L'origine des luthériens en France
Les idées de Luther (1483-1546), répandues à partir de 1516-17, étaient connues dans le royaume de France dès 1521 (Cercle de Meaux). Les premiers protestants furent appelés luthériens. A partir de cercles humanistes, les idées nouvelles se diffusèrent rapidement grâce à des réformateurs tels que Guillaume Farel. Ce fut autour de Jean Calvin, passé par Strasbourg avant de s’installer Genève, que se fondèrent les Églises réformées en France.
Cependant, les Églises luthériennes s’implantaient durablement, dès le début de la Réforme, dans deux régions de l’empire germanique qui font maintenant partie du territoire français : l’Alsace et le comté de Montbéliard, alors possession du duc de Wurtemberg où l’on parlait français. L’exercice du culte n’y a pas été interrompu lors de la révocation de l’Édit de Nantes en 1685.
A Paris, le seul culte protestant autorisé fut, durant deux siècles, luthérien parce que destiné aux étrangers de passage et aux immigrés. Une communauté luthérienne se forma en deux vagues : la première à partir du XVIIe et surtout au XVIIIe siècle, avec des artisans venus de pays germaniques (dont des ébénistes de renom) ; la seconde au XIXe siècle avec des ouvriers attirés par l’essor de la capitale puis avec des alsaciens ayant quitté leur province annexée par l’Allemagne, suite à la guerre franco-allemande de 1870-1871.
L’Église de la Confession d'Augsbourg
En 1802, par les Articles organiques, Napoléon Bonaparte, Premier Consul, avait autorisé les cultes protestants réformé et luthérien. L’Alsace et le Pays de Montbéliard purent conserver le statut propre à leur Église : consistoires locaux groupés en inspections, dirigées par des pasteurs inspecteurs ecclésiastiques, assistés par des laïcs, et supervisées par un consistoire supérieur créé à Strasbourg, dont le président était nommé par l’État. Ainsi, contrairement aux réformés, les luthériens bénéficiaient d’une Église de la Confession d’Augsbourg unifiée.
A Paris, il n’y avait plus de culte luthérien depuis que Napoléon avait fermé en 1806 la chapelle de l’ambassade de Suède, dans laquelle on célébrait le culte depuis 1626. En arguant qu’il y avait quelques 10 000 luthériens à Paris, et avec l’insistance du général Rapp, une demande fut adressée à l’empereur qui, par un décret de 1808, établit l’Église consistoriale de Paris, dépendant du Temple-Neuf de Strasbourg, et lui attribua l’église des Billettes. C’est en 1853 que l’Église de Paris devint une Inspection.
La guerre de 1870
En 1871, l’Alsace et la Moselle deviennent territoires allemands, les Inspections de Paris et de Montbéliard sont coupées de Strasbourg, leur tête et leur faculté de théologie. Un synode, réuni à Paris en juillet 1872, crée l’Église évangélique luthérienne de France (EELF) qui regroupe deux inspections ecclésiastiques :
- celle de Montbéliard qui commence à perdre sa situation d’Église majoritaire,
- et celle de Paris, comprenant des luthériens d’origine germanique, des Alsaciens voulant rester français, et aussi des Montbéliardais.
Le synode vote une Constitution selon le régime synodal avec maintien des conseils presbytéraux, créés en 1852. La Constitution sera reconnue par la loi du 1er août 1879.
La première demande de l’EELF est la création à Paris d’une faculté de théologie, qui sera mixte : luthérienne et réformée. Un décret de mars 1877 crée cette faculté libre, dont les bâtiments sont construits boulevard Arago sur un terrain appartenant à la Ville de Paris. L’inauguration a lieu en 1879.
La théologie luthérienne
Les piliers de la foi luthérienne sont :
- Solus Christus, Christ est seul Sauveur ;
- Sola gratia, Il nous sauve par pure grâce ;
- Sola fide, la foi suffit pour recevoir cette grâce ;
- Sola scriptura, la Bible seule guide notre foi.
Le Symbole des apôtres reste la référence de la Confession de foi. Les écrits symboliques luthériens sont la Confession d’Augsbourg de 1530 et Le Petit Catéchisme de Luther.
Comme les autres Églises protestantes, les Églises luthériennes ont deux sacrements :
- le baptême, geste de foi et signe de l’amour du Christ, marque l’entrée dans l’Église. Les petits enfants, les adolescents et les adultes y sont accueillis ;
- la sainte Cène est célébrée au cours du culte présidé par un pasteur ordonné. Le pain et le vin consacrés permettent d’approcher le corps et le sang du Christ, parole vivante pour tout notre être. Tous les baptisés qui reconnaissent Jésus-Christ comme leur sauveur sont invités à y participer. C’est un acte de foi qui met en relation intime avec le Christ et aussi un signe de partage avec ceux qui y participent.
Les Églises luthériennes sont très attachées à la recherche de l’unité des chrétiens dans le monde. Elles ont conservé une liturgie venant en partie du rituel de l’Église catholique et y ont ajouté des répons et une gestuelle qui la soutiennent. Le Christ est présent sur la croix au-dessus de l’autel, certains pasteurs font le signe de croix vers l’assemblée.
L'EELF en 2012
En 1906, suite à la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État, l’EELF prend sa forme actuelle avec des associations cultuelles déclarées, tandis que les œuvres diaconales se constituent en associations loi de 1901.
Comme à sa création, l’EELF comporte deux régions ou inspections ecclésiastiques :
- l’Inspection de Montbéliard couvre trois départements : le nord du Doubs, le territoire de Belfort et le nord de la Haute-Saône. Ses 31 paroisses comptent 35 000 personnes ;
- l’Inspection de Paris couvre le reste de la France, excepté l’Alsace et la Moselle, restées sous régime concordataire. Ses paroisses sont à Paris (une dizaine), autour de Paris (une dizaine), à Lyon et à Nice. Elles comptent environ 6 000 personnes.
L’EELF est, par tradition et par sensibilité, très ouverte sur le monde ; les paroisses de Paris comptent beaucoup d’étrangers de passage ou résidents. Elle est fortement engagée dans l’action missionnaire et dans l’œcuménisme. Le pastorat féminin est admis et pratiqué depuis 1974.
L’EELF a constitué en 1972, avec l’Église réformée de France et les Églises luthérienne et réformée d’Alsace et de Moselle, un Conseil protestant luthéro–réformé (CPLR), aujourd’hui Communion, dans laquelle se vivent à l’échelle française des accords européens concernant principalement la reconnaissance des ministères pastoraux et la formation des pasteurs.
L’EELF est membre de la Fédération protestante de France – elle a participé à sa fondation en 1905 –, de la Fédération luthérienne mondiale, de la Conférence des Églises européennes et du Conseil œcuménique des Églises.
L’Église protestante unie de France
Au terme d’un processus de rapprochement avec l’Église réformée de France (ERF), commencé au synode général de Sochaux en 1997, l’EELF s’est unie avec l’ERF pour former une seule Église : « L’Église protestante unie de France, communion luthérienne et réformée. » Cette union est officielle depuis le 1er janvier 2013. Le premier synode national de l’Église unie s’est tenu du 8 au 12 mai 2013 à Lyon. Les instances nationales sont uniques et les pasteurs forment un seul corps mais les paroisses (Églises locales) restent soit luthériennes, soit réformées.
La rose de Luther
Le réformateur avait composé un sceau pour marquer ses propres livres en y ajoutant ses initiales. Cette rose est devenue le symbole des Églises luthériennes au 19e siècle, parfois presque à l’identique, souvent stylisée. Image de la théologie de Luther, la croix devait être noire pour indiquer la douleur par laquelle le chrétien doit passer ; le cœur était placé au milieu d’une rose blanche, de la joie des esprits ; le champ d’azur montre que cette joie est un commencement de la joie céleste. Le cercle d’or indique que la félicité dans le ciel durera éternellement.