Les commencements
Le COE (WCC) trouve son origine dans les mouvements d’Églises et de jeunesse de dénominations principalement protestantes qui, au début du XXe siècle, ont réfléchi sur les défis politiques et sociaux d’un monde dans lequel les échanges économiques se multiplient, provoquant des situations d’incompréhension et de violence. Les mouvements de colonisation, souvent liés à la recherche de matières premières, soulèvent de nombreuses questions.
La Conférence d’Édimbourg sur les missions, réunie en 1910 sous la présidence de John Mott (prix Nobel de la Paix, 1946), exprime l’urgence d’une réflexion œcuménique capable de dépasser trop de particularismes venus d’Églises se réclamant de la Réforme.
Dans la suite de ces travaux, deux groupes de réflexion travaillant dans un contexte international se mettent en place. L’un, se réclamant plutôt des courants théologiques libéraux, est très rapidement constitué. C’est celui du Christianisme pratique (Life and work). Il concentre ses travaux sur le service social auprès des démunis, les exigences de solidarité et leurs modalités. L’autre, mis en place plus tardivement, Foi et constitution (Faith and Order), réfléchit aux problèmes de doctrine impliquant la fidélité aux textes bibliques. Leurs travaux rencontrent de larges échos dans les mouvements de jeunesse, en particulier, les Unions chrétiennes de jeunes gens (UCJG), les Unions chrétiennes de jeunes filles (UCJF) et leur branche étudiante, la Fédération universelle des associations chrétiennes d’étudiants (FUACE). Y sont associés très vite, l’Église anglicane et plusieurs Églises orthodoxes devenues autocéphales après la Révolution russe et placées depuis 1920 sous la protection du patriarcat de Constantinople.
En 1937, les mouvements œcuméniques Foi et Constitution et Christianisme pratique, alors qu’ils sont réunis dans leurs assemblées plénières, respectivement à Édimbourg et à Oxford, décident de travailler désormais ensemble au sein d’un même organisme, le Conseil œcuménique des Églises.
De l’assemblée constitutive d’Utrecht (1938) à l’Assemblée constituante d’Amsterdam (1948)
L’assemblée constitutive se réunit en 1938 à Utrecht. Elle confie à William Temple (1881-1944), futur archevêque de Cantorbery, mais à ce moment archevêque (anglican) de York et membre actif de la FUACE, la mission de définir les structures qui devraient permettre un fonctionnement effectif du COE en 1941. Willem Visser’t Hooft, qui est le secrétaire général en exercice de la FUACE, est nommé secrétaire général du COE en formation (1938).
L’éclatement de la Seconde guerre mondiale en 1939 empêche la réalisation concrète du projet. Cependant Willem Visser’t Hooft se voit investi d’une mission de vigilance et développe une aide active aux juifs et aux résistants qui fuient l’Allemagne et se réfugient en particulier à Genève.
Le projet lui-même est repris dans l’immédiat après-guerre, non sans quelques préalables.
Se pose en effet le problème de l’admission des Églises protestantes allemandes au sein du COE. Bien sûr, l’Église confessante (bekennde Kirche), au moment du synode de Barmen (Allemagne, 1934) puis à la conférence de Fanớ (Danemark, 1935), s’est fermement opposée aux autorités de l’Église allemande qui avaient prêté serment d’allégeance à Hitler et accepté l’appellation de Deutschen Christen qui affirmaient leur soumission au pouvoir nazi. Et l’Église confessante, pour cette raison, a été partie prenante du projet de 1938. Mais, en 1945, trop d’aveuglements et de compromissions des Églises allemandes avec le nazisme ne peuvent être passés sous silence.
Avec les responsables des mouvements œcuméniques engagés dans la lutte contre le nazisme (Willem Visser’t Hooft, William Temple, Pierre Maury et d’autres), les Églises allemandes, lors d’un synode réuni à Stuttgart en octobre 1945, rédigent une déclaration de culpabilité (Schuldbekenntnis) qui est aussi un manifeste important pour les missions de l’œcuménisme. Le COE peut alors se mettre progressivement en place.
En 1946, une Commission des Églises pour les affaires internationales est créée à Genève, dans une relative proximité avec l’Organisation des Nations Unies (ONU) dont les statuts viennent d’être promulgués, et avec le (futur) COE.
Dans cette même année 1946 est créé à Bossey, dans la banlieue de Genève, un Institut d’études œcuméniques financé en partie par la fondation Rockefeller. Dès 1947, ses diplômes sont reconnus par l’université de Genève du fait d’une convention d’association entre les deux établissements.
En août 1948, à Amsterdam, alors que la Guerre froide est déclenchée, l’Assemblée constituante du COE est ouverte. Elle a pour thème une question venue des travaux de Karl Barth, Le désordre du monde et le dessein de Dieu. Les UCJG/UCJF, la FUACE, l’Alliance universelle pour l’Unité internationale des Églises, le Conseil international des Missions participent à cet événement. 147 Églises, représentant 44 pays, s’engagent dans la nouvelle institution. Willem Visser’t Hooft est élu secrétaire général.
Au moment de sa constitution, les relations du COE avec l’Église catholique romaine sont inexistantes, voire hostiles, dans la mesure où cette dernière considère qu’elle seule peut être le lieu de l’unité visible de l’Église. En revanche des membres d’Église orthodoxes sont présents à l’assemblée d’Amsterdam. En effet, dès 1920, certains avaient rallié le mouvement Foi et Constitution dans la suite de l’encyclique du synode de Constantinople.
Organisation et mandats du COE
Par ses statuts, le Conseil œcuménique des Églises n’est ni une fédération d’Églises membres, ni un gouvernement d’Églises. C’est un lieu de recherche et de services auprès de communautés ecclésiales locales, nationales ou relevant d’aires culturelles régionales. Son financement est assuré par les Églises membres.
Le siège du COE se trouve à Genève dans un bâtiment qui abrite aussi, depuis 1960, des organismes distincts : la Fédération luthérienne mondiale et l’Alliance réformée mondiale (créée en 1875). Celle-ci fédère des Églises réformées principalement anglophones de régime presbytérien et plus récemment congrégationaliste. Devenu en 2010 la Communion réformée mondiale, elle a désormais (2014) établi son siège à Hanovre (Allemagne).
L’instance ordonnatrice du COE est l’Assemblée des Églises membres. Celle-ci se réunit à intervalles réguliers (sept ou huit ans) et à cette occasion élit un Comité central composé de représentants des Églises membres. Ce comité élit parmi ses pairs ceux qui font partie du Comité exécutif.
Le Secrétariat général assure la mise en œuvre des mandats qui lui ont été confiés par l’Assemblée générale. Il coordonne les travaux des divers départements – Foi et Constitution, Missions et évangélisation, Entraide, Services aux réfugiés – au sein desquels travaillent des permanents, clercs et laïcs mandatés par le Conseil.
Après l’assemblée constitutive d’Amsterdam en 1948, les assemblées plénières se sont réunies dans de multiples points de la planète : Evanston (USA) 1954 ; New Delhi (Inde) 1961 ; Upsala (Suède) 1968 ; Nairobi (Kenya) 1975 ; Vancouver (Canada) 1983 ; Canberra (Australie) 1991 ; Harara (Zimbabwe) 1998 ; Porto Alegre (Brésil) 2006 ; Séoul (Corée du Sud) 2013.
Le Secrétariat général a été dirigé par Willem Visser’t Hooft (Église réformée, Pays-Bas) 1948-1966 ; Eugène Carson Blake (Église presbytérienne, USA) 1966-1972 ; Philip A. Potter (Église méthodiste de la République dominicaine) 1972-1984 ; Emilio Castro (Église méthodiste d’Uruguay) 1985-1992 ; Konrad Raiser (Evangelische Kirche in Deutschland) 1993-2003 ; Samuel Kobia (Église méthodiste du Kenya) 2004-2009. Olav Fykse Tveil (Église luthérienne de Norvège) a pris cette responsabilité en 2010.
Beaucoup de travaux et de missions importantes ont été engagées, parmi lesquelles il faut rappeler le soutien apporté aux Églises d’Afrique du Sud dans la levée de l’Apartheid et le dialogue mené à partir des années 1960 avec les pays de l’Est ou l’engagement (ouvrant à des débats parfois difficiles) auprès des pays d’Amérique latine.
Le COE a des liens étroits avec la Commission œcuménique européenne pour l’Église et la Société (COEES) dont le siège se trouve à Bruxelles depuis 1960. La Commission a été créée au début des années 1950, à l’initiative d’André Philip entre autres, dans le propos d’associer des responsables d’Église et des hauts fonctionnaires dans une réflexion sur la construction d’une Europe réconciliée. Elle a joué un rôle certain dans le rattachement du Royaume-Uni à la Communauté européenne (1972). Le COE et la COEES ont travaillé ensemble, en particulier dans le cadre de la Conférence mondiale sur Églises et Société qui s’est tenue en 1966 à Genève.
Le COE au XXIe siècle
De grandes avancées œcuméniques ont eu lieu dans les turbulences du XXe siècle. Elles sont pour partie liées à l’effervescence de la réflexion théologique et au souci des problèmes du monde présent que de nombreux acteurs ont porté, notamment au sein de la FUACE où des dialogues exigeants se sont développés pendant l’entre-deux-guerres.
Depuis les années 1970, la dérégulation progressive des marchés financiers et l’extension à l’échelle mondiale des échanges économiques ont largement modifié la configuration des problèmes sociaux. L’exigence œcuménique évolue en raison des contextes. Mais, quoi qu’il en soit de certaines transformations liées à l’arrivée ou au départ de telle ou telle Église membre, le COE garde toute sa place dans l’espace public, qu’il soit local, national ou lié aux aires culturelles. Il relaie de nombreuses préoccupations éthiques, notamment par son attention aux problèmes d’environnement et d’écologie, aux problèmes de justice et de paix (cf. le thème Justice, paix et sauvegarde de la création, débattu lors de nombreuses rencontres).
Sa présence et sa vigilance sont fortes dans nombre de rencontres internationales organisées ou non sous sa responsabilité. Ses publications sont multiples.