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Le Concordat

Le Concordat, complété par les articles organiques, réglemente la vie des Églises aussi bien protestantes que catholiques. Il ne contient aucune mesure restrictive, et pour la première fois les pasteurs seront payés par l’État. Mais le Concordat ne reconnaît que les Églises « consistoriales » de 6000 âmes, et non pas les Églises « locales », mieux adaptées à la dispersion des protestants. Surtout, il ne reconnaît pas le synode national, autorité centrale traditionnelle de l’Église protestante, seule capable d’arbitrer d’éventuels conflits.

La recherche de la paix civile

La signature du Concordat
La signature du Concordat © Collection privée

En organisant un nouveau régime politique après son coup d’État du 18 brumaire (9 novembre 1799), Bonaparte a pour but de rétablir la paix civile, et à ses yeux la politique religieuse est une question importante. Agnostique, il connaît mal le protestantisme, mais tient volontiers des propos aimables à son égard (« Nous voudrions que tout le monde fût protestant » dit-il en 1801…) pour faire contrepoids au catholicisme auquel il refuse le titre de « religion dominante » que réclamait le pape, se contentant de le qualifier de « religion de la grande majorité des citoyens Français ».
Le Concordat, conclu avec le pape Pie VII, est signé en le 8 septembre 1801. Traité de droit international entre un état et le pape, il ne saurait concerné le protestantisme. Mais ce texte court (17 articles) ménage une place autres religions : alors que le pape veut désigner le catholicisme comme « religion d’état », Bonaparte impose celui de « religion de la majorité des Français ».
Ce Concordat  devient la loi du 18 germinal an X, votée le 5 avril 1802 par les 2 Assemblées, Tribunat et Corps législatif, promulguée après avoir été augmentée des articles organiques, 77 pour le culte catholique et 44 pour les cultes protestants (calviniste et luthérien). Ces articles ont été rédigés et ajoutés unilatéralement par la partie française, jamais acceptés par le pape.

Le pluralisme religieux est instauré, que l’Église catholique devra reconnaître.

Ces articles forment un ensemble de règles réglementant la vie de l’Église catholique et organisant les cultes protestants. La question du culte juif est remise à plus tard, ce délai étant alors motivé par l’idée que les Juifs forment plus un peuple qu’une religion, et leur culte ne sera réorganisé qu’en 1808.

Cependant il s’agit non pas d’une loi négociée, mais d’une décision du gouvernement : en effet, le ministre responsable (Portalis) a bien consulté quelques notables protestants luthériens ou réformés, surtout le pasteur Paul-Henri Marron et Pierre-Antoine Rabaut-Dupui membre du Corps Législatif, mais n’a guère tenu compte de leurs avis. En fait, Bonaparte ne reconstitue pas du tout l’Église protestante – en particulier sa branche réformée – telle qu’elle existait avant les persécutions, il bouleverse son organisation, d’où de nombreuses difficultés et des facteurs de division.

Néanmoins, la rupture qu’apportent le Concordat et les articles organiques est illustrée par Portalis. Dans son Discours sur l’organisation des cultes prononcé au moment de leur ratification par les assemblées, il déclare : « Dans la révolution l’esprit de liberté a ramené l’esprit de justice et les protestants, rendus à leur patrie et à leur culte, sont redevenus ce qu’ils avait été, ce qu’ils n’auraient jamais dû cesser d’être, nos concitoyens et nos frères ».

Le synode de 1598 est en partie oublié

La nouvelle organisation de l’Église réformée bouleverse sur plusieurs points l’organisation traditionnelle :

  • Au XVIe siècle, l’Église réformée est organisée selon le système dit « presbytérien synodal » : la base est l’assemblée des fidèles de l’Église locale qui élit les membres du consistoire, ou conseil des anciens (« presbytes »), renouvelé ultérieurement par cooptation. Ce consistoire choisit le pasteur, qui le préside, et ce conseil choisit ses représentants au « colloque » (réunions des représentants de quelques Églises locales) ; c’est également le conseil des anciens qui élira les délégués au synode particulier (ou provincial). La réunion des représentants au synode particulier forme le synode général. Le synode provincial règle les questions disciplinaires régionales, le synode général statue en dernier ressort et dispose de l’autorité doctrinale. Conséquence logique du sacerdoce universel, ces assemblées sont composées de laïcs et de pasteurs.
  • La loi de Bonaparte ignore l’Église locale, ne reconnaissant que les Églises dites « consistoriales », qui, à l’instar de la cure catholique, compte « six mille âmes de la même communion ». Compte tenu de la dispersion des protestants, cette Église consistoriale doit regrouper plusieurs Églises locales, créant ainsi une hiérarchie entre les Églises, ce qui est contraire à la tradition d’égalité entre toutes les Églises locales. Par ailleurs, seuls les synodes « particuliers » provinciaux sont reconnus, dont la réunion nécessite une autorisation gouvernementale, qui ne sera du reste jamais accordée. Surtout, la loi est muette sur le synode général, qui est cependant la seule autorité en matière dogmatique et disciplinaire : les Églises réformées demeurent donc un corps sans tête. Enfin, l’État se mêle des problèmes spirituels, l’article 4 précisant qu’aucune décision doctrinale ou dogmatique – en particulier aucune confession de foi – ne pourra être publiée et enseignée sans avoir reçu l’autorisation du gouvernement.
  • En 1802 seront ainsi créées 81 Églises consistoriales, et 19 Églises oratoriales pour les groupes trop faibles en nombre et situés dans un département où aucun consistoire n’a été créé. L’Église locale ne disparaît pas, mais n’a aucune existence officielle, et c’est le consistoire qui va recruter le pasteur. Désignés pour quatre ans, les membres laïcs des consistoires sont recrutés par semi-cooptation et doivent être choisis parmi les citoyens les plus fortunés, disposition contraire à l’esprit démocratique du protestantisme réformé. Comme l’écrira plus tard le pasteur Pédézert : « Ni les apôtres ni Jésus-Christ n’auraient pu être électeurs ou élus dans notre Église telle que Napoléon et ses ministres l’avaient voulue ». Le synode général étant ignoré, en pratique le gouvernement de l’Église réformée est confié aux notables.

Les protestants acceptent cependant avec reconnaissance ce statut qui les reconnaît et ne contient aucune mesure restrictive par rapport aux catholiques, les pasteurs exerçant une fonction officielle et pouvant être invités en tant que tels aux cérémonies publiques. Pour la première fois, ils seront payés par l’État. Les Églises reconstituent leurs communautés, en particulier leur encadrement religieux. À la faculté de théologie de Strasbourg réservée aux luthériens, à celle de Genève alors intégrée à l’Empire, va s’ajouter pour les réformés la création en 1808 d’une Faculté de théologie à Montauban. En 1814, le corps pastoral, affaibli après 1792 se rétablit : 214 postes de pasteurs réformés sont pourvus, presque le double des effectifs de 1802.

Difficultés d'adaptation

Les difficultés posées par une loi inadaptée vont progressivement apparaître :

  • La discipline et les synodes : la Discipline des Églises réformées est un texte normatif datant de 1559, sorte de constitution qui règle la vie de l’Église, son organisation matérielle comme les questions spirituelles. Le Concordat reconnaît cette Discipline, mais il devient difficile de la mettre en œuvre. En effet, le consistoire est la seule autorité, constituée de notables (dans lesquels le peuple protestant ne se reconnaît du reste pas toujours), et il n’y a pas de structure réunissant les consistoires : la loi n’a pas prévu de synode national, et les synodes particuliers/provinciaux, pourtant prévus par la loi, ne seront pas autorisés à se réunir. Une expérience modeste se déroule dans la Drôme entre 1848 et1853, mais il n’y a pas de réunion générale des synodes particuliers. D’où la question en l’absence de synode, quelle autorité se chargerait d’appliquer la Discipline ?
  • L’Église locale : selon les habitudes réformées, l’Église locale joue un rôle fondamental, cadre où se déroule la vie des fidèles, et base de la pyramide d’assemblées qui constitue la structure de l’Église réformée. Or la loi de germinal ignore l’Église locale, en méconnaissant ainsi sa nature même.

Moyens pour affirmer une identité protestante

Aussi, dans le but de créer des structures de rencontre où les problèmes communs pourront quand même être évoqués à l’échelon national, ne serait-ce que de façon officieuse, divers artifices seront utilisés :

  • Création de différentes Sociétés religieuses dont on citera les principales : Société biblique protestante de Paris (1818), Société des Traités religieux (1821), Société des missions évangéliques (1822), Comité pour l’Encouragement des Écoles du dimanche (1826), Société pour l’Encouragement de l’Instruction Primaire parmi les protestants de France (1829), Société Évangélique de France (1833), et à partir de 1835, diverses sociétés protestantes fusionnent en 1847 pour former la « Société Centrale Protestante de France » ; toutes ces sociétés sont en général animées par des laïcs fortunés et dévoués.
  • Organisation des Conférences pastorales : Jean Monod à Paris, Samuel Vincent à Nîmes. Elles ont une réelle importance car elles permettent d’évoquer les problèmes ; mais elles n’ont aucun pouvoir de décision, elles ne remplacent pas les synodes.

Jusqu’en 1848, tant que les huguenots ne sont pas trop divisés, le débat dogmatique ne prend pas de proportions trop importantes ; mais dans les années suivantes, il va se durcir, et comme il n’y a pas d’autorité centrale, il conduit à une division.

Avancement dans le parcours

Bibliographie

  • Livres
    • CABANEL Patrick, Histoire des Protestants en France (XVIe-XXIe siècle), Fayard, 2012
    • ENCREVÉ André, Les protestants en France de 1800 à nos jours. Histoire d’une réintégration, Stock, Paris, 1985

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