Les jubilés de 1817 et 1867
1817: le contexte politique est celui de la « réaction », suite au Congrès de Vienne, hostile aux idées démocratiques.
18-19 octobre : Wartburgfest (Festivité de la Warburg) : environ 500 étudiants de douze universités se rassemblent au château de la Wartburg pour fêter la victoire sur Napoléon en même temps que le jubilé de la Réformation, et revendiquer l’unité nationale ainsi que des droits civils démocratiques : dans les discours, Luther mute en patriote allemand, car il a fondé la culture nationale et a vaincu le pape de Rome et rendu la liberté aux Allemands.
A Tübingen, le 31 octobre, professeurs, étudiants et représentants des citoyens et des corporations associent le jubilé de la Réformation et le souvenir de la victoire de Leipzig, avec une grande retraite aux flambeaux à travers la ville.
Dans les discours et les prédications du jubilé de 1817, les points de vue sur Luther varient. Pour les Aufklärer (philosophes des Lumières), Luther est le fondateur de la langue allemande, de la culture, de la liberté de conscience.
Pour le gouvernement prussien sous Frédéric-Guillaume III, il est le père commun de la Réformation, occasion d’une publicité pour l’union ecclésiastique des luthériens et des réformés.
Pour les luthériens orthodoxes, Luther est d’abord et avant tout le théologien des vérités de foi fondamentales.
Pour les piétistes, il est le promoteur de la diffusion de la Bible et de la mission auprès des païens.
Tous valorisent les réalisations de Luther et l’œuvre de la Réformation, mais aucun ne s’intéresse spécialement à ce qu’a fait Luther le 31 octobre 1517.
1867, 350e anniversaire de 1517 : le jubilé se déroule sur l’arrière-fond du triomphe militaire de la Prusse protestante sur l’Autriche catholique, dans la lutte pour l’héritage symbolique du « Saint Empire ».
Édification du monument de Luther à Worms
A Worms, le 25 juin 1868, l’inauguration du monument de Luther (Das Wormser Lutherdenkmal (le monument de Worms dédié à Luther), d’Ernst Rietschels (1856-1868), est entourée de festivités. C’est le début de fêtes en plein air. La mobilisation des moyens modernes de communication (bateau à vapeur, train) attire 100 000 visiteurs.C’est la « fête de la libre-pensée », et non une fête religieuse », selon l’abbé Marbach, qui a entendu crier : « Vive le roi de Prusse, empereur d’Allemagne ! ».
Le jubilé de 1883, 4e centenaire de la naissance de Luther
Dans l’Empire allemand,le contexte politique est celui du triomphe, depuis 1870-1871, de l’Allemagne protestante sur la France catholique et de la création de l’Empire allemand ; et celui du Kulturkampf (combat contre l’Église catholique), précipité par la proclamation de l’infaillibilité pontificale (1870) et le poids croissant du Zentrum (parti catholique) au Reichstag. Luther est identifié à la nation germanique, et la Réformation est vue comme la révolution allemande contre la puissance cléricale et Rome.
A Wittenberg, Erfurt, Eisleben, Eisenach : fêtes, création de musées et de monuments, plantation de chênes, lancement d’Archives pour l’histoire de la Réformation.
Aux États-Unis, le jubilé Luther connaît un certain retentissement, même en dehors des Églises luthériennes. Luther est présenté comme l’un des quatre pères fondateurs du nouveau monde, avec Christophe Colomb, Gutenberg et Calvin.
Auteur : D'après Marianne Carbonnier-Burkard