La pénétration de la Réforme en Bretagne (XVIe siècle)
C’est en 1558 que la Réforme s’implante en Bretagne. François d’Andelot, frère de l’Amiral de Coligny, invite toute la noblesse bretonne dans son château de La Bretesche à Missillac pour y entendre un prêche protestant. Il pèse de toute son influence pour intéresser les seigneurs des environs à la foi nouvelle. Les idées de la Réforme ont déjà quelque peu pénétré en Bretagne mais c’est l’occasion d’affirmer ouvertement sympathie ou adhésion. L’essor du calvinisme en Bretagne se poursuit jusqu’en 1565, essentiellement dans la partie où l’on parle français. Le Finistère est peu touché, faute de prédicateurs parlant breton.
La noblesse est une composante importante de la communauté protestante, et même la haute noblesse comme les Rohan et les Châtillon. Plus de cent familles nobles passent au calvinisme. Elles fondent les Églises rurales. Les Églises urbaines, à Nantes, Vitré, Rennes, Guérande, Morlaix, sont composées de familles bourgeoises et d’artisans.
La Saint-Barthélemy a peu d’échos en Bretagne. Il y a peu de persécutions jusqu’en 1585, sans doute à cause de la protection de la noblesse. Mais en 1585, tout change lorsque le gouverneur de la Bretagne, le duc de Mercœur, se range du côté de la Ligue et poursuit les protestants. Des pasteurs quittent la province. Certains nobles abjurent, d’autres rejoignent l’armée du Prince de Condé. En 1589, après le refus de Mercœur d’obéir à Henri IV, la situation empire pour les protestants. Les Églises sont dispersées sauf à Vitré où les protestants tiennent la ville. Celle-ci résiste au siège de Mercœur et n’est sauvée que par l’arrivée des troupes royales. Les nobles protestants rejoignent le camp de Henri IV mais nombreux sont ceux qui périssent durant ces affrontements.
L’édit de Nantes met fin au conflit, Mercœur fait sa soumission à Henri IV, mais le protestantisme breton est en ruine. De plus, l’édit est défavorable aux protestants bretons, car le culte n’est autorisé que dans les lieux où il avait été exercé publiquement en 1596 et 1597. Or, pendant la domination de Mercœur, le culte protestant s’était fait clandestin, sauf à Vitré. Il est cependant rétabli à Nantes, Rennes et Le Croisic. Les autres Églises sont des Églises de fief autour des gentilshommes protestants qui sortent très affaiblis du conflit avec Mercœur. Les protestants ne bénéficient d’aucune place de sûreté en Bretagne mais ont quelques places de mariage.
Le déclin du protestantisme (XVIIe siècle)
En 1611, Henri de Rohan se voit confier à 20 ans la charge de conduire le parti huguenot, prenant la succession de Coligny, Condé, et Henri de Navarre. En 1621, il prend la tête du soulèvement des protestants contre le roi Louis XIII mais est vaincu par les troupes royales et doit faire sa soumission au roi. C’est la fin du parti huguenot. Sa mère, Catherine de Parthenay, farouche huguenote, soutient la résistance de la ville de La Rochelle, lors du siège de 1628. Mais deux générations après, les descendants des Rohan deviennent catholiques. Pendant ce temps, une autre famille de la noblesse protestante fait une remarquable ascension : les Gouyon de La Moussaye. Amaury III de La Moussaye épouse en 1629 Henriette de La Tour d’Auvergne, fille du prince de Sedan et soeur de Turenne, et devient gouverneur de Rennes et lieutenant-général de Bretagne.
Les Églises de fief se maintiennent tant que les familles nobles restent protestantes. Mais de nombreux nobles retournent au catholicisme sous le règne de Louis XIII.
Parmi les Églises urbaines, celle de Nantes est la plus florissante en raison de l’arrivée de nombreux commerçants hollandais dans le premier port du royaume. La communauté se réunit pour le culte au temple de Sucé sur les bords de l’Erdre que les protestants remontent en bateau en chantant des psaumes.
La communauté de Rennes se réunit au temple de Cleunay qui détient le triste record des incendies dus à la fureur populaire : quatre fois au cours du XVIIe siècle, en 1613, 1654, 1661, 1675. À chaque fois, le pouvoir royal ordonne la reconstruction aux frais de la ville, malgré les protestations des catholiques rennais. En 1675, le cimetière protestant est lui-même profané. La plupart des protestants rennais n’étaient pas originaires de Rennes : ils venaient de Vitré mais aussi de Normandie et du Poitou.
La fuite des protestants (1685)
À la révocation de l’édit de Nantes, tous les temples sont détruits. La province ne connaît pas de dragonnades car le gouverneur de la Bretagne, le duc de Chaulnes, refuse la venue des troupes. Cependant, la plupart des protestants abjurent. Certains résistent sans être trop inquiétés à cause de leur grande dissémination. D’autres fuient vers les îles anglo-normandes, l’Angleterre et la Hollande. Les principaux ports d’embarquement sont Nantes et Saint-Malo. L’administration royale fait surveiller les côtes, mais cette surveillance ne semble guère avoir été efficace dans une région entourée par la mer. À Vitré, l’émigration touche un tiers des protestants, à Nantes et à Rennes la moitié. Ceux qui sont pris sont enfermés dans les prisons de Saint-Malo ou de Rennes.
L'éclipse (XVIIIe siècle)
À Nantes, les protestants obtiennent assez vite un semblant de liberté grâce à l’arrivée de négociants étrangers suisses et allemands, liés au commerce et à la fabrication des indiennes, ces étoffes imprimées si recherchées au XVIIIe siècle. À partir de 1740, des cultes clandestins ont lieu chez un ressortissant hollandais, puis ensuite dans la fabrique d’indiennes de Pelloutier.
Les protestants bretons sont en grande majorité favorables à la Révolution. Mais à partir de 1792, avec la déclaration de guerre, les étrangers deviennent suspects et l’industrie textile des indiennes périclite. La communauté protestante de Nantes sort très affaiblie des années révolutionnaires. Elle n’a plus de pasteur ni de lieu de culte.
La Bretagne, terre d'évangélisation (XIXe siècle)
Au début du XIXe siècle, la Bretagne ne compte qu’une seule Église reconnue par les articles Organiques (1802) : celle de Nantes qui reprend son essor à partir de 1804. Certains protestants nantais bâtissent à nouveau des fortunes tels Thomas Dobrée, un des plus grands armateurs de France et Louis Say qui édifie d’énormes raffineries de sucre.
La communauté protestante se développe sous le ministère du pasteur Benjamin Vaurigaud (1818-1883), disciple d’Adolphe Monod. Il crée de nombreuses œuvres et écrit une Histoire des Églises réformées en Bretagne. À la fin du siècle, la communauté compte un millier de membres et attire de nouveaux convertis dont le plus célèbre est Hippolyte Durand-Gasselin, dont la famille va présider la communauté pendant un demi-siècle.
Grâce à une émigration d’Anglais sur les côtes de Bretagne, une nouvelle Église va s’ouvrir à Brest. Elle est animée d’abord par un laïc anglais puis, en 1832, par un jeune pasteur français issu du Réveil, Achille Le Fourdrey, qui, avec l’aide de la municipalité anticléricale, est titularisé dans ce poste. Parmi ses paroissiens il compte vers 1850 le capitaine de frégate Jean-Bernard Jauréguiberry, futur ministre de la marine dans le cabinet Waddington. Avec l’aide de la Société Évangélique, il crée une nouvelle paroisse à Rennes puis à Lorient.
Cette évangélisation française sera relayée par des missionnaires gallois. Le pays de Galles a connu le Réveil au XVIIIe siècle qui s’est accompagné d’un renouveau de la langue et de la littérature celtiques. C’est pourquoi les Gallois s’intéressent à leurs frères celtes : les Bretons. Le premier missionnaire gallois, le pasteur baptiste John Jenkins, débarque en 1834, apprend le breton et traduit le Nouveau Testament avec l’aide d’un écrivain breton. Il crée des écoles itinérantes qui seront le creuset de nouvelles communautés, en particulier à Trémel (Côtes d’Armor) grâce à une femme, Marie Ricou, et à son fils, le pasteur Guillaume Le Coat.
Cette mission baptiste est renforcée par une mission méthodiste, toujours soutenue par les Églises galloises. Le pasteur William Jenkyn-Jones a un rayonnement considérable. Il crée des Églises autour de Quimper puis dans les ports du sud Finistère où l’évangélisation se double d’une lutte antialcoolique. En 1914, on dénombre dix lieux de culte en Finistère-sud et plusieurs dans le nord.
Les Évangéliques ont beaucoup contribué au développement de la langue bretonne, grâce à la traduction de la Bible et de cantiques en breton, diffusés par des colporteurs. Les cantiques sur des mélodies galloises ou des airs traditionnels bretons rencontrent un grand succès. Le colportage est financé par plusieurs sociétés évangéliques.
Par ailleurs, la Mission Populaire évangélique est à l’œuvre à Lorient et à Nantes dans les milieux ouvriers où elle fonde des « fraternités ». La Fraternité de Nantes connaît un grand développement et mêle activités spirituelles et action sociale.
Naissance des Églises protestantes tziganes (XXe siècle)
La mission évangélique poursuit son action au début du siècle, se développe à Paimpol mais s’essouffle à partir de 1930.
De nombreux lieux de culte sont détruits pendant la guerre de 1940 : à Brest, Lorient, Nantes et Saint-Nazaire. Après la guerre, le culte reprend dans des baraques en bois avant la reconstruction des temples.
Les pentecôtistes prennent le relais de la mission après la guerre et plus de vingt Églises s’ouvrent à partir des années 1950 dans toutes les grandes villes.
C’est également en Bretagne que commence en 1951 la mission du pasteur pentecôtiste Le Cossec en direction des tziganes. Quelques années plus tard, les rassemblements regroupent autour de Rennes des milliers de tziganes évangéliques. La Mission Évangélique Tzigane s’étend partout en France et au-delà des frontières.
À l’heure actuelle, le protestantisme reste très minoritaire en Bretagne et surtout très divers. Il compte aujourd’hui une cinquantaine de lieux de culte (dont une dizaine pour l’Église réformée et la Mission Populaire), sans compter les temples ouverts seulement l’été dans les lieux de villégiature.