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Œuvres de charité

Beaucoup d’œuvres de bienfaisance protestante ont été créées au XIXe siècle. Il y avait à cela plusieurs raisons.

La première, qui est essentielle, se dit dans une compassion très active vis-à-vis des laissés pour compte d’une société qui se développe très vite, et qui marginalise non sans violence ceux qui ne peuvent s’y adapter, ou qui sont soudain mis « hors circuit » parce qu’ils sont trop âgés, trop faibles, trop malades. Par ailleurs, les protestants tenaient aussi à rendre visible leur spécificité dans des domaines où l’Église catholique occupait traditionnellement une place prépondérante.

Asiles John Bost

John Bost (1817-1881)
John Bost (1817-1881) © S.H.P.F.

« Ceux que tous repoussent, je les accueillerai au nom de mon maître » (John Bost).

La fondation des Asiles John Bost est un événement très émouvant et impressionnant, un événement qui s’est inscrit dans la longue durée, puisque l’œuvre est encore à présent très active.

John Bost (1817-1881) était l’un des dix fils du pasteur Ami Bost. Après des études de piano, engagées à la suite d’une rencontre avec Liszt, il décida de devenir, lui aussi et comme six de ses frères, pasteur. Après des études à Montauban, il fut affecté à la paroisse du village de La Force en Dordogne. Ce qui n’aurait pu être qu’un premier poste, fut son seul poste, mais avec quels développements !

Confronté immédiatement à des difficultés insolubles dans le cadre des institutions de charité existantes, en l’occurrence le placement de deux orphelines trop jeunes pour être acceptées à l’orphelinat du département, John Bost décida de les accueillir dans son presbytère et de prendre en charge lui-même leur éducation. Ce sera le premier asile, fondé en 1848, dans lequel seront vite admises d’autres petites filles orphelines. L’œuvre, sous le nom de « la famille évangélique » se consolide rapidement grâce à des aides sollicitées, entre autres auprès des Églises d’Angleterre et d’Écosse. Elle se dote d’un conseil d’administration.

La réputation d’accueil de John Bost fait que, peu de temps après cette première initiative, on lui demande d’accueillir une orpheline qui est aussi une handicapée mentale. Sa première réaction est de refuser parce qu’il n’a pas les moyens de s’en occuper, parce que cette présence risque de troubler l’équilibre acquis. Contraint pourtant d’accepter, il mobilise ses forces et parvient à établir une communication active avec l’enfant. Cette réussite fait que d’autres « idiotes », selon son expression lui sont amenées. Il crée alors, dans le voisinage du presbytère, l’asile de Béthesda (1854) dont la vocation est de prendre en charge ce type de handicap. En 1858, il peut étendre son œuvre aux jeunes garçons orphelins et crée l’asile de Siloé. Il créera en tout 9 asiles, ne négligeant jamais sa peine à rechercher des fonds pour soulager des souffrances dont il ne cesse de mesurer la diversité et la profondeur. Ainsi prendra-t-il en charge les plus déshérités et rejetés de la société, ceux qui étaient frappés d’épilepsie, à l’époque considérée comme le mal le plus redoutable et le plus déroutant pour l’entourage, le « haut mal ». Ce sera l’asile Eben Ezer (« jusqu’ici l’Éternel m’a secouru »).

Le dernier asile que John Bost ait conçu, peu de temps avant sa mort, fut celui de La Compassion. Il était destiné à mieux accompagner ceux de ses pensionnaires handicapés qui avaient vieilli, ceux dont le handicap était devenu plus difficile à supporter pour soi-même et pour les autres. Pour ceux-là, il fallait inventer une autre qualité de patience et d’attention.

Il faut souligner que chaque nouvel asile était construit dans un environnement plaisant – à proximité raisonnable les uns des autres – et que tous comprenaient un confort minimal relativement exigeant pour l’époque, notamment des chambres individuelles pour les pensionnaires les plus atteints. De plus, les activités éducatives y étaient nombreuses et plus ou moins adaptées à chaque cas individuel, certains pensionnaires apprenant à jardiner, d’autres étant formés à tel ou tel métier artisanal. Enfin (mais cela est une évidence), la lecture de la Bible et aussi le chant de cantiques était au fondement de la vie de cette communauté impressionnante.

Les asiles John Bost ont été assez vite, et grâce aux efforts de leur fondateur, reconnus d’utilité publique (1877).

La Fondation John Bost au XXIe siècle

Attentive depuis l’origine à l’accueil des plus handicapés, elle est en priorité, mais non exclusivement, au service du protestantisme et garde donc une ouverture nationale. Elle se situe dans le cadre des hospitalisations de moyens et de longs séjours (loi hospitalière de 1870) et participe à l’exécution du service hospitalier.
Actuellement la Fondation accueille pour des séjours de moyenne et de longue durée toutes les catégories de déficiences intellectuelles et psychiques, enfants (de plus de six ans), adultes, personnes âgées, à l’exclusion :

  • des malades porteurs d’une affection contagieuse ;
  • des malades présentant des troubles psychiatriques aigus et dont le comportement serait dangereux pour eux-mêmes et pour autrui ;
  • des malades présentant des conduites toxicomaniaques, éthyliques, ou des troubles de type psychopathique.

La Fondation publie une revue trimestrielle, Notre prochain.

Institution de Saint-Hippolyte-du-Fort pour les sourds-muets protestants de France

Institution pour les sourds-muets protestants à Saint-Hippolyte-du-Fort (Gard)
Institution pour les sourds-muets protestants à Saint-Hippolyte-du-Fort (Gard)
Institution des Sourds-Muets et Aveugles de Saint-Hippolyte-du-Fort (Gard)
Institution des Sourds-Muets et Aveugles de Saint-Hippolyte-du-Fort (Gard)

C’est en 1856 qu’a été fondée l’École de Saint-Hippolyte-du-Fort (Gard). Le choix d’implanter cette œuvre en faveur des sourds-muets dans un petit village des Cévennes protestantes est particulièrement significatif, car les motivations en ont été d’emblée et très délibérément anti-catholiques. En effet, avec l’Abbé de l’Épée (celui qui apprivoisa l’enfant-loup) et surtout avec l’Abbé Sicard, l’Église catholique avait fait preuve d’une grande attention aux problèmes de communication que rencontrent les sourds profonds. Elle avait notamment reconnu la langue des signes comme une langue à part entière, et dès lors comme vecteur majeur de communication pour ceux qui étaient touchés par ce handicap, y compris comme moyen d’accès à la langue écrite. Le problème pour les protestants était que, profitant de leur avantage, les catholiques n’hésitaient pas à convertir ceux des sourds qui n’appartenaient pas à l’Église romaine. Les responsables de l’école de Saint-Hippolyte-du-Fort ont donc choisi de marquer fortement leur différence, prônant en l’occurrence l’oralisation des sourds, y compris les sourds profonds.

La polémique pouvait-elle pleinement servir la cause visée ? Certes la volonté d’oralisation reposait sur l’espoir d’arracher les sourds à leur différence. De plus, quelques expériences paraissaient encourageantes, dont l’une était menée, en français, à Lausanne. Un certain nombre de fonds ayant été rassemblés, l’un des professeurs de l’école suisse fut donc invité à Saint-Hippolyte-du-Fort. Quelle fut alors la pédagogie retenue ? L’oralisation passait -elle par un usage préalable des signes ? L’information n’est pas claire à cet égard. Ce que l’on peut supposer est que l’oralisation restait précaire. En tout cas, les formations professionnelles (apprenti jardinier ou boulanger) proposées par l’établissement en complément de l’éducation initiale réclamaient plus de capacités d’observation que de talent oratoire. Malgré l’incertitude quant à son efficacité, l’école a été rapidement reconnue d’utilité publique (1865), tandis que la pratique de l’oralisation s’est assez vite répandue.

C’est cette pratique qui a d’ailleurs été retenue pour l’enseignement public obligatoire, gratuit et laïc. On ne s’en étonnera pas vraiment : beaucoup des hommes politiques qui avaient travaillé aux réformes de la IIIe République étaient protestants ou d’origine protestante. Mais là n’a pas été le meilleur aspect de leurs interventions dans ces réformes puisque l’exigence d’oralisation plaça bien des enfants sourds en situation d’échec scolaire. On sait ce qu’il advint : les sourds profonds furent pris en charge dans des écoles qui dépendaient du Ministère de la Santé publique, lesquelles, au lieu de favoriser leur intégration, ont renforcé le poids handicapant de leur différence.

Après les réformes de la IIIe République qui la déchargeaient du problème pour lequel elle avait été créée, l’école de Saint-Hippolyte-du-Fort a réajusté ses compétences, accueillant notamment des enfants en grande difficulté psychologique ainsi que des autistes.

Œuvres de charité diverses

Asile de la Muette, 43 rue du Sergent Beauchat à Paris
Asile de la Muette, 43 rue du Sergent Beauchat à Paris

Une forme de mission intérieure consiste à assurer une présence protestante visible dans des domaines où l’Église catholique est très active et n’hésite pas à convertir ceux qui ont recours à son assistance. De nombreux asiles, maisons de retraites, maisons de santé, ont été créés en terrain catholique, y compris dans les stations balnéaires, hivernales et thermales, lesquelles se développent particulièrement dans la seconde moitié du XIXe siècle.

C’est ainsi que l’Asile de la Muette, grâce aux legs de Madame Thuret et de Monsieur Jameson, s’est ouvert en 1854 pour accueillir des personnes âgées pauvres, tandis que la Cité des Fleurs, à Neuilly, s’ouvrait en 1866 à la suite d’une épidémie de choléra. L’Asile de Nanterre qui s’est ouvert en 1862 pour les vieillards, puis, après la guerre de 1870 pour les orphelins, a été reconnu d’utilité publique en 1880 et continue d’être actif (maintenant selon les critères de la DASS).

Récemment reconstruit, l’asile de la Muette, devenu Maison de retraite protestante (43 rue du Sergent Bauchat, 75012 Paris), continue d’accueillir des personnes âgées valides ou plus dépendantes , grâce à sa « section Cure ». Un aumônier protestant lui est attaché.

En 1876, le pasteur Fournier a fondé à Aix-les-Bains une Maison de Cure, afin « d’assurer à ses coreligionnaires pauvres les bienfaits des eaux thermales dont la valeur curative parait parfois tenir du miracle ». La maison pouvait accueillir 200 personnes par saison, à raison de 35 à la fois.

En 1881, une Maison protestante est fondée à Vichy afin d’assurer un service religieux aux curistes.

Fondation Lambrechts

La Fondation Lambrechts, qui est aujourd’hui une maison de retraite protestante recherchée, a été fondée en 1843 grâce à un legs important du Comte Charles Joseph Matthieu Lambrechts. Ce juriste à l’université de Louvain – l’un des rédacteurs de l’acte de déchéance de Napoléon en 1814, devenu français sous la Restauration – s’était lié d’amitié avec un pasteur luthérien de Paris. Celui-ci lui avait décrit les difficultés rencontrées par les protestants dès lors qu’ils souhaitaient rester fidèles à leur religion. Malgré le Concordat, beaucoup de ceux-ci semblaient être traités « en étrangers ». Ils étaient notamment assez mal accueillis dans les hôpitaux, voire laissés pour compte, s’ils ne se convertissaient pas. Lambrechts rédigea alors un testament en faveur de ceux qui, infirmes, aveugles, pauvres et malades « souffraient dans leur foi ». Il demandait que l’argent servît entre autres à la formation intellectuelle et professionnelle des enfants pauvres.

Asile évangélique de Nice ; infirmerie protestante de Marseille

L’accueil des malades de confession protestante déclarée a longtemps été désastreux dans les hôpitaux et asiles. L’alternative semblait être, soit l’accès aux soins, mais avec la conversion au catholicisme, soit l’abandon : « Le régime des hôpitaux particulièrement défectueux en lui-même, était particulièrement mauvais pour les malades protestants que la pauvreté forçait d’y recourir : défaut de soins, obsessions constantes d’un personnel clérical, fort de son irresponsabilité et du mauvais vouloir de l’autorité à l’égard des hérétiques, encore en fort petit nombre dans la région » (Dictionnaire des œuvres protestantes). C’est pourquoi un certain nombre d’associations se sont constituées dans le but d’entourer les malades trop visiblement abandonnés : l’asile évangélique de Nice, l’infirmerie protestante de Marseille, etc.

Société des Fourmis de France

Cette modeste association, créée en 1889 à l’initiative de jeunes filles de bonne famille, s’est proposée de distribuer aux pauvres, des habits, confectionnés ou tricotés par elles.

Œuvres militantes

On remarquera au début de la IIIe République la création de quelques œuvres militantes qui affirment la réalité protestante contre les tentatives de conversion que le catholicisme multiplie. C’est entre autres, en 1880, l’œuvre des prêtres qui veulent se convertir au protestantisme, laquelle assurait le suivi des conversions, y compris la formation au pastorat de leurs protégés. Elle fut créée à l’initiative d’un catholique converti au protestantisme, Eugène Réveillaud. Dans un autre domaine, il faut mentionner l’Œuvre des affligés (1881) et les Œuvres affectueuses (1882), l’une et l’autre visaient à apporter un réconfort aux familles dans le deuil, repérées soit parce qu’elles se rendent régulièrement dans les cimetières, soit parce qu’elles signalent la mort d’un proche dans les journaux locaux et nationaux.

Mention doit être faite aussi de la Société Coligny (1890), laquelle se portait « au chevet » des protestants de la Vallée de Freissinière (Hautes-Alpes). Dans ce recoin éloigné des grands changements que connaissait la société française, vivaient beaucoup de protestants dans des conditions plus que précaires. L’idée était de permettre à certains d’entre eux de s’établir en Algérie.

Bibliographie

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