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La théologie du process

La théologie du process a subi l’influence du philosophe et mathématicien anglais Whitehead. Le professeur André Gounelle a fait connaître en France cette théologie selon laquelle Dieu est une force de nouveauté et de créativité qui transforme le monde.

L'influence de Whitehead

Alfred Whitehead
Alfred Whitehead © Mndb.com

Alfred Whitehead (1861-1947), un des fondateurs de la logique mathématique, a travaillé comme mathématicien avec Bertrand Russell. Devenu dès 1923 professeur de philosophie à l’université américaine de Havard, il publie en 1929 un ouvrage d’un abord difficile mais considéré comme un apport majeur à la philosophie du XXe siècle : Process and reality. Selon Whitehead, la réalité est à la fois process (mot anglais qui signifie processus, devenir, évolution) et relationnel. Il n’y a rien qui ne soit soumis au changement. Tout est fluence, en cours de transformation : c’est ce qui permet l’avènement de ce qui est nouveau. Il n’y a pas d’indépendance des éléments qui constituent le réel mais interaction de ses différentes composantes. Whitehead a acquis la conviction qu’on ne peut rationnellement expliquer le monde sans faire appel à Dieu : c’est Lui qui injecte des possibles sans lesquels le monde ne pourrait que se répéter et se dégrader en vertu du principe de déperdition de l’énergie. Dans cette métaphysique dynamiste donnant une grande place à la vie, quand il se passe quelque chose.c’est Dieu qui fait que cela se passe ainsi.

Émergence de la théologie du process

André Gounelle
André Gounelle © La Voix Protestante

De 1928 à 1955, enseigne à Chicago un professeur de philosophie, Charles Hartshorne (1898-2000) qui diffuse la pensée de Whitehead. Sous son influence, certains de ses étudiants (notamment John Cobb, né en 1925) développent la théologie du process ; ils sont aussi marqués par le développement des sciences physiques et naturelles.

Ils proposent une compréhension du réel telle que Dieu et le monde puissent et doivent être pensés ensemble, en interaction réciproque dans un mouvement créateur incessant. Cette théologie a eu beaucoup de retentissement dans les pays anglophones, au Japon, en Corée et aussi en Allemagne, moins dans les pays latins.

Dieu dans la théologie du process

Dieu est bipolaire. Il est à la fois actif et passif. Il œuvre dans le monde (sans lui il n’y aurait pas de vie, c’est sa nature primordiale) et il est, en un sens, produit par le monde (le monde fait de lui ce qu’il est, c’est sa nature conséquente).

La nature primordiale est le « principe » qui permet aux choses et aux êtres d’exister. Elle est à la fois la source et la limite des possibles : la source, parce qu’elle ouvre sans cesse de nouveaux possibles et donne ainsi au monde son dynamisme ; la limite parce que ces possibles sont à chaque moment en nombre restreint, sans cela aucun ne se concrétiserait (des possibilités illimitées paralyseraient le monde).

La nature conséquente est l’impact de ce qui se passe dans le monde sur l’être de Dieu. Le monde répond souvent négativement aux impulsions qu’il donne, le met parfois en échec (la croix du Christ en est l’exemple suprême), le fait souffrir. Dieu n’est pas tout puissant ; chaque être garde sa liberté de lui répondre positivement ou négativement, mais jamais Dieu n’abandonne la partie et Il ouvre toujours de nouvelles possibilités (ainsi par la résurrection du Christ).

Dieu est force d’attraction : il appelle les êtres à se décider et à choisir le meilleur des possibles, celui qui permettra un univers plus heureux et harmonieux.

Le Christ puissance de créativité

L’avenir est ouvert et indéterminé puisqu’il dépend en partie de ce que font les êtres du monde. Dieu lui-même ignore ce qu’il sera. Le croyant se sait responsable et doit se mobiliser pour l’amélioration du monde ; en même temps il a confiance, car il sait que Dieu agit toujours pour ouvrir un avenir positif.

Cette action transformatrice de Dieu, Cobb l’appelle « Christ ». Il y a des personnages et des événements christiques dans le monde en dehors de Jésus de Nazareth (ainsi dans d’autres religions ou dans le domaine du non religieux), mais, en tout cas pour les chrétiens, Jésus est pleinement le Christ (et pas seulement christique) parce qu’en lui Dieu agit de manière décisive parmi les humains, les transforme et transforme leur situation, et les oriente vers ce futur que le Nouveau Testament appelle « le Royaume ». La prédication du Royaume est décisive, elle est le contenu même de l’Évangile.

La foi ouverte sur l'avenir

La foi n’est pas d’abord ni principalement adhésion à une doctrine. Elle est une marche en avant, une aventure ou une entreprise dans un monde travaillé par la présence de Dieu, mais où rien n’est joué d’avance. Elle implique que nous pensions, exprimions et vivions sans cesse Dieu à l’aide d’images autres, de concepts nouveaux, d’un langage différent qui soient à la fois fidèles au message biblique et adaptés à notre monde. Il s’agit de maintenir ou de restaurer la crédibilité de Dieu pour nos contemporains, de permettre à chacun de s’ouvrir à sa présence créatrice et de se mettre à l’œuvre pour qu’elle se concrétise. Parce que Dieu est action et mouvement, la foi est dynamisme.

Bibliographie

  • Livres
    • COBB John B., Dieu et le monde, Van Dieren, Paris, 2006
    • GOUNELLE André, Le dynamisme créateur de Dieu, 2e édition revue et corrigée, Van Dieren, Paris, 2000
    • PICON Raphaël, Le Christ à la croisée des religions, Van Dieren, Paris, 2003

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