Les premiers travaux : vers une théologie dialectique
L’œuvre écrite de Barth s’ouvre en 1919 sur le Commentaire de l’Épître aux Romains, plusieurs fois réédité, premier engagement dans un renouveau de la réflexion théologique. Puis viennent ses travaux d’histoire de la théologie au XVIIIe et au XIXe siècles. Il y met en évidence ce fait que, renonçant à l’affirmation de la Révélation comme sa source unique, la théologie à cette époque a renoncé à ce qui fonde son autonomie, le cédant alors à une anthropologie du religieux et aux vertus de l’intériorité. Cette étape permet d’aborder alors (ses cours à Münster, 1928-1930) les raisons d’un nécessaire retour à une théologie qui garderait sa spécificité par rapport à la philosophie, à l’histoire et aux sciences sociales tout en reconnaissant les champs d’argumentation propres à ces disciplines et l’importance de leur domaine d’application. La théologie ne peut en rester à « l’échec éthique de la théologie moderne », tel que l’a mis en évidence la détresse du monde au moment de la guerre de 1914, tel que le montrent toutes les souffrances qui, dans le temps présent, risquent toujours d’échapper à son regard. Cette exigence brise les certitudes. La réflexion n’est plus en repos ; elle se place dans une tension dialectique qui peut être ce combat corps à corps de Jacob avec l’Ange. « Le contenu de la Bible ne consiste pas dans les justes conceptions que l’homme se fait de Dieu, mais dans les justes opinions que Dieu a de l’homme… C’est la Parole de Dieu qu’il y a dans la Bible » (in Karl Barth, Parole de Dieu, parole humaine, éd. fr. 1934).
La Dogmatique (ecclésiastique)
Le commentaire sur saint Anselme (1930), lequel est un exposé sur le Dieu tout autre, peut être considéré comme l’ouverture à son opus magnum – les 26 volumes de la célèbre Dogmatique ecclésiastique (1932-1967) dont la remarquable traduction (quasi simultanée, 1953-1980) en français est due à Fernand Ryser. La dogmatique est ecclésiastique parce qu’elle est une lecture critique de la prédication de l’Église, parce qu’elle est au service de la prédication toujours enracinée dans l’histoire contemporaine. Il s’agit de décrypter l’interpellation de la Bible sur l’actualité. Cette somme, restée inachevée au seuil de ce qui aurait dû traiter de la Rédemption, se rapporte à la relation de Dieu à l’homme, de Dieu aux hommes, et de tout ce que la médiation christologique en montre en pleine humanité. Elle le fait sur différents registres (les points forts liés au « sola fide » et au « sola scriptura », leurs inscriptions dans la vie de l’Église, etc.). Dans cette perspective, la théologie n’est pas l’alternative au progrès des sciences et des techniques, elle permet au contraire de mieux s’ouvrir aux richesses de la pluridisciplinarité. Elle vise ainsi à prendre au sérieux les richesses des ressources du monde séculier, sa dynamique, comme à en décrypter les chimères, y compris celles qui prendraient l’apparence d’une loi morale. Le contenu de la Dogmatique a été la matière de tous les cours de Barth à Bâle (1935-1962).
Conférences, articles, essais
À cette ligne de fond théologique monumentale, s’ajoutent de nombreux essais, recueils d’articles ou de conférences parmi lesquels il faut citer (dans leur traduction française) Parole de Dieu, Parole humaine (1933, édition allemande en 1924), Une voix suisse (1939-1944), ainsi que le Credo dédié à ses amis de l’Église confessante(1936), le Culte raisonnable (1934), Communauté chrétienne, communauté civile (1945). En 1957, paraît (dans la traduction française) l’Humanité de Dieu, un écrit plus concis dans lequel il souligne que la reconnaissance du Dieu tout autre implique tout autant le souci des hommes et de leurs souffrances. Cette reconnaissance n’est en effet possible que dans la médiation de Jésus Christ, pleinement Dieu, mais aussi pleinement homme. Enfin, l’introduction à la théologie évangélique est le dernier cours qu’il a professé à Bâle en 1962.
Barth a aussi écrit un hommage à Mozart (1956) à l’occasion du bicentenaire de la naissance du compositeur : « Je ne suis pas sûr que les anges, lorsqu’ils sont en train de glorifier Dieu, jouent de la musique de Bach, mais je suis certain, en revanche, que lorsqu’ils sont entre eux, ils jouent du Mozart, et que Dieu aime alors tout particulièrement les entendre ».
Beaucoup de livres et essais ont par ailleurs été écrits sur le théologien et sur son œuvre, y compris par le Père Urs von Balthazar (sj), lequel était l’un de ses auditeurs fervents à l’université de Bâle et par Hans Küng (La justification. La doctrine de Karl Barth et une réflexion catholique, Desclée de Brouwer, 1965).