Le capitaine, l'homme politique et le conseiller du roi de Navarre
Philippe de Mornay, seigneur du Plessis-Marly, dit Duplessis-Mornay, consacre toute sa vie à la cause protestante.
Il participe auprès du roi de Navarre, futur Henri IV, au combat politique et militaire. Sa valeur de combattant se manifeste dans les batailles décisives qui opposent les huguenots aux armées de la Ligue. Il s’illustre notamment à la bataille de Coutras, le 20 octobre 1587.
Son activité militaire se double d’une activité politique majeure auprès du roi de Navarre. Dès 1576 il est son conseiller et son ambassadeur.
Lors de sa mission auprès du prince d’Orange (1578-1582) il prend la mesure de la dimension européenne du combat huguenot. Aux Pays-Bas comme dans le royaume de France, il se fait le défenseur de la coexistence confessionnelle contre l’hégémonie espagnole et pour le respect de la liberté de pensée. En 1582, il laisse les Pays-Bas aux mains de Monsieur, le frère du Roi (François d’Anjou) et rejoint le roi de Navarre.
Il intervient plus directement dans le débat politique national, lorsque Henri de Navarre devient l’héritier présomptif du royaume à la suite de la mort de François d’Anjou (1584). Il tente alors de mener une action en vue d’une légitime accession du roi de Navarre au trône de France.
L’assassinat des Guise sur ordre du roi Henri III ouvre une nouvelle époque. Il est urgent aux yeux de Mornay de réconcilier Henri III avec son héritier légitime. Mais l’assassinat d’Henri III par Jacques Clément en 1589 vient interrompre cette œuvre de réconciliation entre les deux camps.
Duplessis-Mornay et Henri IV
Dès l’accession au trône d’Henri IV (1589) la tâche de conseiller de Mornay va se révéler très difficile. Il est progressivement écarté des initiatives royales qui vont à l’encontre de ses conseils. Le roi rallie les principaux seigneurs catholiques et s’engage à protéger leur religion. La pression de la Ligue et de l’Espagne est telle, que le roi annonce sa conversion. Mornay la condamne tout en conservant au roi sa fidélité.
Il prend une part active aux négociations de l’Édit de Nantes. Sans participer à sa rédaction, il y contribue par ses remontrances au roi en faveur des protestants et ses conseils de modération. Il cherche à aplanir les difficultés.
Il est considéré par les protestants comme leur défenseur naturel dans les conseils du roi, jusqu’à ce qu’il quitte la cour en 1598 où son influence s’affaiblit. En 1600, il est définitivement écarté du pouvoir à la suite de ce que Hugues Daussy appelle le « sacrifice de Fontainebleau » : sa confrontation désastreuse et humiliante sur le thème de l’Eucharistie avec l’évêque d’Évreux, Jacques Du Perron pour qui le Roi prend parti ouvertement.
Son activité se concentre dorénavant sur Saumur dont il a été nommé gouverneur en 1588 et où il fonde l’Académie de théologie protestante en 1604.
Le penseur politique et l'écrivain
Duplessis-Mornay est non seulement un acteur mais un penseur politique, témoin de son temps.
Il inspire les écrits de propagande diffusés dans l’entourage d’Henri de Navarre au cours de la période 1585-1589. Il entend démontrer que les Guise pactisent avec l’ennemi, notamment lorsqu’ils ont, avec les représentants du roi d’Espagne, signé le traité de Joinville le 31 décembre 1584.
Duplessis-Mornay insiste sur le principe de distinction du politique et du religieux contre la Ligue qui défend l’idée selon laquelle la religion conditionne la fidélité au prince. Il défend la loi salique contre la loi de catholicité défendue par les Guise. Mornay en ce sens se situe dans la ligne du loyalisme calviniste à l’égard de la royauté.
Acteur et penseur politique, Duplessis-Mornay se montre également, dans ses ouvrages, théologien et exégète.
L’appel à l’unité est une constante de son action et de sa pensée. Il a tenté de rechercher sur le plan politique un consensus minimal, et sur le plan religieux il s’efforce de répertorier les principes communs.
Ses attaques contre la « toute-puissance » du pape dans le Traité de l’Eglise (1578) et dans De l’Institution, usage et Doctrine du Saint sacrement de l’Eucharistie en l’Eglise ancienne (1598) ne l’empêchent pas de prôner la conciliation entre catholiques et protestants, de défendre l’idée d’une concorde religieuse et de souhaiter la convocation d’un concile entre protestants et catholiques, thèse défendue dans Pour le Concile (1600). Il considère qu’il n’y a pas entre calvinistes et catholiques de divergence fondamentale. Rien donc ne devrait s’opposer à la coexistence des deux confessions.