Un acte de souveraineté
C’est un acte de souveraineté voulu et imposé par le roi Henri IV, en dépit de nombreuses difficultés. En cela il se distingue des édits antérieurs dont il s’inspire mais qui ont été aussitôt remis en cause. Son but immédiat est la paix civile, mais son objectif avoué reste l’unité religieuse du royaume. Dans le préambule, le roi souhaite que « l’établissement d’une bonne paix » permette à ses « sujets de la religion prétendue réformée » de revenir à la « vraie religion », la sienne, « la religion catholique, apostolique et romaine ».
L’élaboration de l’édit a été une affaire très délicate. Elle a nécessité de longues négociations. Il s’agissait de rassurer tant les catholiques que les protestants et de redonner confiance à tous. Il en résulte un compromis. L’édit institue l’égalité civile entre catholiques et protestants, il fixe les conditions de coexistence entre catholiques et protestants, mais la pratique du culte protestant est limitée.
Les documents de l'édit : quatre textes distincts
- Un premier brevet promet une subvention annuelle de 45 000 écus pour les besoins du culte protestant et surtout la rémunération des « ministres » (pasteurs).
- L’édit proprement dit, qui comporte 92 articles, est « perpétuel et irrévocable » ce qui signifie qu’il ne peut être révoqué que par un nouvel édit.
- Un deuxième brevet assure aux protestants 150 lieux de refuge accordés pour 8 ans, dont 51 places de sûreté, les garnisons de ces places étant tenues par les protestants. (Ce brevet a été renouvelé en 1606 et en 1611, mais supprimé par la Paix d’Alès en 1629).
- 56 articles dits « secrets ou particuliers » de moindre importance règlent des situations locales.
Les dispositions de l'édit de Nantes
Certaines sont en faveur des protestants :
- octroi de la liberté de conscience ;
- respect de l’organisation des synodes ;
- égalité des protestants et des catholiques en matière d’éducation ;
- égalité absolue d’accès à toutes dignités et charges publiques ;
- limitation de la liberté de culte : le culte protestant est autorisé seulement dans certains lieux et il est interdit là où il n’est pas explicitement autorisé, notamment à la cour, à Paris et à moins de cinq lieues de la capitale, ainsi qu’aux armées.
D’autres sont en faveur de l’Église catholique :
- les services catholiques sont seuls autorisés dans la plupart des villes ;
- tous les bâtiments ayant servi aux catholiques leur sont rendus ;
- la messe doit être rétablie partout, y compris en Béarn ;
- les curés des paroisses perçoivent la dîme de la part des protestants selon la coutume.
L’édit comporte aussi des dispositions générales :
- amnistie générale sauf cas « exécrables » ;
- interdiction des troubles, provocations, excitations du peuple ;
- égalité devant la loi et la justice ;
- liberté d’abjuration, c’est-à-dire possibilité de changer de religion ;
- garantie juridique, grâce à des chambres mixtes ;
- droit de retour des émigrés et de leurs enfants.
L'enregistrement de l'édit
L’édit devait être enregistré par les parlements. Certains parlements y sont franchement hostiles. Henri IV doit l’imposer au parlement de Paris et celui de Rouen attend onze ans avant de le ratifier.
Au siècle suivant, de la signature de l'édit à sa révocation
Pendant son règne, Henri IV veille à l’application de l’édit de Nantes. Il permet même aux protestants de Paris de se réunir à Charenton, soit à moins de cinq lieues de la capitale.
Sous Louis XIII, les protestants perdent leurs places fortes et ne dépendent plus que du bon plaisir du roi.
Le début du règne de Louis XIV (de 1643 à 1660) est une période de paix religieuse, mais à partir de 1660, lorsque Louis XIV exerce personnellement le pouvoir, l’édit de Nantes est appliqué de façon restrictive. En 1680, les persécutions commencent. Les dragons répandent la terreur pour obtenir des conversions forcées, c’est le temps des dragonnades. En 1685, le roi signe à Fontainebleau l’édit de révocation de l’édit de Nantes. Il considère que la plupart des protestants sont devenus catholiques.
Voir aussi : L’édit de Nantes et ses antécédents (1562-1598)