Des Maîtres de forge au XVIIe siècle...
« Nous suivîmes alors par la vallée de Barenthal les ruisseaux au cours impétueux. Les forêts touffues des deux éminences ne sont pas défrichées. Là, les troncs pourrissent par milliers les uns sur les autres, et de jeunes rejetons poussent en nombre infini sur leurs ancêtres à demi décomposés. En causant avec quelques promeneurs, nous entendîmes de nouveau le nom de Dietrich qui avait déjà été souvent prononcé dans de simples districts avec vénération et amour. En questionnant, j’appris que Dietrich avait le premier, avec succès, exploité les trésors des montagnes, le fer, la houille, le bois, et augmenté ainsi considérablement sa fortune. » Gœthe, Poésie et Vérité, Livre X. (trad. fr. H Richelot, 1863).
Ce nom de Dietrich, qui frappe Gœthe, lors d’un voyage de jeunesse en Alsace, est celui d’une famille de Maîtres de forge dont les premières activités en ce domaine remontent à 1625, date à laquelle le premier haut fourneau fut allumé. Cela se passait à Niederbronn les Bains, petit village des Vosges où les Romains avaient, en des temps plus anciens, installé des thermes. Les Dietrich étaient protestants. Ils avaient pris pour devise fondatrice de leur activité une expression nourrie d’éthique protestante : « Non sibi, sed aliis » (non pour soi, mais pour les autres). L’activité s’est rapidement développée. Si des éléments naturels favorables y ont contribué, dont les moindres n’ont pas été que les matières premières affleuraient le sol, la réflexion, les actions raisonnées, un appétit de connaissances manifeste (il y eut dans la famille nombre de chimistes) ont été déterminants. Il faut remarquer que, en 1785 par exemple, les Dietrich se préoccupent des conditions d’extraction du minerai de fer, avec un souci que l’on qualifierait maintenant d’écologique.
...aux industriels des XVIIIe et XIXe siècles
Au XVIIIe siècle, les Dietrich étaient devenus à la fois des industriels (ils emploient plus d’une centaine d’ouvriers) et des notables. Au moment de la Révolution, Jean de Dietrich, lequel était spécialisé dans la minéralogie, était le maire de Strasbourg. (Malgré ses opinions très ouvertes, il a été hélas guillotiné au moment le plus tendu de la Terreur).
La Révolution et ses guerres mettent à mal l’équilibre de l’entreprise qui emploie alors 500 salariés répartis dans différentes usines. Mais cet équilibre sera rétabli sous l’Empire du fait d’une judicieuse alliance avec la famille Berkheim et grâce à l’intervention de banquiers protestants (les Turkheim notamment).
Le développement des usines sera alors brillant et innovateur pendant tout le XIXe siècle (et après), qu’il s’agisse de l’équipement ménager (des fers à repasser célèbres, des cuisinières non moins célèbres, des casseroles, etc.), ou qu’il s’agisse de la construction de wagons ou de voies de chemin de fer (une activité aussi prise en charge par les Kœchlin qui ont été responsables de la construction de la ligne Mulhouse, Thann, Strasbourg, achevée en 1839). L’apogée fut peut-être la mise en œuvre de l’automobile connue sous le nom de Lorraine-Dietrich. Cette dernière activité sera cependant abandonnée en 1904.
Favorables au progrès social
En 1867, le jury de l’Exposition universelle de Paris avait décerné aux Dietrich l’un de ses grands prix en raison de leurs efforts en faveur de l’harmonie sociale et du bien être des populations. Parmi beaucoup d’activités, celle de la formation des employés était remarquable : une véritable école professionnelle avait été organisée, sous le Second Empire, qui est d’ailleurs à l’origine de l’actuel Lycée de Dietrich (un lycée professionnel privé spécialisé dans la chaudronnerie et la bureautique).