L’Édit de Saint-Germain (1570) invente les places de sûreté
C’est en 1570 que, pour la première fois, les huguenots obtiennent des « places de sûreté ». L’Édit de Saint-Germain, qui clôt la 3e guerre de religion (1568-1570), leur accorde, pour une durée de deux ans, quatre villes fortes : La Charité-sur-Loire, La Rochelle, Cognac et Montauban.
Cette invention juridique, au statut reconnu par la loi, est une concession faite par le roi pour assurer la coexistence confessionnelle : les protestants sont autorisés à conserver, en temps de paix, quelques places fortes militaires pouvant servir de lieux de refuge.
Les Édits de Beaulieu (1576) et de Poitiers (1577)
En 1576, à la fin de la 5e guerre de religion, l’Édit de Beaulieu reprend l’idée des places de sûreté ; il octroie aux protestants huit villes fortes, sans précision de durée : Issoire, Périgueux, Serres, Nyons, Seyne, Beaucaire, Mas-Grenier (autrefois appelé Mas-de-Verdun) et Aigues-Mortes.
A l’issue de la 6e guerre, l’Édit de Poitiers (1577) accorde de même sept places de sûreté, pour une durée de six ans : La Réole, Serres, Nyons, Seyne, Mas-Grenier, Montpellier et Aigues-Mortes.
Le Traité de Nérac (1579)
Le traité de Nérac, signé en février 1579 en temps de paix, après la 6e guerre, confirme l’Édit de Poitiers en donnant aux protestants au total quatorze places de sûreté, pour une durée de six ou sept mois selon les cas. Mais une fois l’échéance terminée, la communauté huguenote refuse de rendre les places : elle considère désormais les places non plus seulement comme des refuges, mais comme une force armée d’opposition aux forces catholiques.
Le traité de Fleix, qui met fin à la 7e guerre en novembre 1580, confirme celui de Nérac.
L’Édit de Nantes (1598)
En 1598, dans le deuxième brevet secret annexé à l’Édit de Nantes qui marque la fin de la 8e et dernière guerre, le roi autorise les protestants à conserver, pendant une durée de huit ans, toutes les places, villes et châteaux qu’ils tenaient à l’été 1597. Les protestants disposent alors de 150 lieux de refuge. C’est l’apogée du système des places de sûreté : l’octroi des places apparaît comme la condition de l’acceptation de l’Édit de Nantes et de la coexistence pacifique.
Plusieurs catégories de places peuvent être distinguées, en fonction du mode de nomination du gouverneur, du recrutement des hommes, des moyens de financement :
- les « places de sûreté » proprement dites, sont de villes où la garnison est prise en charge financièrement par le roi, qui a également le pouvoir de nommer le gouverneur ;
- les places dites « de mariage », généralement plus petites, sont des annexes des places de sûreté ;
- les places dites « particulières », sont soit des villes sans garnison royale, administrées par une municipalité ou par des grands seigneurs huguenots, soit des places et châteaux tenus par des seigneurs réformés.
Si les places de sûreté sont, pour la plupart, des villes fortifiées ou équipées de châteaux, comme Montauban, Nîmes, La Rochelle ou Saumur, elles peuvent aussi prendre la forme de simples maisons-fortes servant de refuge aux populations des alentours.
Le devenir des places de sûreté
Prévue en 1598 pour huit ans, la concession des places est régulièrement renouvelée par Henri IV et par Louis XIII jusqu’en 1620, à la demande du parti huguenot qui estime que la situation n’est pas encore assez pacifiée pour qu’il abandonne sa puissance militaire propre.
Mais avec l’éloignement du spectre des guerres de religion, la justification des places de sûreté se fait moins évidente, et elles sont désormais considérées par le pouvoir royal comme un « État dans l’État » ; le renforcement du pouvoir du souverain et de sa justice permet le désarmement de ses sujets.
En deux temps, par les campagnes militaires de 1620-1622 puis de 1627-1629, Louis XIII abat l’ensemble des positions militaires protestantes : l’Édit de grâce d’Alès de 1629 ordonne la démolition des murailles des dernières places fortes et châteaux encore tenus par des garnisons protestantes.