De la tolérance à la reconnaissance
Durant plus d’un siècle, de 1685 à 1787, la communauté protestante persécutée, survit clandestinement. Malgré la reconstitution secrète des cadres ecclésiastiques, et même des synodes, une exécution de pasteur a encore lieu en 1762, et il faut attendre 1787 qu’un édit de Louis XVI, l’édit de tolérance, accorde aux huguenots un état civil, sans cependant leur reconnaître ni la liberté de culte ni l’égalité devant les charges et offices publics.
Les protestants accueillent la Révolution de 1789 comme une libération, l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme accordant la liberté de conscience et la liberté de culte « pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ». La situation se modifie avec la Terreur, prêtres, rabbins et pasteurs devant abdiquer et renoncer à leur ministère. Après le 9 Thermidor 1794, la situation se normalise progressivement.
Au début du XIXe siècle, la communauté protestante comportait environ 500 000 réformés dispersés dans tout le pays, et environ 220 000 luthériens en Alsace et dans le pays de Montbéliard. À l’exception de la noblesse de cour et de la haute magistrature, et en soulignant le fait qu’au début du XIXe siècle le protestantisme français est massivement rural, toutes les catégories socio-professionnelles sont représentées, sa répartition variant beaucoup d’une région à l’autre : paysans dans le Poitou, petits propriétaires dans le Sud-Est, commerçants et industriels dans l’Est, grands domaines de la noblesse huguenote dans le Sud-ouest, enfin banquiers et financiers dans les grandes villes.
La croissance démographique de l’ensemble de la population française au cours du XIXe siècle fait passer le protestantisme français à près de 850 000 personnes au milieu du siècle, soit 2,35% de la population, la perte de l’Alsace-Lorraine réduisant ce chiffre à environ 600 000, soit 1,6%. Les protestants ne représentent donc qu’un très petite minorité de la population, répartis irrégulièrement entre les « forteresses » de l’Alsace ou du Midi cévenol et la dissémination dans le reste du territoire.
Refondation
La première partie du XIXe siècle est celle où les protestants reconstituent leurs forces. Il leur faut rebâtir leurs cadres matériels (reconstruire les temples), intellectuels (installer des facultés de théologie pour former les nouveaux pasteurs). Mais avant tout il leur faut recréer leurs cadres institutionnels : c’est la période que certains historiens dénomment la « refondation ».
Le Concordat (1801), complété par les lois organiques de 1802, établit la nouvelle organisation des Églises réformées de France, ainsi que celle de l’Église luthérienne : le protestantisme français accepte favorablement la protection de l’État apportée par le Concordat. Cette nouvelle organisation de la communauté protestante sera pourtant à l’origine de nombreuses difficultés, qui émailleront tout le XIXe siècle : elle impose une organisation contraire à la tradition d’égalité entre toutes les Églises locales et surtout elle reste muette quant à l’existence d’un synode national, seule autorité compétente en matière doctrinale chez les réformés. Les Églises réformées demeurent un corps sans tête.
Le temps des divisions : à partir des années 1850, l’organisation de la communauté protestante réformée va se trouver compliquée par les débats souvent très vifs qui opposent libéraux et évangéliques (cf. les différents courants doctrinaux) et qui, venant se surajouter à ces difficultés institutionnelles, aboutissent à ce que certains ont appelé un « schisme », consommé en 1872 lors du premier synode national organisé depuis la révocation.
La séparation des Églises et de l’État (9 décembre 1905) est acceptée assez facilement par les protestants : certains d’entre eux la réclamaient depuis longtemps, et la loi, qui autorise les unions d’associations cultuelles au niveau national, met ainsi un terme aux difficultés nées du Concordat.
La marche vers l'unité
La marche vers l’unité résulte de la nécessité d’être unis vis-à-vis des pouvoirs publics, et elle est facilitée par l’évolution doctrinale. Elle aboutit à la création en octobre 1905 de la Fédération protestante de France qui regroupe les réformés (évangéliques, libéraux, libristes), les luthériens, les méthodistes, rejointe plus tard par les baptistes, clôturant de manière heureuse ce siècle de refondation.
Le protestantisme en Alsace va suivre une évolution comparable, le Concordat modifiant l’organisation de l’Église luthérienne en ne reconnaissant que l’Église consistoriale de six mille âmes, mais il maintient une structure centrale, le consistoire de Strasbourg. Par ailleurs, le débat entre libéraux et évangéliques ne prendra jamais l’intensité de celui qui marque l’Église réformée. Après la perte de l’Alsace, de nombreux protestants rejoignent l’« intérieur » où la communauté luthérienne, réduite à 80 000 membres restera unie dans l’Alliance nationale des Églises luthériennes.