La vie de Théodore de Bèze
Il naît à Vézelay en 1519. Élevé dès l’âge de huit ans par un tuteur, Melchior Volmar, luthérien qui lui enseigne le grec, le latin et l’hébreu, il continue sa formation à Bourges où il apprend le droit. Avec Volmar, il devient un lecteur assidu de la Bible, il est très marqué par un traité de Heinrich Bullinger (1504-1575), le successeur de Zwingli (1484-1531) à Zurich, qui lui fait « connaître la vraie piété » selon ses propres termes. Mais, en même temps, il mène une vie joyeuse d’étudiant, approfondit sa connaissance des langues, compose des poèmes.
En 1548, à la suite d’une maladie, il se convertit au protestantisme, se marie, et part à Genève où il conçoit une admiration sans borne pour Jean Calvin. Il est requis par Pierre Viret pour occuper une chaire de grec à l’Université de Lausanne. Il y fréquente des théologiens et devient un ardent défenseur de la Réforme.
Il devient rapidement une personnalité de premier plan dans le monde de la Réforme à côté de Calvin, Farel et Viret.
Il reste à Lausanne jusqu’en 1558, date à laquelle il s’installe à Genève où il va enseigner la théologie et le droit. Il devient l’homme de confiance de Calvin.
Au colloque de Poissy en 1562, Théodore de Bèze refuse de transiger sur le contenu de la communion et écarte définitivement toute possibilité de faire coexister les deux religions dans le royaume de France.
Pendant la première guerre de religion (1562-1563), il est à Orléans comme secrétaire du prince Louis de Condé.
De retour à Genève, il succède à Calvin à la tête de la Compagnie des pasteurs, à la mort de celui-ci en 1565. Malade, il renonce à son rôle au sein de la Compagnie des pasteurs en 1580. Il passe le reste de ses jours à Genève en se consacrant à la théologie, à la littérature, l’histoire et la poésie. Il défend la doctrine réformée et poursuit l’organisation des Églises protestantes en France. Il correspond avec les princes protestants pour obtenir le concours des États allemands dans la lutte contre la Ligue.
Il meurt en 1605.
L’œuvre littéraire de Théodore de Bèze
Bèze produit des œuvres qui sont restées dans l’histoire à différents titres : ses premiers poèmes composés pendant ses études, des œuvres de jeunesse poemata juvenilia en latin, incluant des pièces légères qui lui seront reprochées toute sa vie ; il termine la traduction en vers des psaumes du psautier huguenot, commencé par Clément Marot, qui est un élément essentiel de l’âme protestante. Sa traduction du Nouveau Testament, très conservatrice, vise à conforter la doctrine réformée. Il a aussi publié des œuvres historiques, en particulier l’histoire ecclésiastique des Églises réformées en 1580, ouvrage probablement collectif qui retrace, à partir des récits recueillis auprès de paroisses réformées de France, l’histoire de ces Églises.
La défense du calvinisme, Théodore de Bèze théologien
Les Églises réformées au 16° siècle ont un adversaire l’Église catholique romaine en France et sont en concurrence avec l’Église luthérienne dans le Saint Empire romain germanique.
La première, confortée par le Concile de Trente, est soutenue par la famille royale de France, tandis que les souverains des grands États germaniques luthériens souhaitent réunir l’ensemble des protestants dans leur Église.
Vis-à-vis des luthériens, Bèze défend avec détermination les positions réformées sur la prédestination et sur la communion, mais se montre prudent car les calvinistes français ont besoin des fonds et des mercenaires des États allemands et des cantons suisses, pour résister en France.
Au colloque de Montbéliard, 1586-1587, il défend l’interprétation calviniste de la présence spirituelle de la personne du Christ dans l’eucharistie contre Jacob Andrae, conseiller luthérien du duc de Wurtemberg, et défenseur opiniâtre de la présence réelle.
Il laisse une quantité considérable d’écrits théologiques pour défendre ce qu’il considère comme la Vérité, le dogme réformé, sans être, sur le fond, prêt à admettre la moindre concession.
L’action politique, la conquête de la France
On l’a vu plus haut, au colloque de Poissy, comme auprès du prince Louis de Condé, Théodore de Bèze n’est pas qu’un poète et un théologien, il est aussi un homme politique.
Il organise l’implantation des Églises réformées de France, forme les pasteurs, rédige une Confession de foi , catéchisme permettant de comprendre la foi protestante et de convaincre les opposants au quotidien. Il martèle la nécessité absolue de la discipline, des consistoires et des synodes.
Infatigablement, il correspond avec les alliés de la Réforme – les Villes protestantes suisses, Lausanne, Neuchâtel et Zurich, et les princes germaniques protestants – pour obtenir des ressources en hommes et en argent pour combattre la Ligue des Guise et asseoir durablement la Réforme en France. Il correspond aussi avec l’entourage d’Élisabeth d’Angleterre
Il entretient des relations suivies avec Henri de Navarre qui aide Genève contre les agressions du duc de Savoie, lors de la guerre de Raconis en 1582. Bèze voit avec fatalisme Henri évoluer du rôle de chef protestant à celui d’héritier de la couronne (manifeste de Montauban, 1586). Bèze continue d’intercéder auprès de ses alliés pour le compte d’Henri de Navarre, et, en 1587 reçoit le secours de reitres allemands et de mercenaires suisses, qui seront défaits par le duc de Guise à deux reprises (Vimory et Auneau).
La conversion d’Henri IV au catholicisme en 1593 est un choc, mais cela n’affecte pas la fidélité de Bèze envers le roi. Les compromissions successives d’Henri IV avec les catholiques mettent la fidélité de Bèze à rude épreuve, mais la signature de l’édit de Nantes en 1598 est pour lui la récompense de sa confiance en Henri IV.
Bilan de l’œuvre de Théodore de Bèze
Intellectuel et homme d’action, Théodore de Bèze a établi la théologie de Calvin grâce à la défense, sans faille ni compromission, des idées de la Réforme. Il a préparé et organisé la conquête d’un territoire d’exercice de sa religion. Si son rêve de faire de la France un pays protestant n’a pas été accompli, il meurt en 1605 à un moment où l’édit de Nantes protège effectivement les réformés de France.
Il a certainement été un de ceux qui ont œuvré le plus efficacement à la pérennité de la Réforme en Europe.