La décolonisation
Le conseil de l’ERF, les synodes régionaux ou nationaux prendront position à de nombreuses reprises en faveur de l’émancipation des différentes colonies. Dès 1947, ils condamnent les exactions commises à Madagascar – vieille terre de mission protestante : « nous refusons les méthodes nazies » peut-on lire dans la revue Le Semeur ou dans Foi et Vie.
La majorité des protestants suit les prises de position de ses représentants en ce qui concerne l’Algérie. En 1957, le conseil de la Fédération Protestante de France adjure les pouvoirs publics de mettre un terme aux méthodes utilisées en Algérie. Les questions de la torture, de l’insoumission, de l’objection de conscience ont été ouvertement abordées. Les jeunes protestants sont nombreux parmi les insoumis de 1960 et le pasteur Étienne Mathiot, ancien résistant poursuivi par la Gestapo, est condamné à 8 mois de prison en mars 1958 pour avoir hébergé et fait passer en Suisse un responsable algérien.
Critiques de la société contemporaine
Confrontés aux profondes transformations qui on marqué la société françaises, certains adoptent des positions critiques, d’autres sont plus pragmatiques. Si « au début des années 1960, une partie des instances dirigeantes du protestantisme français donne l’impression de céder à une sorte d’emballement révolutionnaire, entre théologie et marxisme » (P. Cabanel), par contre, en 1963, Jacques Ellul ironise sur ces chrétiens qui « ne verraient pas d’autre possibilité d’être présents au monde que de s’engager dans la politique ou de faire partie d’un syndicat ».
En juillet 1966, après les grandes crises de la décolonisation, la conférence internationale « Église et Société », réunit des représentants du monde occidental et du tiers monde, les délégués français étant André Philip, André Dumas, Jacques Ellul, Claude Gruson : la nécessité d’une « théologie de la Révolution » (à l’instar du mouvement né en Amérique latine) est évoquée. Certains voient dans le christianisme une vocation révolutionnaire et de nombreux jeunes pasteurs ou étudiants en théologie renoncent à un ministère paroissial pour se consacrer à des tâches médico-sociales ou intellectuelles.
En mai 1968, le « gauchisme » étudiant est à son apogée, et quelques fortes personnalités protestantes le soutiennent. Georges Casalis, barthien et ancien résistant, proclame dans sa prédication radiodiffusée du 19 mai que « l’utopie qui motive la rue est le nom d’une spiritualité nouvelle » et que les slogans de mai « contiennent une multitude de signes, de rappels et d’échos de l’Évangile ».
En 1969, l’Assemblée générale de la Fédération Protestante de France a pour thème « Quel développement et pour quel homme ? ». L’une des résolutions finales est la constitution d’un groupe de réflexion auquel participent des pasteurs et des laïcs ; Claude Gruson en est le Président. En novembre 1971 le groupe publie le texte « Églises et pouvoirs » ; le journal Le Monde écrira : « la Fédération protestante de France juge la société actuelle inacceptable ». Ce texte sera très diversement accueilli dans la communauté protestante, et certains courants conservateurs s’y opposent, comme en témoigne la création, en 1974, de la Faculté libre de théologie d’Aix-en-Provence, contre le gré de la Fédération Protestante de France.
Dans les années suivantes, le climat polémique tend à s’apaiser. Du fait des avancées de l’œcuménisme certains débats sont relayés par des instances de réflexion comme la commission « Justice et Paix », le Centre de Villemétrie, et certaines instances européennes. Ces débats sont moins médiatiques dans un contexte où l’économie se transforme à l’échelle mondiale.Ce que certains ont appelé « protestantisme gauchisant » est dépassé ; l’engagement protestant apparaît alors surtout « réformiste ».