Y a-t-il un engagement politique propre au protestantisme ?
C’est une idée assez généralement répandue que de penser que la minorité protestante aurait été majoritairement « républicaine » du fait de sa théologie et de son organisation ecclésiastique : le libre examen de la Bible, le sacerdoce universel, le système présbytéro-synodal orienteraient tout naturellement les protestants vers les idées démocratiques, et la République. Michelet écrira : « Que vois-je au XVIe siècle ? Que le protestantisme seul nous donne la République (…), l’idée et la chose et le mot ».
Une autre idée admise est de dire que la minorité protestante est « à gauche ». Il est vrai qu’un des grands problèmes politiques du XIXe siècle tient à la forme du régime et à ce qu’on appelle la « question religieuse ». La gauche fait le choix de la laïcité, confondue avec la République à partir de 1879, alors que la droite campe sur un double refus. Or l’attitude des protestants est dominée par la crainte de toute confusion entre l’État et la religion catholique, de cette « alliance du trône et de l’autel » dont les protestants avaient tant souffert. Leur choix ardent sera donc celui de l’anticléricalisme et de la laïcité, qu’ils ne confondent du reste pas avec l’anti-religion, à l’encontre de la position de nombreux anticléricaux d’origine catholique.
Ces deux facteurs expliquent, très schématiquement, les attitudes variables des protestants vis-à-vis du pouvoir politique : indifférence, hostilité, réserve, vont alterner, avec une participation active des protestants aux débuts de la IIIe République, période au cours de laquelle les protestants ont joué un rôle national disproportionné à leur poids numérique. Lorsque la séparation des Églises et de l’État est proclamée, leur réintégration peut être considérée comme achevée.
Mais le dénominateur commun à toutes ces périodes est une attitude réformiste : si beaucoup de protestants se sont engagés dans les différents épisodes révolutionnaires qui ont marqué le siècle, la grande majorité ne participe pas à leurs excès : ni à la Terreur de 1793, ni aux épisodes de la Commune ou de sa répression en 1871, ni plus tard au communisme ou à l’extrême droite.