Le mot « camisard »
Le mot « camisard », donné aux insurgés des Cévennes par leurs ennemis, peut avoir plusieurs origines :
- camisa, mot occitan qui signifie chemise, car les combattants se battaient en chemise et non en uniforme ;
- camisade, mot occitan, qui signifie attaque de nuit
- camins, mot occitan, évoqué par quelques historiens, qui signifie chemins.
Grâce à une bonne connaissance du terrain…
Mais les insurgés eux-mêmes se désignaient par le nom : « Enfants de Dieu ».
Les catholiques et les protestants opposés à la révolte armée les appelaient aussi : « fanatiques ».
Les Cévennes à cette époque s’étendent à la plaine du Bas-Languedoc, et au XVIIIe siècle l’on parle de guerre des Cévennes et non de guerre des camisards.
Qui sont les camisards ?
Les camisards sont pour 42 % des paysans cévenols et pour 58 % des artisans ruraux dont les trois-quart travaillent la laine comme cardeurs, peigneurs, tisserands.
Aucun gentilhomme ne figure parmi les camisards, c’est-à-dire aucun homme formé au métier des armes. Cette absence de nobles à la tête de la rébellion a tellement étonné les contemporains qu’ils ont supposé, à tort, que des gentilshommes protestants du Refuge étaient revenus en Cévennes prendre la tête des opérations. Jean Cavalier, l’un des chefs les plus prestigieux, était apprenti-boulanger.
Il n’y a pas d’armée unique ni de chef unique, mais de petites troupes par région avec des cadres permanents et des soldats occasionnels.
Les chefs camisards
La plupart des chefs sont très jeunes. Cavalier a 21 ans lorsqu’il prend le commandement d’une troupe et Rolland 22 ans.
Les chefs pratiquent la dispersion de leur troupe en petites unités et se répartissent à l’intérieur des Cévennes par région.
Le Bougès et le Mont Lozère, points de départ de l’insurrection étaient tenus par Gédéon Laporte puis Salomon Couderc avec Abraham Mazel (1677-1710).
Le Mont Aigoual avait pour chef Henri Castanet (1674-1705), ancien garde forestier de l’Aigoual.
Pierre Laporte, dit Rolland , (1680-1704) menait les opérations dans les Basses-Cévennes, la région de Mialet et Lassalle.
Jean Cavalier (1681-1740) livrait bataille dans la plaine du Bas-Languedoc entre Uzès et Sauve.
Les troupes étaient indépendantes, mais pouvaient se réunir pour une action, pour se séparer ensuite. Les camisards passaient facilement d’une troupe à l’autre. La souplesse de l’organisation et la décentralisation des révoltés étaient leur force, ainsi que leur parfaite connaissance du terrain. Dès la bataille ou l’embuscade terminée, ils disparaissaient se fondant dans la population. Les camisards pratiquaient une forme de guérilla. Mais ils se battaient non pour une idéologie politique mais pour leurs convictions religieuses.
Le rôle des prophètes
C’est la prophétie d’Abraham Mazel qui a déclenché l’insurrection. C’est encore la prophétie qui assure la conduite de la guerre et le développement des opérations. Les attaques sont conduites par l’inspiration et les exhortations d’un prophète. Le rôle du prophète est essentiel dans cette guerre. Les principaux prophètes sont :
- Esprit Séguier,
- Abraham Mazel,
- Elie Marion,
- Jean Cavalier, à la fois prophète et chef de troupe, ce qui lui assure un grand prestige.
Se sentant conduits par l’Esprit de Dieu, des paysans sans formation militaire se croient invincibles. Ils oublient leur sentiment d’infériorité face aux troupes royales. Ils se précipitent sur leurs adversaires au lieu de fuir comme cela se produit dans la plupart des révoltes populaires. Ils foncent sur eux en entonnant à tue-tête un psaume, en particulier le psaume 68, dit aussi le « psaume des batailles » : « Que Dieu se montre seulement … ».
Devant cette détermination, ce sont les troupes royales qui se débandent.
Montée de la violence
Les camisards n’hésitent pas à brûler des églises (catholiques) et à tuer les curés. Ils sèment l’épouvante au point que les curés quittent leur paroisse et se réfugient dans les villes.
Pourquoi cette violence ? Parce que les curés obligeaient les nouveaux convertis à aller à la messe dans les églises romaines et dénonçaient les récalcitrants auprès de l’intendant Basville. Les camisards répondaient donc à la violence faite aux protestants.
Mais Basville répond par le supplice des chefs camisards et une pression accrue sur la population. C’est l’escalade de la violence, aux atrocités des uns succèdent celles des autres : massacre de villages catholiques (Fraissinet-de-Fourques, Valsauve et Potelières) par les camisards, déportation par Basville des habitants de Mialet et Saumane, soupçonnés d’aider la troupe de Roland. Puis, avec l’accord du roi, le « Brûlement des Cévennes » (destruction de 466 hameaux et déplacement de la population en automne 1703).
De plus des catholiques lassés par l’inefficacité des troupes royales forment des bandes de partisans appelés « camisards blancs » ou « cadets de la croix ». Ces bandes se livrent rapidement au brigandage, ce qui ajoute à la confusion.
Le pays est à feu et à sang.
Le soutien de la population
La complicité de la population est déterminante. Elle fournit les hommes pour les opérations militaires. Les troupes peuvent ainsi passer de quelques dizaines de permanents à quelques centaines et même quelques milliers pour la troupe de Cavalier. Puis les hommes regagnent leurs champs.
La population fournit aussi les vivres, entreposés dans des caches avec les munitions. Aussi le maréchal de Montrevel est-il autorisé à déclencher l’opération « Brûlement des Cévennes » en 1703, pour priver les insurgés de leurs ressources et épouvanter les populations. La découverte de la cachette des magasins de Cavalier est une catastrophe pour lui et l’incite à se rendre.
Une guerre sainte
L’insurrection n’avait aucune origine économique, à la différence de la plupart des révoltes populaires. Les Camisards prennent les armes dans un premier temps pour punir les persécuteurs les plus acharnés comme l’abbé du Chayla, puis pour obtenir le rétablissement du culte réformé.
Mais en attendant, ils organisent des assemblées clandestines animées par des prophètes prédicateurs. Jean Cavalier était le prédicateur prophète le plus renommé, d’après les mémoires du camisard Jacques Bonbonnoux. Celui-ci cite aussi les noms de huit autres prédicateurs qui entraient tour à tour en fonction dans la troupe de Cavalier. Il nous apprend aussi qu’il y avait des lecteurs et des chantres, car le chant des psaumes joue un grand rôle dans cette guerre. Ces cultes étaient ouverts à la population locale qui venait de toutes parts y assister. Ce rôle spirituel des camisards maintenait un lien très fort avec la population protestante cévenole.