Une œuvre considérable
Luther laisse une importante œuvre écrite. Si l’on considère les transcriptions, plus ou moins exactes, de certains de ses discours, on compte plus de 600 titres. Théologien d’abord, mais aussi prédicateur et écrivain, il sait s’exprimer sur des sujets difficiles dans une langue simple, qu’il s’agisse du latin ou de l’allemand.
Selon le dominicain Yves Congar « Luther est un des plus grands génies religieux de toute l’histoire… Il a repensé tout le christianisme. »
Les principaux écrits de Luther sont présentés ci-dessous selon leur genre.
Les écrits théologiques
La traduction de la Bible en allemand
C’est au château de la Wartburg, où il est retenu par le prince électeur de Saxe, Frédéric le Sage, que Luther traduit le Nouveau Testament en allemand. C’est sa première grande œuvre. L’édition paraît en septembre 1522 avec une préface de Luther et des illustrations de Lucas Cranach. Luther achève la traduction complète de la Bible seulement en 1534.
La large diffusion de la traduction de Luther, grâce à l’imprimerie, a rendu la Bible accessible aux Allemands et a contribué à fixer la langue allemande.
Les sermons
Luther a laissé de nombreux sermons, pour la plupart en allemand, sur différents sujets :
- Sept sermons prononcés à Wittenberg en 1522 sur la relation entre foi et amour du prochain. ;
- Sur la double justice, Luther y oppose celle du Christ et la nôtre ;
- Sur la contemplation de la sainte passion du Christ ;
- Sur l’état conjugal ;
- Sur la prière et les processions pendant la semaine des rogations (avant l’Ascension, pour les récoltes) ;
- Sur la préparation à la mort ;
- Sur le sacrement de pénitence ;
- Sur le saint et vénérable sacrement du baptême ;
- Sur le très vénérable sacrement du corps du Christ et sur les confréries ;
- Sur l’usure (trois sermons) ;
- Sur le Nouveau Testament.
Les écrits doctrinaux
Parmi les écrits doctrinaux, on peut citer les nombreuses correspondances de Luther et ses écrits de controverses.
Dans le Cours sur l’épître aux Romains, professé par Luther de 1513 à 1515, Luther se dégage de la tradition médiévale pour mieux expliquer le message de saint Paul : Dieu ne confère pas à l’homme une qualité de justice mais lui pardonne inconditionnellement et le fait avancer sur le chemin de la sanctification.
Le traité Des bonnes œuvres, paru en 1520, expose le salut par la grâce et considère que la foi est la seule œuvre bonne. C’est la foi qui incite le croyant à l’action dans l’Église et dans la société et il est déchargé de la recherche de son salut par les œuvres.
Dans Le prélude sur la captivité babylonienne de l’Église, paru en 1520, Luther traite des sacrements : il retient le baptême et la Sainte-Cène et il se demande s’il y a lieu de retenir le sacrement de pénitence. Il rejette clairement les quatre autres « sacrements » institués par l’Église (confirmation, extrême-onction, ordination, mariage). Il considère que la cène est « captive » si le vin est réservé aux prêtres.
En 1522, Luther publie en allemand le traité De la vie conjugale pour fixer des règles sur l’état conjugal, jugé bien supérieur à la vie monastique, et les expliquer. Il fait l’éloge du mariage et se prononce sur les cas possibles de divorce.
En 1523, Luther rappelle dans un petit traité que Jésus-Christ est né juif.
Le Catéchisme allemand ou Grand Catéchisme (1529) explique les dix commandements, la confession de foi, le Notre Père, puis les deux sacrements : le baptême et la Sainte cène. Sur le baptême, Luther s’oppose aux anabaptistes lesquels refusent de baptiser les petits enfants. Dans la Sainte cène, le pain et le vin avec les paroles de promesse du salut sont en même temps, pour ceux qui les prennent, le corps et le sang du Christ. Concernant la « pénitence », la confession des péchés à un frère est bienfaisante, mais ne doit pas être une obligation ni un catalogue détaillé des péchés.
Le Petit Catéchisme, écrit la même année dans un langage plus simple, s’adresse aux pasteurs et prédicateurs « peu instruits ».
La Confession d’Augsbourg, présentée par Melanchton à la diète d’Augsbourg en 1530, est inspirée de plusieurs textes de Luther, notamment d’une confession de foi rédigée par Luther à la suite du Traité sur la Cène du Christ de 1528. Elle fait partie des « livres symboliques » des Églises luthériennes.
Dans les Articles de Smalkalde, rédigés en 1537, Luther réaffirme ses positions sur la justification par la foi, sur la place subordonnée des œuvres, sur la condamnation de la messe en tant que rite sacrificiel et sur le caractère nuisible de la vie monastique.
Les écrits polémiques
Les écrits contre le pape
Les 95 thèses affichées à Wittenberg en 1517, qui comportent chacune quelques lignes d’indignation contre la vente des indulgences, constituent l’écrit le plus célèbre de Luther. Citons en trois :
- Ils seront éternellement damnés avec ceux qui les enseignent, ceux qui pensent que des lettres d’indulgence leur assurent le salut.
- Il faut enseigner aux chrétiens que celui qui voyant son prochain dans l’indigence, le délaisse pour acheter des indulgences, ne s’achète pas l’indulgence du pape mais l’indignation de Dieu.
- Pourquoi le pape n’édifie-t-il pas la basilique de Saint-Pierre de ses propres deniers plutôt qu’avec l’argent de ses pauvres fidèles, puisque ses richesses sont aujourd’hui plus grandes que celles de l’homme le plus opulent ?
Le discours contre la papauté qui est à Rome et L’image de la papauté, parus en 1545, sont les derniers écrits de Luther. Ils sont extrêmement critiques. Le second est illustré de scènes grivoises par le peintre Lucas Cranach, ami de Luther.
Le jugement sur les vœux monastiques, paru en 1522, trois ans avant que Luther quitte ouvertement l’ordre des Augustins, est un écrit volumineux contre le monachisme, dédié à son père qui avait désapprouvé son entrée au couvent en 1505. Luther considère que les vœux sont contraires à la foi, à la liberté évangélique, aux commandements et à la raison. Il critique particulièrement le vœu de chasteté.
Les écrits politiques
Dans l’appel A la noblesse chrétienne de la nation allemande sur l’amendement de l’état chrétien, adressé en 1520 à l’empereur et à la noblesse allemande, Luther traite du sacerdoce universel des chrétiens et de la responsabilité ecclésiale du pouvoir temporel ; il propose la suppression du célibat des prêtres et des messes pour les morts, la réforme de l’enseignement,
En 1523 paraît De l’autorité temporelle et des limites de l’obéissance qu’on lui doit . Luther exalte l’autorité temporelle, dont le fondement est divin, tout en récusant la contrainte en matière de foi,. C’est la doctrine des « deux règnes » auxquels le chrétien est soumis, l’un temporel, l’autre spirituel.
Luther s’exprime sur la guerre des paysans dans le libelle Contre les hordes criminelles et pillardes de paysans.
Luther s’interroge aussi sur l’usage des armes. Il y répond dans plusieurs traités : De l’autorité temporelle (1523), Les soldats peuvent-ils être en état de grâce ? (1526)
Dans La Prédication aux armées Luther présente les Turcs comme l’ennemi de Dieu. Dans La Guerre contre les Turcs Luther reconnaît le rôle de l’empereur mais conteste sa domination universelle : l’empereur n’est pas la tête de la chrétienté ni le protecteur de l’Évangile et de la foi.
En 1536, Luther publie Le devoir des autorités civiles de s’opposer aux anabaptistes par des châtiments corporels : il approuve la répression suite à la prise de la ville de Münster en 1525 où Jean de Leyde avait instauré un régime de théocratie et de p olygamie.
Au cours des dernières années de sa vie, Luther fait un amalgame entre juifs, Turcs, papistes et sectaires, tous accusés de servir l’Antéchrist. Dans certains écrits sur les juifs : Commentaire sur la Genèse (1535), Contre les observateurs du sabbat (1538), Dernières paroles de David (1543), Luther considère qu’en ne reconnaissant pas Jésus comme le Messie, les juifs suscitent la colère de Dieu contre eux. Les pamphlets, Des juifs et de leurs mensonges, Du nom Hamphoras et de la lignée de David (1543), écrits au moment où l’Électeur de Saxe expulse les communautés juives de sa juridiction, sont caricaturaux, voire incitent à la violence : il s’agit par exemple de chasser les juifs de leurs maisons.
Dans son Exhortation à la prière contre le Turc, parue en 1541 lors de l’invasion de la Hongrie par Soliman le Magnifique, Luther présente le péril turc comme un châtiment divin et exhorte ses compatriotes à la repentance.
Autres textes
A ces œuvres s’ajoutent des textes qui n’ont pas été écrits par Luther : souvent des cours transcrits par ses étudiants et aussi des Propos de table qui n’auraient pas nécessairement reçu son accord en vue d’une publication. Certains de ces écrits apocryphes ont été utilisés par ses détracteurs catholiques.