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La Déchristianisation
sous la Terreur (1793-1794)

L’onde de déchristianisation se déploie dans l’espace français en quelques mois : de brumaire à germinal an II (de septembre 1793 à juillet 1794).

La Terreur

La fête de l'Etre Suprême au Champs de Mars (8 juin 1794)
La fête de l'Etre Suprême au Champs de Mars (8 juin 1794) © Musée Carnavalet

L’année 1793 qui débute par la mort du roi Louis XVI (le 21 janvier), est caractérisée par la mise en place des institutions répressives : le Tribunal révolutionnaire en mars et le Comité de salut public en avril. C’est le triomphe des Montagnards. Les députés girondins sont exclus, et plusieurs sont guillotinés.

Parmi ceux-ci, signalons cinq protestants : Rabaut Saint-Étienne (Gard), Marc-David Alba-Lasource (Tarn), Pierre Ribes (Gard), J.B. Hervieux (Seine-et-Marne), Pierre Soulier (Gard).

La déchristianisation

Désaffectation d'une église pendant la Révolution (gravure de Swebach)
Désaffectation d’une église pendant la Révolution (gravure de Swebach) © Collection privée

Le phénomène de déchristianisation se caractérise tout d’abord par le fait que ce mouvement a été de très courte durée, et ensuite qu’il ne fut pas organisé par le pouvoir central. Le gouvernement de salut public et la Convention sont hostiles ou en tout cas circonspects face à ce phénomène.

C’est de province que partent les premières initiatives de fermeture d’églises, sous l’égide de représentants en mission ou des Comités de Surveillance. Mais Paris se mobilise presque simultanément.

L’intensité de la campagne de déchristianisation varie selon les régions. Cette campagne se déroule en deux temps. Il s’agit tout d’abord de procéder à une table rase des religions en place, puis de tenter d’instaurer un nouveau culte civique qui sera celui de la Raison.(Fête de la Raison : le 10 novembre 1793).

La Convention remplace l’ère chrétienne par l’ère révolutionnaire : Fabre d’Églantine fait adopter une réorganisation complète du calendrier qui, par la suppression du dimanche et la terminologie adoptée, témoigne d’une intention antichrétienne affirmée.

Les protestants ont-ils été atteints par le phénomène de déchristianisation ?

On ne recense de protestants, ni parmi les cadres des sections parisiennes, ni au sein des grands « déchristianisateurs ».

Par ailleurs, certains pasteurs réformés, adeptes d’un culte rationaliste et moral sous l’influence des Lumières, n’ont guère cherché à résister à la déchristianisation.

La plupart des pasteurs encore en activité sont amenés, au cours des années 1793-1794, à cesser leur activité. La communauté se contente alors du culte privé et familial.

Il y eut quelques rares lieux où le culte put se maintenir sans interruption (notamment Sainte-Foy-la -Grande en Gironde et Bergerac en Dordogne).

Il faut signaler également le cas des chapelles des ambassades du Danemark, de Hollande et de Suède qui n’ont cessé de célébrer leur culte.

On note aussi quelques cas de résistance affichée (dans la Drôme et dans l’Ardèche).

Abdication des pasteurs

Sur 215 pasteurs en 1793, il y aurait 98 abdicataires, dont les trois-quarts dans le Sud-Est (taux voisin de celui des prêtres catholiques).

Le culte a été à peu près partout suspendu. Il s’agit en fait pour la plupart, d’une cessation temporaire d’activité.

Dans le Gard, le nombre des abdications est proportionnellement important : 57 pasteurs abdiquent. La cause semble en être le fait que le Représentant Borie s’est montré particulièrement intransigeant et a recherché systématiquement l’abdication des ministres protestants.

Peu nombreux sont – parmi les abdicataires de l’An II – ceux qui ont abdiqué spontanément. On présume que 90 d’entre eux ont abdiqué sous la pression, sans adhérer au culte de la Raison. Il faut noter en outre qu’abdiquer ne veut pas forcément dire renoncer aux actes pastoraux, baptêmes ou mariages, qui peuvent être célébrés en famille, usage dont les huguenots avaient une longue habitude.

Le culte de l'Être Suprême

Le 7 mai 1794, Robespierre donne un coup d’arrêt à la déchristianisation. La Convention décrète que le peuple français reconnaît l’existence de l’Être Suprême et de l’immortalité de l’âme. L’existence de l’Être Suprême et l’immortalité de l’âme sont des éléments qui ne sont pas apparus en contradiction avec la façon de vivre le protestantisme au XVIIIe siècle.

Certains pasteurs voyaient dans les cultes révolutionnaires la réalisation d’une partie de leur idéal religieux. A titre d’exemple, on peut citer le conventionnel Lombard-Lachaux d’Orléans : « je n’ai jamais prêché que l’amour de la liberté, de l’égalité et de mes semblables ; mon unique désir est de continuer à concourir au bien des sans-culottes ».

Dès 1795, on assiste à la réouverture des temples.

Lorsque le culte est à nouveau célébré, les abdicataires sont dans l’ensemble réintégrés dans le corps pastoral. Dans leur esprit, il s’agissait plutôt d’une suspension que d’une renonciation au ministère. Néanmoins, il faut signaler une certaine désaffection dans leurs rangs car il semble qu’un quart du corps pastoral de 1793 n’ait pas repris le ministère évangélique. Certains pasteurs prennent des emplois civils.

Pour conclure, on peut constater que les Protestants ont réagi de façon plutôt individuelle au phénomène de la déchristianisation et qu’il n’y a pas eu de front commun pour ou contre la Révolution, dans leurs rangs.

Avancement dans le parcours

Bibliographie

  • Livres
    • BOURDON Jean-François, Les pasteurs réformés face à la déchristianisation de l’An II, mémoire de maîtrise, Université Pierre Mendès-France, 1987
    • VOVELLE Michel, La Révolution contre l’Église : de la raison à l’être suprême, Complexe, Bruxelles, 1988
  • Articles
    • « Les Protestants et la Révolution française », Bulletin de la SHPF, SHPF, Paris, 1989, Tome 127
    • ENCREVÉ André, « Les Protestants et la révolution française », Réformes et Révolutions, VIALLANEIX Paul (dir.), Presses du Languedoc, Montpellier, 1990, p. 192

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