn4,15), en revanche d’autres sont tellement intégrées dans le langage courant que leur origine biblique s’est perdue, pour une bouchée de pain (Pro 28,19), comprenne qui pourra (Mt 19,12), ou blanc comme neige (Ps 51,9).
La publicité joue sur ce fond commun culturel détourné et parodié mais toujours instrumentalisé. Il n’est pas rare de voir Adam et Ève, Moïse, Dieu, le paradis originel, les dix commandements ou la cène, servir de supports à la mise en avant de tel ou tel produit marchand. Des versets bibliques sont mêmes cités à l’appui mais de manière déformée ou tronquée, « Paix sur la terre », « Rendez à César.. », « Heureux ». Ces détournements provoquent parfois la colère, les cènes vantant la nouvelle Golf de Volkswagen ou les vêtements de Marithé et François Girbaud ont été interdites à la suite de procès.
Depuis longtemps, la caricature s’est inspirée des thèmes bibliques. Au moment de la Réforme étaient distribuées des gravures sur bois visant à décrédibiliser l’une ou l’autre confession : elles jouaient sur l’opposition entre le vice et la vertu comme la présentation des deux églises dans la vigne du Seigneur (Erhard Schön) ou sur celle de la loi et de la grâce (Lucas Cranach). De nos jours, cette veine est poursuivie à sa manière par Plantu : dans le journal le Monde, il prend souvent appui sur la Bible pour dénoncer avec humour des situations problématiques.
Dans la suite de la Biblia paupera médiévale, Jean Effel en 1953 a créé une bande dessinée sur La création du monde tandis que David Ratte après avoir évoqué Alphée et Jonas, termine son Voyage des pères sur la figure de Simon.
Auteur : Martine Grenier