Un adversaire devenu ami
Martin Bucer, le Réformateur strasbourgeois (1491-1551), avait été marqué par les écrits de Luther. A partir du milieu des années 1520, il prit le parti des théologiens suisses dans le débat relatif à la Cène : tandis que Luther défendait une présence réelle du Christ dans les éléments eucharistiques, Huldrych Zwingli (Zurich) et Jean Œcolampade (Bâle) interprétaient les paroles d’institution de la Cène de manière symbolique (« ceci est mon corps… » veut dire « ceci signifie mon corps… »).
Melanchthon prit ses distances avec les Strasbourgeois et avec les Suisses, condamnant même leurs positions. L’année 1530 vit les deux hommes se rapprocher : dans son Apologie de la Confession d’Augsbourg, Melanchthon avait modifié sa conception de la Cène : le Christ est présent avec les éléments du pain et du vin, et non pas dans ces éléments ; Bucer mit ce changement à profit pour inciter les villes d’Allemagne du Sud à se rallier à la Confession d’Augsbourg.
En 1535, Bucer et Melanchthon furent conviés à Paris, pour y exposer les conceptions protestantes. Devenus amis, les deux hommes s’entendaient sur le fait que, dans les territoires restés fidèles à la foi traditionnelle, tels que la France, il ne fallait pas brusquer les choses : la vérité triompherait petit à petit si l’on ouvrait, avec prudence, la porte à la prédication réformatrice.
Au début des années 1540, Bucer et Melanchthon furent les principaux représentants du protestantisme dans les dialogues politico-religieux avec les catholiques : tous deux étaient connus pour être les partisans d’un règlement pacifique de la division religieuse.
Après la victoire de Charles Quint sur les protestants allemands, en 1547, les voies des deux Réformateurs se séparèrent : refusant que Strasbourg se soumette à l’Empereur, Bucer fut contraint d’émigrer en Angleterre ; de son côté, Melanchthon tenta seulement d’atténuer les dispositions religieuses que Charles Quint voulait imposer à la Saxe, et il resta professeur à l’Université de Wittenberg.