Du pouvoir royal vers le pouvoir absolu
La tradition voit dans la loi un principe directement issu de Dieu, dont le roi est le garant ou l’interprète, et c’est au nom de Dieu que le roi rend sa justice. Pour François Ier, il est évident que la Réforme « tend au renversement de la monarchie divine et humaine ».
En août 1563, lors d’une séance au parlement de Normandie, Michel de l’Hospital confirme que le monarque est la seule source de la loi et que tous ses sujets, y compris les magistrats des cours souveraines, lui doivent une obéissance absolue. Mais ce pouvoir n’est pas illimité, il est modéré par la foi chrétienne, la justice et les lois fondamentales du royaume, permettant ainsi d’éviter la tyrannie. Après la mort d’Henri II (1519-1559), le pouvoir royal s’affaiblit ; François II (1554-1560) adolescent maladif, délègue le pouvoir au duc Henri de Guise et son frère, le cardinal Charles de Lorraine. Après l’avènement d’Henri III, de nombreux écrits s’attaquent aux mauvais conseillers qui entourent le roi, en particulier l’entourage italien de la régente. Puis certains publicistes calvinistes remettent en cause la notion de monarque : il faut distinguer la personne du prince, temporelle et mortelle, de la dignité monarchique elle-même.
Le rôle des institutions représentatives, comme les états généraux est souligné dans l’exercice de la souveraineté. Le roi est perçu comme un magistrat, supérieur, mais non plus comme un personnage d’essence différente. Un droit à la résistance est évoqué. Le terme de « monarchomaques » désigne les partisans de cette thèse, avec plus ou moins de nuances.
Pour le juriste protestant François Hotman, le pouvoir revient au peuple, représenté dans une assemblée ou diète. Le rôle d’intermédiaire entre le peuple et le roi est le fait des conseillers, grands seigneurs et magistrats. L’autorité des lois limite la puissance du roi. Le pouvoir du roi est tempéré par un conseil rassemblant les princes du sang et par la consultation régulière des États.
Théodore de Bèze défend la théorie du contrat unissant Dieu, le roi et la communauté. La véritable souveraineté est détenue par le peuple, qui la délègue aux « magistrats inférieurs », (seigneurs détenteurs de fiefs à titre héréditaire) ou à des officiers municipaux élus (maires, consuls, échevins), et qui veillent à ce que le roi gouverne dans le respect des lois fondamentales du royaume.
Les États généraux désignent les principaux officiers de la couronne et peuvent les déposer en cas de forfaiture. « Les magistrats ont été créés pour le peuple et non le peuple pour les magistrats ». De même, la résistance au tyran est légitime. Un ouvrage, probablement dû à Philippe Duplessis Mornay, distingue le prince de la fonction royale, et réaffirme que la souveraineté appartient au peuple. Il refuse l’idée que le roi soit une personne sacrée : « la puissance de Dieu est infinie, celle des rois non ». Émanation de la communauté, les états généraux nomment les magistrats, décident de la paix et de la guerre, font les lois et lèvent les impôts. Ces idées sont diffusées par les calvinistes, et sont d’abord violemment critiquées par le parti catholique. Mais, basculement de l’histoire, elles sont reprises plus tard par les ligueurs pour justifier l’assassinat d’Henri III, alors que les protestants prennent une position exactement inverse pour justifier l’avènement d’Henri IV. Celui-ci va faire évoluer la notion de pouvoir royal vers un pouvoir absolu (le terme de « monarchie absolue » n’apparaît que plus tard).
En janvier 1586, s’adressant au clergé, Henri de Navarre déclare « c’est Dieu qui dispose des rois et des royaumes », jetant les bases d’un absolutisme gallican, hostile à toute interférence du Saint-Siège dans les affaires intérieures françaises. La clémence, le pardon des fautes, la réconciliation sont autant de témoignages de la grandeur royale. Le caractère autoritaire du régime, incarné par la seule personne du roi, est illustré par le fait que contrairement aux Valois, Henri IV ne réunit qu’une fois les représentants du royaume, en novembre 1596 à Rouen. La restauration de l’État est son fait, le rôle des officiers et magistrats est minoré, leur obéissance doit être complète. Il ne se rend qu’une fois au parlement de Paris en mai 1597, pour vérifier les édits favorables à l’entourage de sa maîtresse Gabrielle d’Estrées.
La construction juridique de l’autorité monarchique est établie. Le caractère indivisible de la souveraineté royale est affirmé. Lieutenant de Dieu sur la terre, défenseur de la patrie contre les ennemis étrangers, le monarque est célébré comme le garant de la stabilité politique.