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Le protestantisme
dans le Nord

La région Nord regroupe les départements du Nord et du Pas-de-Calais. Ceux-ci sont formés des anciennes provinces d’Artois, du Hainaut, de Flandre et du Cambrésis, qui faisaient partie depuis la mort de Charles le Téméraire en 1477, du Saint-Empire Romain Germanique. Ce n’est qu’en 1713, que ces provinces deviennent françaises.

Dès le début du XVIe siècle, malgré la toute puissance de l’Église catholique, les idées de la Réforme y sont diffusées.

Les prémices de la Réforme

Carte des lieux de mémoire protestant dans le Nord
Carte des lieux de mémoire protestant dans le Nord
Jacques Lefèvre d'Étaples (1450-1537)
Jacques Lefèvre d'Étaples (1450-1537) © S.H.P.F.

C’est d’abord Jacques Lefèvre d’Étaples (1450-1537), grand lettré mystique, qui prêche un retour à l’Évangile. Ordonné prêtre, il fait partie du groupe qui sous l’impulsion de Guillaume Briçonnet, évêque de Meaux, veut réformer le diocèse. Chassé comme hérétique, il se réfugie d’abord à Strasbourg, puis revient à Paris où il se met sous la protection de Marguerite de Navarre. Il publie un commentaire des psaumes et une traduction du Nouveau Testament en 1512 et 1525. Il est à juste titre considéré comme un précurseur de la Réforme.

Pierre Brully (env.1500-1545), moine jacobin converti à la Réforme vers 1540 après avoir rencontré Calvin à Genève puis à Strasbourg, est envoyé par Bucer prêcher la foi nouvelle à Valenciennes et à Tournai, où il est brûlé vif le 30 janvier 1545.

Guy de Brès (1522-1567), converti à la Réforme après un exil à Londres de 1538 à 1552, est pasteur à Lille où il publie Le Baston de la Foy chrestienne, puis à Amiens, Anvers et Valenciennes. Il est pendu à Valenciennes pour avoir célébré la Cène. Il est considéré comme le réformateur des Pays-Bas.

La pénétration de la Réforme dans le Nord

Château de Wierre au bois
Château de Wierre au bois

Dans la région au sud de Boulogne, la présence protestante est attestée dès les années 1560. Des familles de la noblesse locale favorables aux idées de la Réforme ouvrent leurs châteaux et leurs manoirs pour y accueillir des assemblées secrètes où l’on écoute la parole de Dieu et on chante des psaumes. L’exemple le plus fameux est le château de Claude de Louvigny à Wierre-au-Bois, baptisé par les catholiques « château-temple » qui est pris d’assaut et brûlé en août 1572, au lendemain de la Saint-Barthélemy.

Dans la région de Cambrai, c’est plutôt une population rurale qui est touchée par le protestantisme ; des assemblées se tiennent dans les bois ou dans des granges isolées.

Les affrontements se multiplient

Chapelle des gueux
Chapelle des gueux © Liens Protestants

À l’abdication de Charles-Quint en 1555, la Régente Marguerite de Parme, sa sœur, tente de faire régner un ordre religieux plus contraignant encore dans toute la province. Mais la conjoncture internationale (princes allemands choisissant d’adhérer à la Réforme luthérienne, mort de Marie Tudor (1516-1558) qui donne aux calvinistes anglais plus de liberté, noblesse des Pays-Bas favorable elle aussi à la Réforme) soutient la diffusion des idées et les revendications des réformés qui souhaitent avant tout des lieux pour se réunir. Malgré les interdits de Philippe II, fils de Charles-Quint et nouveau roi d’Espagne, les assemblées « d’hérétiques » se multiplient.

C’est au cours de l’été 1566, partie de Steenvoorde, petite ville non loin d’Hazebrouck, que se déclenche une révolte baptisée « la révolte des gueux », du nom dont on appelle alors les hérétiques. Des prédicants excitent la foule et les églises autour de Lille, qui elle n’est pas inquiétée : Marcq-en-Barœul, Bondues, Croix, Wasquehal, Valenciennes qui passe pour la « Nouvelle Genève » sont mises à sac.

Débordée par la violence des manifestations, Marguerite de Parme en appelle à Philippe II qui dépêche en Flandre le Duc d’Albe en personne. Celui-ci organise méthodiquement la répression. Des commissaires sont nommés pour inventorier les biens des protestants qui sont confisqués Des exécutions capitales ont lieu en grand nombre. Ceux des adeptes de la « nouvelle religion » qui ne sont pas exécutés sont bannis. On en dénombre plus de 12.000, qui, partis pour l’Angleterre, la Hollande ou Genève, y fondent des Églises réformées wallonnes ou flamandes.

De la fin du XVIe à la fin du XVIIe siècle

Le manoir de La Haye
Le manoir de La Haye

Alors que le mouvement de la Réforme s’éteint progressivement en Artois à la fin du siècle, la région de Calais d’où les Anglais ont été chassés en 1558, se repeuple peu à peu. Les huguenots persécutés d’Artois et de Flandre y trouvent refuge, rejoints vers 1600 par des émigrés hollandais.

La signature de l’édit de Nantes en 1598 permet l’ouverture de deux temples : à Marck et à Guines. Une communauté d’environ 3000 membres, aux origines sociales très diverses –  agriculteurs et artisans flamands, riches marchands hollandais – s’entraide et vient en aide aux plus démunis.

La Révocation de l’édit de Nantes, précédée depuis 1660 de mesures infamantes avec son lot d’arrestations, de fermetures des lieux de culte et de discriminations de toutes sortes font fuir l’essentiel des populations.

Dans la région de Boulogne, quelques familles de nobles et de notables restés fidèles au protestantisme animent jusqu’à la fin du XVIIe siècle une petite communauté d’environ 350 fidèles qui se retrouvent à La Haye, grosse ferme fortifiée située à Nesles (Pas-de-Calais) où le culte réformé est proclamé, comme l’y autorise l’article VII de l’édit de Nantes de 1598.

Plusieurs protestants choisissent d’être inhumés dans un pré tout proche, qui garde longtemps le nom de « cimetière des parpaillots ».

Mais à partir de 1672, les autorisations de prêches et d’ensevelissements sont peu à peu retirées.

En 1685, les quelques familles restantes alentour abjurent et, à la fin du siècle, il ne reste dans la région du Nord qu’environ 300 familles protestantes.

XIXe et XXe siècles

Henri Nick (1868-1954)
Henri Nick (1868-1954) © Mours

À partir du début du XIXe siècle, un protestantisme minoritaire mais actif et influent se reconstitue peu à peu à la faveur de différentes circonstances.

Au début du régime concordataire, Lille est la seule ville de toute la région à posséder un poste pastoral officiel. Les protestants sont peu nombreux, mais la communauté s’étoffe grâce à la présence de familles étrangères, anglaises et allemandes, venues créer dans la région des affaires de textile. Les patrons, en général préoccupés de questions sociales, se soucient aussi de l’éducation religieuse de leurs ouvriers.

Ainsi, à la fin du siècle, le mouvement du Réveil dont l’inspiration est due en partie au pasteur méthodiste anglais John Wesley (1703-1791), relayé en France par Tommy Fallot (1844-1904) et Élie Gounelle (1865-1950), trouve dans le Nord un écho très important.

À mesure que des communautés se constituent, des postes pastoraux sont créés à Dunkerque, à Tourcoing, à Roubaix où le pasteur Gounelle ouvre en 1898 un foyer, « La Solidarité », où s’entrecroisent des œuvres multiples : lieu d’accueil, université populaire, cercle ouvrier.

Dans le bassin minier, l’implantation du protestantisme est plus tardive, liée là encore à une société d’évangélisation, la Société chrétienne du Nord.

L’importante participation de la population ouvrière aux réunions est à l’origine de l’ouverture de centres protestants à Hénin-Beaumont, Liévin et Lens où sont construits à la fin du siècle temples et presbytères.

Une autre grande figure de l’évangélisation dans le Nord est celle d’Henri Nick (1868-1954), pasteur de l’Église réformée de Lille, qui se fait détacher de La Mission populaire de Fives, un des faubourgs les plus déshérités de la ville. Il y organise des visites médicales, lutte contre l’alcoolisme, participe à des Tournées avec chants, prédications, discussions où il porte la contradiction aux Ténors de la libre-pensée. Il met en place des vacances pour les enfants d’ouvriers, prend le parti de ceux-ci au moment des grandes grèves des années 1930 et est ainsi présent sur tous les fronts de lutte ouvrière. Mais son action se situe en marge du mouvement du Christianisme Social dont le Nord est pourtant un des foyers les plus importants.

Un même souci d’évangélisation des milieux ouvriers existe à Boulogne (Pas-de-Calais) où arrive en 1830 le pasteur Henri Pyt (1796-1835), envoyé par une société d’évangélisation anglaise. Suivent la Société évangélique de France puis la Mission populaire du pasteur méthodiste anglais McAll (1821-1893).

On mesure ainsi que l’action des pasteurs hors des cadres officiels du protestantisme est décisive en particulier pour la réglementation du travail des enfants et la lutte contre l’alcoolisme.

Mais ce développement des initiatives, porté par des Sociétés d’évangélisation aux origines et aux inspirations multiples, nuit à l’unité du protestantisme et à la fin du XIXe siècle il existe dans le Nord, trois Unions d’Églises :

  • l’Église réformée unie,
  • l’Union des Églises évangéliques,
  • et l’Union des Églises réformées (inspirées par le Réveil).

Il faudra atteindre le premier tiers du XXe siècle pour que l’on s’achemine vers une union de toutes ces Églises, qui n’est finalement réalisée qu’en 1938 avec la création de l’Église réformée de France (E.R.F.)

La volonté d’évangéliser et de venir en aide aux plus défavorisés reste une des constantes du noyau actif et influent du protestantisme « nordiste » et, au cours du XXe siècle, on trouve de nombreux protestants engagés dans les actions municipales, départementales et régionales.

Le protestantisme
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Nord-Pas-de-Calais

Itinéraire vers ce lieu

Bibliographie

  • Sites
    • Le blog de Liens protestants, le journal protestant du nord | Lien
    • Les temples protestants de France | Lien
    • Itinéraires protestants | Lien
  • Livres
    • DEYON Solange et LOTTIN Alain, Les Casseurs de l’été 1566. L’iconoclasme dans le Nord, Presses Universitaires du Septentrion, Lille, 1986
    • DUBIEF Henri et POUJOL Jacques, La France protestante, Histoire et Lieux de mémoire, Max Chaleil éditeur, Montpellier, 1992, rééd. 2006, p. 450
    • JOBLIN Alain, Catholiques et Protestants boulonnais (XVIe et XVIIe siècles), Société académique du Boulonnais, 1994, Tome 15

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