Premières tentatives de rapprochement
Des tentatives de rapprochement entre luthériens et réformés commencent au XVIème siècle par une rencontre en 1529 entre Luther et Zwingli mais la tentative échoue sur la question du mode de présence du Christ dans la Sainte Cène. Un nouvel essai avec Martin Bucer et Philippe Melanchthon en 1534 échoue également.
Après ces tentatives infructueuses de rapprochement entre luthériens et réformés au moment de la Réforme, des Églises unies voulues par L’État sont créées en Allemagne à partir de 1817. Elles englobent des paroisses protestantes luthériennes et réformées mais il n’y a pas encore d’intercommunion.
La Concorde de Leuenberg
Le rapprochement est devenu possible grâce à l’aboutissement d’un processus de discussions, entamé à la fin des années 1960, entre théologiens, pasteurs et responsables d’Églises luthériennes et réformées en Europe. Les discussions aboutissent en 1973 à la signature de la Concorde, au centre de rencontres suisse Leuenberg, situé à une trentaine de kilomètres de Bâle.
Les Églises des vaudois et des frères moraves sont aussi signataires.
Les différences doctrinales sur la cène, la christologie et la prédestination – double ou simple – avaient entraîné, au XVIème siècle, la rupture entre luthéranisme et calvinisme.
La Concorde reconnaît que les condamnations doctrinales du passé ont perdu de leur actualité et ne justifient plus la séparation des Églises.
Les réformés et les luthériens affirment leur accord fondamental sur l’essentiel de leur foi et déclarent leur communion dans la Parole et les sacrements.
Cette communion est la condition nécessaire et suffisante pour qu’une communauté puisse reconnaître une autre communauté comme étant l’expression pleine et authentique de l’unique Église de Jésus-Christ. L’unité n’est pas uniformité mais acceptation réciproque de l’altérité, les différences légitimes étant considérées comme l’expression de la richesse de l’Église une.
Cette démarche permet le passage non seulement d’un croyant mais aussi d’un ministre d’une famille à l’autre.
Ainsi, depuis 1973, un luthérien ou un réformé peut rester fidèle à la formulation personnelle de sa foi, tout en étant membre ou ministre de l’autre confession. C’est la réalité que vivent bien des fidèles qui, par l’effet de la mobilité professionnelle ou familiale, peuvent être amenés à trouver leur place dans une autre communauté.
La Concorde de Leuenberg invite aussi les Églises signataires à agir localement, là où c’est possible, vers une démarche d’unité institutionnelle.
Le texte de la Concorde est envoyé aux Églises pour approbation par leurs synodes et signature, ce qui lui permet d’entrer en vigueur en octobre 1974.
Avancées réalisées en 50 ans, depuis 1973
La première rencontre entre les représentants des Églises signataires, prévue par la Concorde, se tient en 1976 en Suède : l’assemblée générale des Églises valide la liste des premières 68 Églises signataires et décide de la tenue d’assemblées générales régulières de délégués des Églises. Une commission de coordination est instituée.
La 5e assemblée générale tenue à Belfast en 2001 change le nom de la communauté des Églises signataires de la Concorde qui devient la Communion d’Églises protestantes en Europe (CEPE). Le principe d’un synode européen est refusé de sorte que les prises de position du comité exécutif de la CEPE sur les thèmes éthiques et socio-politiques n’engagent pas les membres de la CEPE.
Par la suite, les assemblées générales de la CEPE adoptent des thèmes de travail en matière ecclésiologique sur l’engagement d’un dialogue avec l’Église catholique. Elles décident aussi de renforcer la structure institutionnelle de la CEPE.
En 2023, la CEPE comporte plus de 100 membres : Églises protestantes en Europe ainsi que quelques autres en Argentine.
Par ailleurs, des unions institutionnelles d’Églises sont réalisées notamment en Allemagne, en Belgique, aux Pays-Bas et en Écosse. En France, on voit l’officialisation par décret en 2006 de l’Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine (UEPAL), pour représenter l’EPCAAL luthérienne et l’EPRAL réformée, et la création de l’Église protestante unie de France (EPUdF) en 2013.
Le dialogue luthéro-réformé hors d’Europe
Après sa signature, la Concorde sert de modèle sur d’autres continents que l’Europe pour aboutir à la communion ecclésiale entre Églises luthériennes et réformées. La communion ecclésiale est la communion dans la foi, dans les sacrements, dans le ministère et dans la vie et l’activité d’Églises de traditions confessionnelles différentes.
Elle se réalise en Argentine et au Chili en 1974, aux États-Unis en 1997 et au Proche Orient en 2006. En revanche, les discussions au niveau mondial n’ont pas encore pu parvenir à un accord général.
Le dialogue avec les Églises méthodistes et baptistes
Les Églises méthodistes européennes rejoignent en 1997 les Églises signataires de la Concorde puis deviennent membres de la CEPE, lors de sa création.
Les Églises baptistes européennes se contentent de signer une convention de coopération avec la CEPE.
Le dialogue avec la Communion anglicane
Le dialogue commence au niveau international avec la communion anglicane, attachée à la succession apostolique des évêques. Il se traduit par une invitation aux Églises anglicanes et luthériennes à procéder à des déclarations de communion avec les Églises de la Réforme.
Il en résulte des accords régionaux qui diffèrent par leur contenu et la nature de la confession des signataires.
Pour l’Amérique du Nord, un accord de pleine communion est signé entre épiscopaliens et luthériens américains mais il est entendu qu’un évêque anglican doit être présent lors de chaque ordination épiscopale luthérienne.
Pour l’Europe, les anglicans veulent dialoguer par pays. Il s’ensuit trois accords de communion :
La déclaration de Meissen, signée en 1991, pour une pleine communion entre les Églises allemandes luthériennes et unies (incluant à la fois les traditions luthérienne et réformée), et seulement l’Église anglicane d’Angleterre, la déclaration de Porvoo en Finlande, signée en 1992 entre 13 Églises luthériennes et anglicanes du nord de l’Europe, pour un exercice commun du ministère épiscopal qui dépasse la seule communion, la déclaration de Reuilly – du nom de la communauté des diaconesses qui héberge les rencontres – signée en 1999 entre les Églises anglicanes britanniques et les Églises luthériennes et réformées françaises, pour une communion ecclésiale.
Le dialogue avec les orthodoxes européens
Les rencontres s’ouvrent au niveau européen en 2002. Elles se limitent à la recherche d’une meilleure connaissance mutuelle et à des échanges sur la compréhension de l’unité et du baptême. Elles ne reprennent pas après 2016.
Le dialogue avec l’Église catholique romaine
La méthode de la Concorde consistant à dépasser les anciennes condamnations sans les dénoncer est adoptée dans les discussions qui aboutissent en 1999 à la déclaration conjointe sur la doctrine de la justification de la Fédération Luthérienne Mondiale et de l’Église catholique.
Un dialogue exploratoire sur la communion s’engage en 2012 entre la CEPE et l’Église catholique mais bute notamment sur l’ecclésiologie de la CEPE – jugée par les catholiques minimaliste et non suffisamment exigeante – et sur la compréhension de la nature de l’Église.
Il est cependant décidé d’engager un dialogue officiel.
D’après le livre La Concorde de Leuenberg d’André Birmelé
Lien vers le site en anglais de la Communion d’Églises protestantes en Europe (CPCE)
