Une famille de négociants
Originaire d’Aigues-Mortes, la famille Médard s’installe à Lunel à la fin du 17e siècle. Le grand-père de Louis Médard y achète le Mas du Pont-de-Lunel, relais de poste situé à 4 km de la ville, à l’endroit où la route de Nîmes franchit le Vidourle : Jean-Jacques Rousseau raconte y avoir fait étape en 1737.
Protestante, la famille Médard abjure sa foi en 1685 : ses membres se montrent des « nouveaux convertis » légalistes, faisant célébrer leurs baptêmes, mariages et sépultures par le curé de la paroisse catholique de Lunel. Mais les Médard demeurent clandestinement protestants, contractant des mariages uniquement avec des familles d’origine protestante. Ces alliances contribuent à préserver le protestantisme de la famille, consolident son assise financière et lui permettent une ascension sociale.
Louis Médard négociant
Le jeune Louis Médard reçoit une éducation classique, suivant les cours de religion du pasteur Rabaut Saint-Étienne à Nîmes en 1783. Élève doué au collège de Nîmes, il reçoit les œuvres de Virgile en cadeau de la part d’un ami de son père : c’est le premier livre de sa future collection.
Au décès de son père, il est placé comme apprenti-canut à Lyon, où il se perfectionne dans la fabrication des étoffes d’or, d’argent et de soie. Louis Médard conserve toute sa vie son contrat d’apprentissage, qu’il colle en introduction à une Bible de sa bibliothèque : le travail a une valeur de vocation, semble-t-il ainsi affirmer.
De retour à Lunel, il fonde sa propre société de commerce, la maison Médard-Parlier, spécialisée dans le commerce de la soie et surtout des indiennes, qui connaît le succès. Médard court les routes de France et d’Europe à la recherche des meilleurs producteurs de toiles peintes. En septembre 1807, à 39 ans, il épouse à Paris, sous les auspices du pasteur Rabaut-Pomier, Jeanne-Jacqueline-Sara Fillietaz, fille d’un négociant d’Anvers, d’origine suisse et protestante.
Installé définitivement à Montpellier en 1818, Médard soutient le développement des œuvres protestantes : il participe à l’organisation de la Société biblique protestante de la ville et encourage les écoles protestantes.
Le bibliophile généreux
N’ayant pas d’enfant, Louis Médard décide de léguer sa bibliothèque, considérée alors comme la plus riche de l’Hérault (5000 ouvrages) à la ville de Lunel : « Puisse-t-elle, à l’aide d’un nouveau collège, augmenter dans ma ville natale le nombre des bons citoyens utiles à leur patrie ».
Les livres religieux y tiennent une part non négligeable. Médard collectionne les livres pour leur rareté, mais aussi pour leur contenu : il aime les vertus prônées par le christianisme, mais rassemble aussi des livres spécifiquement protestants.
Médard s’arroge un droit moral de censure : il ne veut pas favoriser la divulgation de lectures qu’il juge « dangereuses ». Dans une armoire fermée à clef, appelée « l’enfer », il réunit les livres érotiques et sentimentaux, mais aussi des livres politiques et les livres de polémique contre le catholicisme. Fils du protestantisme et des Lumières, Médard prône en effet la tolérance religieuse et l’unité autour d’une morale commune : « Aimer les hommes comme nous-même, concourir au bien général et faire tout ce qu’on peut pour le bonheur de chacun en particulier, voilà la vertu suprême. »