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Quatrième guerre de Religion et la Saint-Barthélemy (1572-1573)

8 août 1570 : Édit de Saint-Germain

Printemps 1572 : Aggravation de la répression aux Pays-Bas. Gaspard de Coligny est de retour à la Cour

18 août 1572 : Mariage d’Henri de Navarre avec Marguerite de Valois

22 août 1572 : Attentat contre Gaspard de Coligny

24-28 août 1572 : Massacre de la Saint-Barthélemy. Mort de Gaspard de Coligny. « Saison de la Saint-Barthélemy » qui diffuse en province pendant plusieurs mois (10 000 à 20 000 morts)
Reprise des combats dans le Midi. Siège de Sommières

Mars 1573 : Siège de Sancerre

10 mai 1573 : Élection du duc Henri d’Anjou au trône de Pologne

Mars-août 1573 : Siège de La Rochelle par le duc d’Anjou

11 juillet 1573 : Édit de Boulogne

Temps de paix

Henri de Navarre et Marguerite de Valois
Henri de Navarre et Marguerite de Valois © Collection privée

Après la paix de Saint-Germain, et bien que la cohabitation entre protestants et catholiques reste difficile, avec des troubles sporadiques dès novembre 1570 à Amiens, Rouen et Orange, la paix semble possible.

Catherine de Médicis s’emploie à consolider les alliances extérieures. Depuis l’entrevue de Bayonne, les relations avec l’Espagne sont détériorées. Gaspard de Coligny, qui est rentré en grâce à la Cour, qui a récupéré sa dignité d’amiral et participe au conseil privé, plaide pour une intervention française. La lutte contre un ennemi commun, l’espagnol, est pour lui le meilleur moyen de réunir catholiques et protestants. Mais ce projet est abandonné, le prestige de la puissante armée espagnole étant rehaussé par sa victoire contre les Turcs à la bataille de Lépante (7 octobre 1571).

Pour consolider la situation intérieure, Catherine de Médicis, qui dans sa politique donne une grande importance aux unions entre familles royales, décide celle de sa plus jeune fille, Marguerite, avec le protestant Henri de Navarre (futur Henri IV). Sa mère, la reine Jeanne d’Albret, d’abord refuse, puis est convaincue. Le contrat de mariage est signé le 11 avril 1572 par le cardinal de Bourbon, oncle du roi et futur ligueur.

Henri de Navarre entre à Paris le 8 juillet 1572, entouré de 900 gentilshommes huguenots vêtus de noir, le roi portant le deuil de sa mère morte un mois avant. Le mariage est célébré le 18 août à Notre-Dame : une grande estrade est dressée au dehors, Henri conduit son épouse jusqu’au chœur de la cathédrale pour qu’elle entende la messe nuptiale célébrée à l’intérieur, mais il en ressort sans assister à cette messe, la bénédiction nuptiale étant donnée sur l’estrade. Des fêtes somptueuses se déroulent pendant trois jours, qui doivent consacrer la réconciliation entre les deux partis.

Temps de guerre

Assassinat de Coligny (1572)
Assassinat de Coligny (1572)
La Saint Barthélemy : 24 août 1572 à Paris
La Saint Barthélemy : 24 août 1572 à Paris © S.H.P.F.
Saint Barthélemy
Saint Barthélemy © S.H.P.F.
Massacre de la Saint-Barthélemy
Massacre de la Saint-Barthélemy © S.H.P.F.
Saint-Barthélemy-24 août 1572
Saint-Barthélemy-24 août 1572 © S.H.P.F.

La nouvelle du mariage de la sœur du roi avec un huguenot stupéfie les Parisiens, très attachés à un catholicisme traditionnel. Pour eux, le huguenot est un étranger responsable des malheurs qui accablent le pays depuis dix ans. Henri de Guise est leur idole, et ils s’indignent de la protection que cette Cour semble donner à ces hérétiques vaincus. Á Paris, les calvinistes sont très minoritaires, leur culte est interdit même en période de paix. La majorité d’entre eux habitent la rive gauche, le faubourg Saint-Germain étant appelé « la petite Genève ».

L’amiral Gaspard de Coligny s’est installé près du Louvre, rue de Béthisy, gardé nuit et jour par des Suisses. Se sachant menacé, il ne se déplace qu’entouré de fidèles. Le vendredi 22 août il se rend au Conseil du roi, lisant une lettre en marchant. Un coup de feu éclate, le blessant à la main droite et au bras gauche. La nouvelle se répand dans toute la ville, on s’attend au pire.

Les protestants entourent la maison de l’amiral, ils exigent qu’une enquête soit faite, suspectant les Guise, voire la reine mère et le duc d’Anjou. Le roi décide cette enquête. Comme elle risque de mettre à jour les responsables de l’attentat, le Conseil du Roi réussit à convaincre le roi que les chefs huguenots doivent périr, car ils veulent prendre le pouvoir. Charles IX cède, la liste des victimes est établie.

L’ordre est donné de fermer les portes de la ville, d’enchaîner les barques sur la Seine pour éviter toute fuite. Au son du tocsin, l’exécution commence à l’aube du 24 août, sous la surveillance du duc d’Anjou. Gaspard de Coligny est assassiné dans sa maison. Jeté par la fenêtre sur le pavé, émasculé, décapité, le corps est traîné dans la rue par des enfants, puis pendu au gibet de Montfaucon, lieu des exécutions ordinaires. Les tueurs se répandent dans la cour du Louvre, dans les chambres et galeries.

Tous les nobles huguenots présents sont tués, sauf les princes du sang Henri de Navarre et Henri de Condé, à condition qu’ils abjurent. Les troupes de Guise se répandent dans le quartier de Saint-Germain l’Auxerrois où tous les protestants sont tués. Seuls ceux habitant Saint-Germain-des-Prés arrivent à s’échapper. Deux cents nobles sont tués, les corps accumulés dans la cour du Louvre.

Dès le lendemain, les miliciens prennent les armes et la tuerie se répand dans la ville. Elle va durer trois jours, les portes de la capitale restant fermées. Afin de se reconnaître, les massacreurs accrochent des croix blanches sur leurs vêtements et chapeaux. Les égorgeurs tuent au hasard des dénonciations, n’épargnant ni les femmes, ni les enfants, et même certains bourgeois catholiques. Les moines excitent les tueurs, pour débarrasser Paris de cette « race maudite ». Le sang ruisselle dans les rues. On retire de la Seine plus de 1 800 cadavres.

Le 25 août 1572, Charles IX commande au prévôt des marchands de faire cesser les assassinats et de protéger les survivants. Le lendemain, le roi se rend au Parlement pour endosser la responsabilité de l’exécution des chefs huguenots, invoquant un complot mené contre lui et sa famille par Gaspard de Coligny. Les coupables châtiés, le roi affirme ne pas vouloir s’en prendre aux autres protestants qui restent sous sa protection.

Le chiffre de 4 000 morts est en général retenu. Dès le 24 août, la nouvelle des massacres parisiens atteint la province. Toutes les villes vont être touchées : 1 200 victimes à Orléans, 600 à Meaux, 300 à Roanne, entre 500 et 3 000 à Lyon, etc. Les messages des extrémistes parisiens – et non du roi – entraînent ces massacres, sans consignes précises. L’attitude des responsables locaux est variable. Certains poussent au meurtre, comme Louis de Bourbon, duc de Montpensier, gouverneur de Bretagne, d’autres laissent faire comme le maire de Bordeaux où près de 300 personnes sont tuées.

Mais l’horreur de cette violence, accompagnée de pillages, pousse parfois des magistrats et des membres du clergé, à essayer de protéger les huguenots, souvent en les enfermant en prison. Cependant, à Lyon, le 31 août, la populace fait ouvrir les portes de la prison des Cordeliers, tuant tous les détenus. De nombreux gouverneurs essayent de limiter l’hécatombe : « j’ai toujours servi le roi en soldat, je serai fâché de faire en cette occasion l’office de bourreau » dit l’un d’eux. Les massacres durent plusieurs mois : « la Saint-Barthélemy n’est pas une journée, c’est une saison » écrit Michelet. L’évaluation du nombre des victimes est difficile : entre 7 000 et 21 000.

Pour justifier l’événement, des ambassadeurs sont envoyés dans les cours européennes. Le pape Grégoire XIII célèbre l’événement par une messe d’action de grâce et la frappe d’une médaille. Philippe II fait chanter un Te Deum. Par contre, l’empereur Maximilien II, beau-père de Charles IX, dénonce le meurtre de Gaspard de Coligny comme un acte de tyrannie. En Angleterre, en Suisse et aux Pays-Bas, l’indignation est générale. Terrorisés, de nombreux protestants abjurent. Beaucoup aussi prennent les routes de l’exil, vers les pays du « Refuge » : Suisse, Allemagne, Pays-Bas et Angleterre.

En réponse aux massacres, les régions du Midi, le Languedoc, le Vivarais, les Cévennes et Montauban prennent les armes, les villes se ferment aux troupes royales. Le siège de Sommières par le comte de Damville- Montmorency dure deux mois. La ville est défendue par des Cévenols qui portent à leur chapeau la cuiller d’étain des « gueux » de Zélande. Damville leur laisse la vie sauve. Le siège de Sancerre, de mars à août 1573 est terrible, la population affamée. Les défenseurs ont la vie sauve.

Mais c’est La Rochelle qui donne l’exemple de la résistance à outrance. Des réfugiés de tout le royaume s’y retrouvent. Les pasteurs prêchent le combat, invoquant la Bible, plusieurs d’entre eux siègent au conseil de la ville. Le siège dirigé par le duc Henri d’Anjou dure de mars à août 1573. Plusieurs assauts échouent. L’échec de l’expédition de secours venant d’Angleterre ne décourage pas la population, soutenue par les prêches enflammés des pasteurs. Mais progressivement, les vivres manquent, la population est épuisée. Le 11 mai, La Rochelle est sauvée par l’annonce de l’élection du duc Henri d’Anjou au trône de Pologne. Celui-ci abandonne le siège et signe le 21 juin 1573 un armistice.

L’édit de Boulogne, enregistré au parlement de Paris le 11 août, énonce la paix et l’oubli des horreurs de la Saint- Barthélemy. Il accorde la liberté de conscience, mais la liberté du culte est limitée à 3 villes : La Rochelle, Nîmes et Montauban, ultérieurement Sancerre. C’est l’édit le plus restrictif : la Cène est interdite même chez les seigneurs hauts-justiciers.

Par son côté exceptionnellement violent, la Saint-Barthélemy suscite de nombreuses interrogations pour les historiens. Défense de la royauté vis-à-vis d’une conspiration, complot universel contre les protestants de la part des monarchies catholiques, vendetta des Guise, monnaie d’échange pour une paix avec l’Espagne qui exigeait la destruction de l’hérésie, « crime de classe » des pauvres contre les riches huguenots, la Saint-Barthélemy apparaît toujours comme un des grands mystères des guerres de religion (Le Roux).

Frise 4ème guerre de religion
Quatrième guerre de Religion (1567-1568)

Bibliographie

  • Livres
    • COTTRET Bernard, 1598, L’édit de Nantes, Perrin, Paris, 1997
    • GARRISSON Janine, Henri IV, Le Seuil, rééd. 2008, Paris, 1984
    • GARRISSON Janine, Les protestants au XVIe siècle, Fayard, 1997
    • LE ROUX Nicolas, Les Guerres de religion 1559/1629, Belin, 2009
    • MIQUEL Pierre, Les Guerres de religion, Fayard, Paris, 1980

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