L'affaire de la rue du Faubourg Saint-Jacques
Le 4 septembre 1557, une réunion a été surprise dans une maison particulière de la rue Saint-Jacques, devant le collège de Plessis, où 400 fidèles ont été appréhendés. Certains parviennent à s’échapper. Mais une centaine de participants sont arrêtés dont de nombreuses dames de la noblesse qui sont incarcérées à la prison du Châtelet.
Un chroniqueur nous dit que les femmes ne furent pas épargnées, « outragées de coups… leurs cheveux arrachés… conduites à la prison du Châtelet ». On les accuse notamment d’avoir « banqueté ».
Le procureur du roi arrivé au Châtelet entend s’informer de ce qui s’est passé : « on avait longtemps lu l’Écriture sainte en langue vulgaire… le ministre avait prié Dieu, exposé l’institution de la Sainte Cène… ils avaient reçu le pain et le vin de la main du ministre… des prières sont faites pour le roi et la prospérité de son royaume… Aussitôt qu’ils ouirent nommer la Cène, comme si c’eust esté quelque fait exécrable, ne voulurent plus entendre à remonstrance…les condamnans déjà à mort. Ils sont menés en prison ». (Histoire des persécutions et martyrs de l’Église de Paris, Lyon, 1563)
Calvin s’adresse à l’Église de Paris à la suite de ces arrestations : « Très chers seigneurs et frères, il n’est ja besiong de vous déclarer plus au long combien les nouvelles de vostre affliction nous ont esté tristes et dures… quoy qu’il en soit, ne doutez pas que notre Dieu ne vous regarde… C’est chose certaine qu’il n’a point permis ce qui est advenu, sinon pour faire un préparatif à quelque grande chose… » (II, p. 141) « vous avez la promesse que ce bon pasteur et fidèle qui nous a prins à sa charge, ne nous défaudra point quelque furie et énormité qu’il y ait en la cruauté des ennemys. » (II, p. 142)
Lettre aux prisonnières de Paris
Calvin s’adresse aux prisonnières incarcérées à la prison du Châtelet, maltraitées, « outragées de coups » comme le rapporte Théodore de Bèze, et pour certaines, conduites au supplice.
Il dit sa compassion à ces « très chères sœurs » et les encourager à supporter leur sort : « Si les hommes sont fragiles et aisément troubléz, la fragilité de vostre sexe est encore plus grande, voire selon le cours de nature. Mais Dieu qui besongne és vaisseaux fragiles, sçait bien montrer sa vertu en l’infirmité des siens. Parquoy c’est à luy qu’il vous fault avoir vostre recours, l’invoquant continuellement et le priant que la semence incorruptible qu’il a mise en vous, et par laquelle il vous a adoptéz pour estre au nombre de ses enfans, produise ses fruicts au besoing, et que par icelle vous soiez fortifiés pour résister à toute angoisse et affliction. » (II, p. 146)
Modernité de la pensée de Calvin
Les paroles de Calvin aux prisonnières mettent en valeur le fait que la Réforme introduit une éthique nouvelle en supprimant les distinctions nettes entre les laïcs et les religieux, entre l’homme et la femme.
Est-il utile de rappeler la révolution apportée par la notion de sacerdoce universel ?
Le calvinisme offrait aux femmes de nouvelles options d’autonomie et de développement personnel. Ce n’est sans doute pas un hasard si les femmes de la noblesse en particulier ont adhéré nombreuses à la Réforme.
Le thème développé ici est celui de l’égalité homme-femme, tous deux créatures de Dieu : « puisqu’il a pleu à Dieu de vous appeler à soy aussi bien que les hommes car il n’a esgard ne à masles ne à femelles. Il a espandu de son Esprit sur toute chair, et faict prophétiser fils et filles. »
Il affirme avec force l’égalité de tous devant le salut : les grands et les petits, les hommes et les femmes, les riches et les pauvres…
Ses paroles font écho à celles de l’apôtre Paul dans son Épitre aux Galates (3, 28) : « Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme ; car tous vous êtes un en Jésus-Christ ».
Puis, il cite le cas de femmes particulièrement courageuses et incarnant « vertu et constance » : Il donne en exemple la fidélité des femmes au pied de la croix du Christ… « lorsque les apostres l’avoient délaissé, elles ont persisté avec luy en merveilleuse constance… » (p. 148)