Le Désert improvisé (1685-1715)
On nomme Désert la période de clandestinité des Églises protestantes. Il est improvisé lorsque les assemblées clandestines sont réunies à l’instigation de prédicants ou prophètes sans organisation d’ensemble et sans concertation. Ces assemblées sont plus ou moins fréquentes selon les régions et rassemblent des auditoires plus ou moins nombreux. Elles sont interdites et lorsqu’elles sont découvertes, la répression est très dure : envoi aux galères pour les hommes, prison pour les femmes et mise à mort du prédicant. Le Languedoc et les Cévennes connaissent le plus grand nombre d’assemblées. Le phénomène prophétique, né dans le Dauphiné, gagne les Cévennes vers 1700 et déclenchera la guerre des camisards.
La reconstitution des Églises au synode des Montèzes
L’année 1715 voit le début de la reconstitution des Églises sous la houlette d’un jeune prédicant, Antoine Court. Le 24 août 1715, une réunion de neuf personnes (4 laïcs et 5 prédicants) s’est tenue au hameau des Montèzes (Gard). Plus tard, on a donné le nom de synode des Montèzes à cette réunion car elle a été décisive pour l’avenir des Églises Réformées. Les participants essayent de réglementer les assemblées du Désert, de faire taire les prophètes, surtout les femmes, et de substituer une prédication biblique aux révélations des inspirés. Ils condamnent l’insurrection et préconisent des assemblées pacifiques où l’on priera pour le roi.
La mesure la plus importante est le rétablissement des anciens selon la discipline des Églises Réformées d’avant 1685. Ces anciens auront la responsabilité de convoquer les assemblées, en usant de prudence, de procurer aux prédicants des retraites sûres et des guides pour les y conduire et de faire des collectes pour les pauvres.
Antoine Court, préside cette réunion. Parmi les prédicants réunis, se trouvent : Jean Huc, prédicant, ancien camisard de la troupe de Rolland ; Jean Vesson, un ancien prophète ; Pierre Durand, frère de Marie Durand.
Cette organisation va s’étendre peu à peu et toucher les régions voisines. Des synodes clandestins provinciaux puis nationaux vont se tenir plus ou moins régulièrement pendant toute la période du Désert et les actes de ces synodes sont parvenus jusqu’à nous.
Les Églises sous la Régence (1715-1723)
Louis XIV meurt en 1715. Les protestants espèrent beaucoup de l’arrivée au pouvoir du régent, le Duc d’Orléans. Celui-ci était connu pour ses idées modérées en matière de religion et il n’avait rien contre les protestants. Mais son entourage le persuade de continuer la politique de Louis XIV et de réprimer les assemblées. La répression est cependant plus modérée et varie selon les périodes. Lorsque les soldats sont en campagne ou lorsqu’ils ne quittent pas leurs quartiers par crainte de la contagion pendant l’épidémie de peste de 1720, la répression faiblit.
Il est difficile d’estimer le nombre des assemblées tenues car seules sont connues celles qui ont été découvertes. Mais pour une assemblée découverte, une centaine se tenait vraisemblablement sans dommage. On sait que des assemblées avaient repris au Pays de Foix, en Poitou et même en Picardie.
Les pasteurs du Refuge ne comprennent pas la stratégie d’Antoine Court et assimilent les assemblées du Désert à des actes de sédition envers le roi. Aussi lorsque Antoine Court appelle ces pasteurs à rejoindre la France, il n’est pas entendu. C’est pourquoi il songe alors à un établissement de formation pour les prédicants : le séminaire de Lausanne mis sur pied à partir de 1726.
La pratique des assemblées du Désert
Jusqu’en 1743, les assemblées se tiennent de nuit, dans des endroits isolés, sous la conduite de pasteurs ou prédicants. En 1718, il n’y a que trois pasteurs : Pierre Corteiz, un ancien camisard qui reçoit la consécration pastorale à Zurich, Antoine Court qui la reçoit des mains de Corteiz lors d’un synode clandestin et Jacques Roger, un pasteur formé et consacré en Allemagne qui revient en France en 1715 et exerce dans le Dauphiné.
Seuls les pasteurs distribuent la Cène au cours des assemblées. Ils célèbrent également baptêmes et mariages mais beaucoup de fidèles continuent à se marier et à faire baptiser leurs enfants à L’Église catholique. Les exhortations des pasteurs à ne plus se marier à l’Église catholique et à ne plus aller à la messe ne sont guère suivies d’effet comme en témoignent les nombreuses recommandations faites à ce sujet lors de tous les synodes du Désert. C’était effectivement risqué pour les fidèles. Les mariages au Désert n’ayant pas d’existence légale, les enfants étaient considérés comme bâtards et ne pouvaient hériter de leurs parents. Au fur et à mesure que ces pratiques au Désert se généralisent, à partir de 1745, le problème de la reconnaissance légale de ces unions et des enfants qui en sont issus va se poser.
Après de longues années d’interventions auprès du roi, l’édit de tolérance (1787) va enfin donner une existence légale aux protestants.