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L’abolition de l’esclavage

Au XIXe siècle, l’esclavage devient incompatible avec les grands courants de pensée politique (droits de l’homme), économique (commerce légitime) et théologique (évangélisation). Aussi, après avoir été rétabli par Napoléon, il sera définitivement supprimé en 1848.

La prise de conscience

Marché d'esclaves à Mascate en 1849
Marché d'esclaves à Mascate en 1849 © L'Illustration

À la fin du XVIIIe siècle, l’Europe s’ouvre à nouveau au monde. Le début de la révolution industrielle, la recherche de débouchés, le besoin de nouveaux produits, l’essor démographique de l’Europe, amènent les navigateurs à parcourir les mers, à créer des points de ravitaillement et des comptoirs commerciaux sur les côtes d’Afrique, d’Asie, du Pacifique, continents dont l’intérieur est pratiquement inconnu. Sous la poussée de la politique coloniale de la Grande-Bretagne et de la France essentiellement, la pénétration des continents commence au milieu du XIXe, soutenue par les progrès de la navigation (bateaux à vapeur) et de la médecine (découverte de la quinine). Les explorateurs de l’Afrique découvrent alors l’ampleur des dégâts de la traite des Noirs. Cet « infâme négoce », pratiqué depuis quatre siècles, paraît incompatible avec l’établissement du « commerce légitime » voulu par la politique coloniale. L’abolition de la traite devient un impératif économique.

L'expansion de l'abolitionnisme

En Europe, un courant anti-esclavagiste (« l’abolitionnisme ») a précédé cette prise de conscience. En 1794 la Convention avait aboli l’esclavage mais Napoléon l’avait rétabli en 1802. En 1807, l’Angleterre avait interdit la traite et voté au Parlement l’abolition de l’esclavage en 1833. La France interdit définitivement l’esclavage dans ses colonies en 1848 et l’inscrit dans sa Constitution. Les arguments religieux ne sont pas absents du mouvement abolitionniste européen. En Angleterre les abolitionnistes (le quaker Thomas Clarkson et le parlementaire méthodiste William Wilberforce) se réclament de l’Évangile. Mais en France c’est officiellement au nom des droits de l’Homme que la Société des « Amis des Noirs », mène le combat. Cependant des abolitionnistes français comme l’abbé Grégoire (ecclésiastique constitutionnel) et le pasteur Benjamin Sigismond Frossard fondent aussi leur combat sur la religion chrétienne. Un autre pasteur, Guillaume de Félice, professeur à la Faculté de théologie de Montauban, sera, en 1846-7, l’un des principaux animateurs du mouvement de pétitions dans les Églises en faveur de l’abolition. C’est ce genre d’action qui a conduit au décret français d’interdiction de l’esclavage de 1848.

Une nouvelle éthique chrétienne

Depuis le début de la traite au XVIe siècle, les négriers européens s’étaient affichés chrétiens, faisant accompagner leurs « cargaisons » par des aumôniers catholiques ou protestants. En France, les armateurs protestants des principaux ports (Bordeaux, Nantes, la Rochelle, Rouen) avaient participé au commerce esclavagiste. Les abolitionnistes du XIXe siècle dénoncent ce fait tout en admettant que ces hommes étaient victimes des préjugés de leur temps. Mais après la révolution des droits de l’homme, il n’est plus possible, ni d’accepter la collusion du christianisme et de l’entreprise esclavagiste, ni d’envisager une quelconque action d’évangélisation de l’Afrique qui ne soit précédée ou accompagnée d’une proclamation de la liberté et de l’égalité de tous les hommes, Noirs et Blancs devant Dieu. Le mouvement missionnaire du XIXe siècle a donc partie liée avec le mouvement d’abolition de la traite des Noirs et de l’esclavage.

L’esclavage reste une plaie non refermée qui traverse les « communautés » noires. Certains protestants ont participé au commerce négrier. D’autres furent le fer de lance de l’abolitionnisme. Analyse de Jean-François Zorn. (15:37 min)
Auteur : Jean-François Zorn

Bibliographie

  • Livres
    • BLANQUIS Jean, Les origines de la Société des missions évangéliques de Paris, 1822-1830, SMEP, Paris, Tome 3
    • PIETRI Charles, VAUCHEZ André, VENARD Marc et MAYEUR Jean-Marie (dir.), Histoire du christianisme des origines à nos jours, Desclée, Paris, 1990-2001, Tome 14
    • ZORN Jean-François, Le grand siècle d’une mission protestante. La mission de Paris de 1822 à 1914, Karthala/Les Bergers et les Mages, Paris, 1993
  • Articles
    • GADILLE Jacques et ZORN Jean-François, « Le projet missionnaire », Libéralisme, industrialisation, expansion européenne (1830-1914), sous la dir. de GADILLE Jacques et MAYEUR Jean-Marie (1995), Histoire du christianisme des origines à nos jours, PIETRI Charles et Luce, VAUCHEZ André, VENARD Marc, MAYEUR Jean-Marie, Desclée, Paris, 1990-2001, Volume 11, p. 137-170
    • GADILLE Jacques et ZORN Jean-François, « Théologie de la mission », Libéralisme, industrialisation, expansion européenne (1830-1914), sous la dir. de GADILLE Jacques et MAYEUR Jean-Marie (1995), Histoire du christianisme des origines à nos jours, PIETRI Charles et Luce, VAUCHEZ André, VENARD Marc, MAYEUR Jean-Marie, Desclée, Paris, 1990-2001, p. 992-1112
    • GADILLE Jacques et ZORN Jean-François, « Les missions chrétiennes en Afrique, Asie, Australie et Océanie », Libéralisme, industrialisation, expansion européenne (1830-1914), sous la dir. de GADILLE Jacques et MAYEUR Jean-Marie (1995), Histoire du christianisme des origines à nos jours, PIETRI Charles et Luce, VAUCHEZ André, VENARD Marc, MAYEUR Jean-Marie, Desclée, Paris, 1990-2001, p. 427-440
    • ZORN Jean-François, « Le combat anti-esclavagiste chrétien au XIXe siècle », Bulletin de la SHPF, SHPF, Paris, 1993, Tome 127, p. 635-652

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